Le message de solidarité nationale autour de la pandémie de Covid-19 ne semble pas avoir été entendu au Cameroun. Alors que plusieurs autres gouvernements appellent leurs citoyens à unir leurs efforts et à s’entraider, le parti au pouvoir au Cameroun utilise la pandémie pour régler des comptes et sanctionner l’opposition.
Le 11 mai, six bénévoles de la « Survie-Cameroon-Survival Initiative » (SCSI), une initiative de levée de fonds lancée par le chef de l’opposition Maurice Kamto pour répondre à l’urgence sanitaire, ont été arrêtés alors qu’ils distribuaient gratuitement des masques de protection et du gel désinfectant aux habitants de Yaoundé, la capitale du pays. Les arrestations prêteraient à rire si elles n’étaient pas si graves. Les bénévoles font visés par des chefs d’accusation de rébellion et demeurent en détention. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent jusqu’à quatre ans de prison.
Plus tôt en mai, le ministre de la Santé a rejeté un don de la structure de fonds lancée par Kamto, qui proposait la distribution de 16 800 masques de protection et chirurgicaux, ainsi que 950 tests de dépistage du Covid-19, affirmant que cette initiative n’avait pas de base juridique.
Le 7 avril, le ministre de l’Administration Territoriale, Paul Atanga Nji, a déclaré que toute collecte de fonds pour lutter contre le Covid-19 devait prendre fin, demandant aux citoyens de contribuer plutôt au « Fonds spécial de solidarité nationale » créé par le président camerounais, Paul Biya.
Le 9 avril, Nji a ordonné la fermeture de comptes appartenant à l’initiative de Kamto et le gel de ses fonds, avant de demander l’ouverture d’une enquête sur « Survie-Cameroon-Survival Initiative ». Le ministre a également ordonné aux opérateurs téléphoniques de clôturer les comptes mobiles ouverts pour soutenir le fonds.
L’arrestation des six bénévoles met en évidence la volonté du gouvernement de réprimer tout effort entrepris par l’opposition, alimentant les divisions politiques au moment où la coopération nationale est plus que jamais nécessaire.
Les autorités sanitaires ont confirmé 2 800 cas de Covid-19 et 136 décès à travers tout le Cameroun. Le 9 avril, pour tenter de ralentir la propagation du coronavirus, le gouvernement a rendu obligatoire le port des masques dans les lieux publics, mais ceux-ci sont aussi rares qu’onéreux.
Distribuer des masques gratuits à ceux qui en ont besoin n’est pas un signe de rébellion et ne devrait certainement pas conduire à des incarcérations. Les autorités camerounaises semblent davantage soucieuses de vaincre l’opposition que de protéger la santé publique.