C’est parfois désespérant…Certains d’entre-nous dans la vaste diaspora africaine ne seront ainsi jamais assez « noirs, africains de souche », et j’en passe… pour mériter l’estime et la considération des théoriciens de l’authenticité identitaire africaine….Une sorte de double peine raciste: Jamais assez Français en France, et pas suffisamment Africain en Afrique. Alors que faire?
Je lis un peu dépité sur les réseaux sociaux africains la concentration d’attaques racistes et xénophobes contre le Franco-Béninois Lionel Zinzou, notamment depuis qu’il s’est porté candidat à l’élection présidentielle au Bénin. J’avoue être un peu peiné par ce repli réactionnaire et identitaire – que nous reprochons si commodément et souvent à d’autres – et qui ne devrait jamais nous être appliqué au motif que nous faisons éternellement partie des victimes, des peuples qui « souffrent et qui continuent de souffrir » (comme chantait autrefois Tonton David)…. à cause de ces « vilains et odieux Blancs », Français de préférence…Y compris quand nous identifions de manière stigmatisante certains de nos compatriotes, pour mieux les exclure du jeu politique ou de l’espace socio-économique africain.
Mais qui peut décemment croire que les Béninois – même les détracteurs les plus virulents de Lionel Zinzou – le découvrent au Bénin uniquement depuis sa nomination récente à la primature, puis sa candidature à la présidence de la République? Personne…
Car non seulement ce financier de renom intervient avec sa famille depuis des décennies dans la promotion de l’art et de l’entrepreneuriat dans ce pays. Il a aussi surtout été celui par qui sont systématiquement passés tous les décideurs du Bénin ces dernières décennies pour obtenir les financements extérieurs. Subitement, parce qu’il serait « Métis Français venu récemment de France » , il ne serait donc plus assez digne d’être Béninois, pas assez « noir » au goût des théoriciens d’une certaine authenticité identitaire africaine…et usurperait donc de sa candidature à la Présidence du Bénin?
Pourtant, contrairement à l’opacité qui prévaut encore hélas dans nombre de pays de l’espace francophone africain, le processus électoral au Bénin apporte toutes les garanties de transparence. En sortira ainsi vainqueur celle ou celui que les Béninois auront majoritairement choisi en toute liberté. Et pas besoin de lire dans une boule de cristal pour affirmer de manière préremptoire que Lionel Zinzou sera forcément l’élu parce qu’il serait « le candidat de la France ». Tant la compétition est ouverte, et que d’autres postulants sérieux issus comme lui de la société civile – à l’instar de l’homme d’affaire Patrice Talon – pourraient légitiment prétendre à la victoire.
Hélas un « racisme anti-blanc » par ricochet…
Sujet ô combien sensible…Je ne réduis pas le « racisme anti-blanc » – que subit par ricochet ici M. Lionel Zinzou uniquement à son métissage, mais aussi à une forme assez caractéristique d’exclusion sociale, politique, voire économique dont souffrent parfois les personnes issues des diasporas; quand de surcroît elles sont métisses, bi-nationales, et ont fait l’essentiel de leurs carrières en occident…Lorsque par malheur elles aspirent aux mêmes postes ou fonctions de responsabilité nationale que leurs compatriotes locaux voulus « authentiques africains », elles se heurtent alors à ce type de stigmatisation. Voilà ce qui ressort avec une violence inouie et une virulence sans égale à l’occasion de cette campagne présidentielle au Benin, aggravé et j’en conviens par le parachutage récent de M. Lionel Zinzou à la primature, puis sa candidature controversée à la Présidence de la République de ce pays.
En effet le racisme ne traduit pas seulement une frustration instantanée ou historique, il participe d’un mode de raisonnement ou de pensée qui place l’autre dans une extranéité permanente. C’est le cas en France mais aussi en Afrique noire. Ne nous cachons pas derrière les beaux clichés de fraternité et les belles histoires d’une diversité apaisée renvoyées par nos expériences respectives sur le continent. Une certaine dure réalité réserve hélas souvent bien des déconvenues à toutes celles et tous ceux d’entre-nous que nos sociétés totalitaires perçoivent comme « différents »: du fait de leurs orientations sexuelles, de leurs origines bi-nationales, voire parfois simplement de leur résidence prolongée en occident, y compris quand elles ou ils participent comme Lionel Zinzou depuis des années au rayonnement international de leurs pays d’origine..
Cela nous le savons tou-te-s!
Dans notre quête collective d’une Afrique prospère et démocratique, apprenons à dépasser les considérations d’ordre personnelles, liées souvent à la nationalité d’origine, voire à l’antériorité ou à l’ancrage sur le territoire Africain… pour privilégier les idées, les programmes, les compétences, l’intérêt général…. En effet face aux défis de la lutte contre la pauvreté, nous ne saurons nous priver des talents de la mixité et des diasporas africaines qui – malgré le débat nauséabond français sur la déchéance de nationalité – sont une chance et non un fardeau pour l’Afrique.
Je vous remercie
Joël Didier Engo
Président du Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)