Le régime biélorusse poursuit sa répression effrénée de l’opposition. Le principal rival d’Alexandre Loukachenko à l’élection présidentielle, Viktor Babaryko, a été condamné, mardi 6 juillet, à quatorze ans de prison pour corruption. Considéré comme un prisonnier politique par les défenseurs des droits de l’homme, cet ancien banquier de 57 ans avait été arrêté peu avant le scrutin du 9 août 2020. Il devra effectuer sa peine « dans une colonie pénitentiaire de sécurité renforcée », ont précisé ses soutiens sur son compte Twitter.
Viktor Babaryko, qui a toujours clamé son innocence, a également été condamné à rembourser 46 millions de roubles biélorusses (15 millions d’euros) de dommages et intérêts, à une amende de 45 000 euros et à l’interdiction d’exercer des fonctions de direction, selon l’ONG Viasna. Le procureur avait requis quinze ans de prison, la peine maximale.
« C’est une peine insensée visant un individu qui avait décidé de se lancer en politique et était devenu l’un des leaders ayant réveillé le pays d’un long sommeil », a réagi Svetlana Tsikhanovskaïa, figure de proue de l’opposition, en exil en Lituanie. L’ambassade américaine à Minsk a dénoncé « l’imposture cruelle » de la justice biélorusse. Selon l’Union européenne (UE), « cette condamnation est l’un des 125 verdicts récents inéquitables et arbitraires rendus par les tribunaux biélorusses dans le cadre de procès à motivation politique ». L’UE a exigé la libération « immédiate et inconditionnelle » de M. Babaryko, ainsi que des 530 autres prisonniers politiques.
Mouvement de protestation sans précédent en Biélorussie
La condamnation de Viktor Babaryko survient dans un climat de poursuites tous azimuts contre les opposants, défenseurs des droits de l’homme, ONG et journalistes. Les autorités ont notamment bloqué le principal média indépendant du pays, Tut.by, et arrêté, fin mai, un journaliste d’opposition en exil, Roman Protassevitch, en détournant vers Minsk l’avion de ligne à bord duquel il se trouvait.
La réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko a déclenché un mouvement de protestation sans précédent en Biélorussie. Pendant des mois, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pacifiquement, avant de subir une violente répression. L’UE et les Etats-Unis ont alors pris de nouvelles sanctions, économiques et individuelles, visant de hauts responsables biélorusses et des hommes d’affaires, ainsi que les secteurs-clés de la potasse, du pétrole et du tabac.
Le régime pourrait également jouer un rôle dans l’afflux soudain de migrants en Lituanie
La Biélorussie a riposté en annonçant, le 28 juin, la suspension de sa participation au Partenariat oriental de l’UE et le rappel de son ambassadeur à Bruxelles. Le régime pourrait également jouer un rôle dans l’afflux soudain de migrants en Lituanie, a estimé, mardi, le président du Conseil européen, Charles Michel, en soulignant que les membres de l’UE n’étaient « ni naïfs ni intimidés ». En vingt-quatre heures, les gardes-frontières lituaniens ont arrêté 131 personnes, en provenance principalement d’Afrique et du Proche-Orient, via la Biélorussie, portant à 1 300 le nombre d’entrées illégales de migrants dans le pays depuis le début de l’année, contre 81 seulement pour toute l’année 2020.
Les experts indépendants visés
A l’intérieur du pays, le régime a encore étendu la répression en s’attaquant à une nouvelle composante de la société. Cette fois, ce sont les experts indépendants qui sont visés. Deux chercheuses, Tatiana Kouzina et Valéria Kostygova, ont été arrêtées, respectivement les 28 juin et 1er juillet. Les charges retenues contre elles sont pour l’heure inconnues, mais la prolongation de leur détention laisse craindre le pire, selon leurs soutiens.
Tatiana Kouzina, cofondatrice, enseignante et chercheuse à la School of Young Managers in Public Administration, avait participé à différents projets de recherche financés par l’Europe, tout comme Valéria Kostygova. « Leur arrestation est un signal fort, affirme Ioulia Schukan, chercheuse à l’université Paris-Nanterre et amie de Tatiana Kouzina. La répression ne vise plus seulement ceux qui expriment une opinion divergente dans la rue, mais aussi ceux qui font de la recherche et contribuent à la diffusion des valeurs occidentales. »
Les deux chercheuses faisaient partie des rares experts travaillant encore en Biélorussie. La plupart ont déjà quitté le pays. En juin, Artyom Shraibman, analyste politique reconnu, et Sergueï Chaly, expert en économie et politique, ont dû partir à leur tour. « Tous les chercheurs sentent le danger s’approcher, explique Mme Shukan. On croyait ces personnes protégées par leur renommée, ou parce qu’elles étaient peu visibles. Ce sont des otages du régime, qui frappe fort. On est dans une période d’escalade dont on ne voit pas le bout. »
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