Au Rwanda, l’opposante Victoire Ingabire et le chanteur Kizito Mihigo ont été libérés, dans la matinée de ce samedi 15 septembre. Ils font partie des 2 140 prisonniers dont le ministère de la Justice avait annoncé vendredi l’élargissement. Dans ses premières réactions à RFI, Victoire Ingabire se dit « surprise et contente » et indique son intention de poursuivre ses activités politiques. Victoire Ingabire et Kizito Mihigo étaient considérés comme des prisonniers politiques par les organisations de défense des droits de l’homme. Tous deux purgeaient de lourdes peines.
A l’issue d’un procès largement contesté, la présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), Victoire Ingabire, avait été condamnée pour « minimisation du génocide », après avoir réclamé la reconnaissance des victimes des massacres du Front patriotique rwandais (FPR), l’ex-rebellion, aujourd’hui au pouvoir.
Condamné à quinze ans de prison, l’opposante en avait déjà purgé huit. Elle avait été arrêtée alors qu’elle était rentrée dans son pays pour participer à l’élection présidentielle d’août 2010.
« Surprise »
« Surprise », Victoire Ingabire dit espérer que sa libération est un signe que le président Kagame – qui a changé sa Constitution et pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2034 – souhaite enfin ouvrir l’espace politique dans son pays. En tout cas, ces huit années de prison ne l’ont pas découragée. Elle dit, en effet, vouloir poursuivre ses activités politiques et surtout se battre pour ses camarades qui sont encore détenus.
► à (ré)écouter: Les premiers mots de Victoire Ingabire à sa libération
Le chanteur Kizito Mihigo avait, lui, été arrêté en avril 2014, juste avant la vingtième commémoration du génocide auquel il participait chaque année. Ce rescapé du génocide avait d’abord été porté disparu pendant plusieurs jours. Les autorités avaient fini par reconnaître son arrestation. Officiellement, on lui reprochait une conversation sur Skype avec un opposant en Afrique du Sud. Officieusement, c’est l’une de ses chansons qui aurait déplu. Dans cette chanson, lui aussi évoquait les crimes de vengeance du FPR.
Lui aussi espère pouvoir continuer d’œuvrer à travers sa fondation pour la réconciliation dans son pays. Ecoutez ses premiers mots :
« Une suite logique de demande de pardon »
Joint par RFI, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, souligne que cette libération n’est que la suite logique d’une demande des prisonniers eux-mêmes.
« Victoire Ingabire et Kizito Mihigo ont écrit, à plusieurs reprises, au président de la République pour lui demander la grâce présidentielle, les dernières lettres datant de juin 2018. Cette grâce présidentielle a été accordée à plus de 2 000 prisonniers y compris Victoire Ingabire et Kizito Mihigo. C’est en rapport avec leur demande de pardon. Cela n’a donc rien à voir avec toute autre considération », précise-t-il.
A la question de savoir ce qu’il répond à ceux qui disent que ces mesures ont été prises pour améliorer l’image du Rwanda, en termes de démocratie, au moment où le Rwanda tente de briguer le secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Olivier Nduhungirehe s’en défend :
« Ils diront toujours cela. Or, le fait est que nous avons eu des demandes écrites par les deux prisonniers. A moins qu’ils n’insinuent que les deux prisonniers sont en connivence avec le gouvernement. Vraiment, leurs considérations sont ridicules », estime-t-il avant d’admettre que Kizito Mihigo a pourtant demandé pardon depuis le jour de sa présentation devant la justice.
« Même Victoire Ingabire a demandé pardon depuis longtemps. Ce n’est pas parce que vous demandez pardon que vous allez l’avoir immédiatement. Cela est examiné et considéré et le moment venu, la décision est prise », a ajouté le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe.