Le leader séparatiste Julius Ayuk Tabe a été condamné mardi à une peine de prison à vie, douchant les espoirs des partisans de l’ouverture d’un dialogue avec le régime de Paul Biya, président du Cameroun depuis trente-sept ans.
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Au Cameroun, la «crise anglophone» condamnée à la perpétuité ?
Il est le président virtuel d’un Etat qui n’existe que dans la tête de ses propres citoyens-militants. Julius Ayuk Tabe, 54 ans, s’était autoproclamé en octobre 2017 «président intérimaire de la République fédérale d’Ambazonie», un coup d’éclat symbolique destiné à faire avancer la cause des séparatistes anglophones camerounais. Le régime de Paul Biya, président bien réel du Cameroun depuis trente-sept ans, n’a pas apprécié la mascarade. La brutale répression des séparatistes, leur passage à la lutte armée, les arrestations, les kidnappings, les villages brûlés, les exactions commises par les forces de sécurité, les embuscades et les exécutions sommaires ont plongé les deux régions à majorité anglophone du pays (le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, frontalières du Nigeria) dans un violent cauchemar.
Mardi, Julius Ayuk Tabe a été condamné par un tribunal militaire à une peine de prison à vie pour «terrorisme» et «sécession», en même temps que neuf autres militants indépendantistes. Ils avaient tous été arrêtés en janvier 2018 à Abuja, la capitale du Nigeria qui sert de base arrière à plusieurs mouvements séparatistes camerounais, avant d’être transférés à Yaoundé – leur extradition a depuis été jugée illégale par la justice nigériane. Les accusés ne reconnaissent pas l’autorité du tribunal chargé de les juger. Leur avocat a dénoncé une «parodie de justice» et n’a pas encore indiqué s’ils allaient faire appel.
Séparatiste modéré
Le verdict vient en tout cas doucher les espoirs de ceux qui escomptaient, enfin, le commencement d’une ouverture du régime Biya pour résoudre la «crise anglophone», euphémisme utilisé pour qualifier un conflit qui a déjà fait plus de 2 000 morts, selon l’ONG Human Rights Watch, et un demi-million de déplacés. «Il n’existe actuellement aucun dialogue entre Yaoundé et les séparatistes, constatait une étude de l’International Crisis Group parue en mai. Les séparatistes exigent un débat avec l’Etat sur les modalités de la séparation, en présence d’un médiateur international. Le pouvoir refuse toute discussion sur la forme de l’Etat et la réforme des institutions. Il propose en revanche une décentralisation qui ne confère ni un financement adéquat, ni une autonomie suffisante aux collectivités territoriales décentralisées (communes et régions).»
Julius Ayuk Tabe, informaticien de formation, est considéré comme un séparatiste modéré. Il s’était dit disposé à participer à des pourparlers avec le gouvernement camerounais, dans le cadre d’un dialogue organisé par un pays tiers, en posant comme préalable la libération des militants indépendantistes. «La population du Cameroun du Sud a perdu toute foi dans l’expérience camerounaise – c’est une maladie incurable, écrivait-il cependant depuis sa prison, le 1er août. Paul Biya et son régime ont réprimé impitoyablement notre peuple – nos mères, nos pères et nos enfants – avec une férocité barbare. Une guerre a été déclarée contre notre peuple. Nous n’avons pas choisi de façon irresponsable la confrontation directe avec les autorités camerounaises. Nous avons toujours plaidé pour une résolution pacifique des causes de la crise. Cependant, Biya et son régime ont pensé différemment, estimant que la violence pouvait être la solution.»
Extrémistes des deux camps
La disponibilité du leader séparatiste pour un dialogue avec les autorités lui a valu d’être contesté par des branches plus radicales de son organisation, voire par des mouvements indépendantistes concurrents. «Les séparatistes sont structurés autour de deux entités politiques principales dotées de bras armés. Le gouvernement intérimaire de l’Ambazonie [le plus crédible politiquement, présidé par Julius Ayuk Tabe] et le conseil de gouvernement de l’Ambazonie se présentent tous deux comme le gouvernement légitime du Southern Cameroons [le Cameroun du Sud], détaille le rapport de l’ICG. Il existe par ailleurs plusieurs organisations séparatistes secondaires. Au début de la crise, toutes n’étaient pas convaincues de la nécessité d’une lutte armée. Mais à mesure que la violence s’accroît, elles se sont organisées pour une lutte “de libération”.» Aujourd’hui, sept milices principales, comptant entre 2 000 et 4 000 combattants d’après les estimations de l’International Crisis Group, «se revendiquent du courant séparatiste».
La spirale des violences les pourtant a éloignées de la majorité des anglophones (un cinquième de la population camerounaise), davantage favorables à une solution fédérale qu’à l’indépendance, estime l’institut de recherche. «Appelant à une réforme de l’Etat camerounais, et non à son éclatement, l’opinion anglophone ne soutient pas la lutte armée, précise le rapport. Bien que les anglophones, quelle que soit leur tendance (séparatistes, fédéralistes et partisans de la décentralisation), restent dans l’ensemble mécontents de la réponse gouvernementale, leur soutien aux milices faiblit à cause des abus qu’elles commettent et du lourd tribut qu’ils paient au conflit.»
La condamnation à la prison à perpétuité de Julius Ayuk Tabe, mardi, risque de renforcer les extrémistes des deux camps. Avec cette sentence symbolique, les durs du régime vont se sentir encouragés dans la poursuite de la répression. Tandis que les indépendantistes armés y voient la preuve que Paul Biya n’a jamais cru au dialogue et réellement envisagé une autre solution que l’écrasement militaire de l’insurrection. Entre les deux, l’immense majorité des Camerounais, anglophones comme francophones, assistent impuissants à l’enlisement du pays dans une guerre civile dont plus personne n’entrevoit l’issue.
Libération
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“Au Cameroun, la «crise anglophone» condamnée à la perpétuité?”
La ville de Bamenda est progressivement entrain de se vider de ses habitants, à la suite de la condamnation inique du leader sécessionniste anglophone Sisiku Julius Ayuk Tabe ainsi que neuf (09) de ses compagnons d’infortune.
Était-ce l’effet escompté par le dictateur Camerounais avec nombre de ses faucons, sur les conseils de “stratèges” de l’ombre, notamment Français? Tout amène raisonnablement à le penser.
Car une “guerre civile à perpétuité” (comme le titrait le quotidien Libération) est effectivement entrain de s’installer sous nos yeux au Cameroun anglophone. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir suffisamment prévenu de régime de Yaoundé, qui compte indiscutablement sur cette escalade guerrière et ô combien meurtrière pour se maintenir encore durablement voire éternellement au pouvoir.
Le triomphe de la politique (d’influence) du pire! C’est aussi cela la Françafrique.
JDE