Les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies ont entendu un exposé le 17 Septembre 2015 du Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, sur la crise au Burkina Faso. Il demande un retour sans délai des autorités de la Transition.
Les membres du Conseil de sécurité condamnent dans les termes les plus forts la saisie inconstitutionnelle et par la force du pouvoir perpétrée les 16 et 17 Septembre 2015, par des éléments du Régiment de sécurité présidentielle contre les autorités de transition du Burkina Faso. Ils ont réitéré leur demande que le Président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida du Burkina Faso, ainsi que d’autres fonctionnaires détenus, soient libérés en toute sécurité et immédiatement.
Les membres du Conseil de sécurité ont exhorté les auteurs á rétablir l’ordre constitutionnel et rendre le pouvoir aux autorités civiles de la transition sans délai. Ils ont exhorté tous les acteurs à respecter le calendrier de transition, notamment la tenue d’élections libres, justes et crédibles, prévue pour le 11 Octobre 2015. Ils ont exhorté tous les acteurs au Burkina Faso à s’abstenir de toute violence.
Les membres du Conseil de sécurité ont réitéré leur ferme soutien aux efforts du Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas, ainsi que ceux de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine et d’autres partenaires internationaux pour préserver la transition au Burkina Faso.
Les membres du Conseil de sécurité ont souligné que les auteurs de cette saisie inconstitutionnelle et par la force du pouvoir doivent être tenus responsables et, à cet égard, exprimé leur volonté de suivre de près la situation et d’envisager des mesures supplémentaires si nécessaire.
Au Burkina Faso, le mauvais coup des prétoriens
Éditorial du Monde 18 septembre 2015
C’est un coup d’État brutal destiné à remettre en selle l’ancien pouvoir qui a eu lieu, jeudi 17 septembre, au Burkina Faso, pays qui joue un rôle-clé dans l’équilibre général de l’Afrique de l’Ouest. Il a été unanimement condamné par l’ONU, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, les Etats-Unis, l’Union européenne et la France. Lesquels ne devraient pas s’en tenir à une condamnation de pure forme.
Passé quelques heures de flottement, il apparaît que ce sont bien des proches de l’ex-président en exil Blaise Compaoré qui ont renversé les autorités de transition. Celles-ci sont arrivées au pouvoir il y a un an. Elles étaient alors portées par un mouvement de protestation populaire contre le souhait de Blaise Compaoré, à l’époque, de changer la Constitution pour se maintenir en place. M. Compaoré était aux commandes depuis vingt-sept ans. Ses partisans aimeraient bien les reprendre.
Indispensable tolérance zéro
Sans doute les autorités de transition étaient-elles, en partie, engagées dans une forme de dérive. Les dispositions qu’elles avaient prises pour écarter toutes les personnes liées de près ou de loin à l’ex-pouvoir de Blaise Compaoré sont injustifiables. Le Burkina n’était pas dans un état de dictature lorsqu’il était dirigé par Blaise Compaoré : ceux qui ont occupé des fonctions avant les manifestations d’octobre 2014 ne peuvent être « criminalisés » politiquement.
Mais les autorités de transition ne peuvent non plus être qualifiées de dictatoriales. Leur comportement ne justifie aucunement que l’on fasse exception à l’indispensable tolérance zéro vis-à-vis de toute prise du pouvoir par des militaires. Tout spécialement lorsque ces derniers constituent la garde rapprochée d’un ex-président désormais en exil. L’Afrique ne doit pas continuer à vivre ainsi au gré des humeurs de quelques prétoriens.
Ce qui se joue au Burkina Faso, pays de plus de 18 millions d’habitants, aura des répercussions sur l’ensemble du continent
Ce qui se joue au Burkina Faso, pays de plus de 18 millions d’habitants, aura des répercussions sur l’ensemble du continent. Sa stabilité est décisive pour son développement, d’abord, mais pas seulement. Frontalier d’une demi-douzaine de pays de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina occupe une place importante dans le dispositif mis en œuvre par la France, et nombre de pays africains pour lutter contre le djihadisme, ou l’islamo-gangstérisme, dans l’ensemble de la région sahélienne.
M. Compaoré a donné un bien mauvais exemple. A sa suite, plusieurs pays (Congo-Brazzaville, Rwanda, République démocratique du Congo, notamment) ont été le théâtre d’une dérive politique autoritariste. Leurs présidents ont concocté des projets de réforme constitutionnelle destinés à leur permettre de rester au pouvoir au-delà des limites (généralement deux mandats) fixées par les textes fondamentaux.
Au Burundi, cette question a plongé le pays dans une crise d’une gravité extrême. Au Burkina Faso, la réaction populaire a stoppé ce projet et provoqué le départ du président Compaoré. Quelle sera, un an plus tard, la leçon de Ouagadougou si des militaires peuvent effacer en une nuit les avancées de cet élan démocratique, porté par la jeunesse, dont on sait le rôle-clé qu’elle doit jouer dans une Afrique en pleine transformation ?
On connaît la réponse. Une nouvelle vague de désespoir chez les jeunes. Et les plus entreprenants d’entre eux, au péril de leur vie, prendront, par le Sahara puis la Méditerranée, le chemin de l’Europe – plutôt que de contribuer chez eux à la construction nationale.