Un célèbre chanteur rwandais « s’est suicidé » en prison, a affirmé la police du pays lundi 17 février. Kizito Mihigo, qui avait survécu au génocide de 1994 et dont les chansons provoquaient la colère du régime de Paul Kagame, a été retrouvé mort dans sa cellule vers 5 heures (2 heures GMT), trois jours après avoir été arrêté pour avoir tenté de traverser la frontière sud du Rwanda, vers le Burundi. Le porte-parole de la police, John Bosco Kabera, a déclaré que le chanteur avait reçu la visite de membres de sa famille et de son avocat durant sa détention. « Une enquête a été ouverte pour déterminer les raisons de son suicide », a-t-il dit.
En 2013, Kizito Mihigo s’était attiré les foudres du Front populaire rwandais (FPR, au pouvoir) après avoir composé des chansons qui remettaient en question le contrôle strict du gouvernement sur l’héritage du génocide ayant fait 800 000 morts, essentiellement parmi les Tusti. Sa musique, autrefois populaire auprès des élites dirigeantes, avait alors été rapidement interdite. Puis, en 2015, le chanteur avait été accusé de terrorisme et de soutien à un mouvement politique d’opposition et condamné à dix ans de prison pour conspiration contre le gouvernement. Ses avocats avaient alors souligné l’absence de preuves contre leur client, qui avait finalement été libéré après une grâce présidentielle en septembre 2018.
Kizito Mihigo n’est pas la première personnalité critique envers le gouvernement à mourir de manière suspecte pendant une détention au Rwanda. L’année dernière, un ancien directeur général du bureau de Kagame a été retrouvé mort dans une prison militaire après avoir été condamné à dix ans pour corruption. Et en 2015, le médecin personnel du président, Emmanuel Gasakure, avait été abattu par la police alors qu’il était en détention. Au pouvoir depuis 1994, Paul Kagame est accusé de diriger le pays d’une main de fer, de réprimer toutes les formes de dissidence et d’emprisonner ou d’exiler des politiciens de l’opposition. Human Rights Watch a notamment accusé le régime d’exécutions sommaires, d’arrestations, de détentions illégales et de tortures en détention.
Le Monde avec AFP