Quelques heures après l’arrestation de Maurice Kamto et de quelques cadres du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), la classe politique camerounaise est montée au créneau pour réagir. Et ils sont nombreux à condamner l’arrestation du leader du MRC, arrivé deuxième à la dernière élection présidentielle avec 14 % des voix, derrière Paul Biya le président du pays, selon les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel.
L’opposition demande la « libération immédiate de Maurice Kamto »
« Les libertés fondamentales et les droits fondamentaux sont à rude épreuve. Et cela n’est pas nouveau au Cameroun. (…) Afin d’éviter qu’apparaissent au grand jour son illégitimité et son impopularité criardes, le gouvernement a toujours usé de tous les moyens, y compris de violences physiques pour réprimer l’élan citoyen. Les images des blessures infligées aux manifestants, les chroniques des arrestations de leaders politiques, qui ont eux aussi décidé de braver au nom de leurs droits constitutionnels, des interdictions administratives font le tour du monde. Nous condamnons, comme cela est constant, ces restrictions d’un autre âge, ces pratiques autoritaristes », déclare Cabral Libii, candidat du parti Univers et arrivé en troisième position avec 6 % des suffrages exprimés à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Celui-ci appelle notamment à la libération de tous les manifestants pacifiques et des leaders politiques arrêtés sur toute l’étendue du territoire camerounais. « Toutefois, le saccage, le pillage des biens et édifices publics à l’étranger par des Camerounais sont injustifiés et inconséquents. Cela ne peut que conduire à la légitimation du durcissement autoritariste et, par-delà, cela donne prétexte à la légitimation et à la consolidation du régime gouvernant », nuance le leader du mouvement aux 11 millions de citoyens.
Même son de cloche du côté du CPP. « À travers cette vague répressive, le régime de M. Biya confirme, pour ceux qui en doutaient encore, sa nature fondamentalement répressive et arbitraire. Ces arrestations font saisir à ceux et celles qui ne le comprenaient pas assez tout le drame que vivent les Camerounais du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis deux ans, victimes d’une répression infiniment plus grave », affirme de son côté Kah Walla, présidente du Cameroon People Party (CPP). Elle se dit convaincue que la solution à ces crises multiples demeurera une transition politique. « En prenant cette décision de résoudre par la force et la violence des problèmes politiques, les dirigeants de ce régime illégitime renforcent en réalité la détermination de tous ceux et celles qui ont soif de justice et de changement », ajoute-t-elle. De son côté, l’UPC Manidem, faction du parti historique, l’Union des populations du Cameroun (UPC), fait part de sa solidarité aux militants du MRC qui ont été victimes des interdictions de manifester et des « brutalités policières ».
Intimidations
Dans la société civile, le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac) exige la libération immédiate et sans condition du Pr Maurice Kamto et de toutes les personnes ayant fait l’objet d’arrestations. « Comment comprendre que, dans la nuit du 28 janvier 2019, en violation flagrante des dispositions de la loi et des règles internationales, on assiste aux enlèvements et séquestrations de M. Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), candidat à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, avocat et professeur d’université, presque avec tout son bureau, à savoir Pr Alain Fogue, M. Albert Dzongang, président d’un parti, Penda Ekoka et d’autres dans un domicile privé », s’interroge la directrice exécutive lors d’un point de presse ce 29 janvier 2019.
D’autre part, le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), condamne pour sa part « les comportements illégaux et irresponsables tout autant que les actes de vandalisme inqualifiables et d’infamie orchestrés le week-end dernier par le MRC à l’intérieur du pays et à l’étranger ». « Tout cela établit clairement, pour ceux qui pouvaient encore en douter, que le MRC et son promoteur ont choisi la déstabilisation des institutions, l’insurrection et le chaos comme modes de combat politique afin d’obtenir ce qu’ils ne parviennent pas à gagner par les voies démocratiques », indique le secrétaire général du parti dans un communiqué. Même ligne de conduite pour le PAL, parti allié. « Il n’y a plus de place ni pour la mansuétude, ni pour la bénignité, ni pour la longanimité. Le temps est à une fermeté du gouvernement », affirme Célestin Bedzigui, président de la formation politique.
Quant au sort de Maurice Kamto et des autres personnes arrêtées, aucune communication officielle n’a encore été faite sur le sujet. Selon certains cadres du parti en liberté, leur leader, après son arrestation à Douala, aurait été transféré dans les services de la police judiciaire à Yaoundé, la capitale.