Burkina: le parti de Kaboré réclame sa libération et le retour à l’ordre constitutionnel
Réuni ce mercredi 26 janvier à Ouagadougou, le bureau politique du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) dénonce une remise en cause complète de toutes les dispositions institutionnelles de la République et de la démocratie farouchement acquises. Le parti lance un appel à tous ses militants et sympathisants, à tous les démocrates, pour la recherche d’une solution à la situation que traverse le Burkina Faso.
Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani
La rencontre a duré environ deux heures, au siège du parti, au quartier Gounghin de Ouagadougou. Aucun dispositif de sécurité particulier n’était sur place. Pour les responsables du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), la démission de Roch Marc Christian Kaboré a été obtenue sous la pression. Et ce coup d’État vient remettre en cause tous les acquis démocratiques depuis l’insurrection populaire de 2014.
« Il ne s’est pas levé lui-même librement pour dire “compte-tenu de tels et tels paramètres, je remets le pouvoir au peuple”. Ce n’est pas une démission volontairement pensée, consentie, prononcée par l’intéressé, c’est une situation d’obligation, de contrainte, c’est un coup d’État classique pur et dur », proteste Clément Sawadogo, premier vice-président du MPP.
Les responsables du MPP exigent la mise en liberté, sans condition, du président déchu et celle d’éventuelles personnalités détenues. « Naturellement, un parti ne peut pas être d’accord avec cette situation et c’est pourquoi nous condamnons ce coup d’État et continuons d’exiger le retour à l’ordre constitutionnel normal. Parce que c’est quand même une démocratie chèrement acquise. »
Les responsables du Mouvement du peuple pour le progrès disent suivre de près l’évolution de la situation. Mais il ne s’agira pas d’appeler leurs militants à descendre dans la rue. Cela pourrait conduire à un bain de sang, fait savoir Clément Sawadogo.
La société civile demande aussi l’ordre constitutionnel
Le professeur Abdoulaye Soma, président du parti d’opposition Soleil d’Avenir, estime pour sa part qu’il y a nécessité de mettre en place rapidement une transition politique. Il a participé à la mise en place des instances politiques en 2014 et a été désigné expert pour les Nations unies au Mali, également pour aider à la mise en place de la transition politique. Il se dit aujourd’hui « désolé » mais « pragmatique » et entrevoit déjà la possibilité d’une transition « dans des termes convenables ».
« Je suis désolé d’abord parce que l’avènement d’un coup d’État de déplorable. Mais je suis pragmatique parce que la situation est déjà actée. La priorité absolue, c’est le retour à l’ordre constitutionnel et démocratique normal. Évidemment, comme nous sommes dans le cadre d’un coup d’État, il faudrait que les autorités actuelles déclinent rapidement leurs intentions. Je suis convaincu qu’on est obligé de passer par une transition. La dernière fois, on avait réussi à commencer la transition quinze jours après le coup d’État de 2014. Je suis partant pour qu’on se concerte rapidement. »
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Côté société civile, une nouvelle coalition a vu le jour et réunit le Balai citoyen, la Ligue des panafricanistes et également des associations de la région de Kaya a été créé ces dernières heures. Priorité pour ces militants : le retour à l’ordre constitutionnel et une réelle politique pour contrer l’avancée des groupes armés jihadistes. Serge Bambara, alias Smockey, membre fondateur du Balai Citoyen, est l’un des porte-parole de cette coalition.
On déplore qu’il ait fallu passer par là pour espérer un changement pour le peuple burkinabè. L’ancien régime a réussi par sa mal-gouvernance à nous tirailler entre le fait d’être des démocrates et des républicains et le constat d’un coup de force […] Nous pensons que force devrait rester au droit et à la loi. Mais il faut analyser avec prudence et sagesse la situation difficile que les Burkinabè ont dû traverser pendant cette période de gouvernance calamiteuse de six ans […] Les priorités c’est d’abord le retour à l’ordre constitutionnel normal, un nouveau travail sur la sécurité entière de notre pays […] et c’est aussi la préservation des acquis de l’insurrection populaire chère à tout le peuple burkinabè […] Mais il faut d’abord comprendre clairement ce que les nouveaux tenants du pouvoir ont comme agenda
Serge Bambara
Guillaume Thibaulthttps://www.rfi.fr/fr/
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Burkina Faso : des nouvelles de l’ex-président Kaboré
DÉROULÉ. Roch Marc Christian Kaboré, dont on était sans nouvelles depuis le coup d’État militaire du 24 janvier, est entre les mains de l’armée et en bonne santé, a-t-on appris.
Le sort exact du président Kaboré alimente depuis plusieurs jours toutes les incertitudes, alors qu’on ignorait sa localisation exacte, et s’il était prisonnier des mutins ou s’il restait sous protection de soldats loyalistes. Il est « toujours aux mains de l’armée », détenu « dans une villa présidentielle en résidence surveillée », a déclaré mercredi 26 janvier à l’Agence France-Presse une source haut placée au sein de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Elle a donné des nouvelles rassurantes : selon elle, M. Kaboré « va bien physiquement » et a « un médecin à sa disposition ».
Des propos qui confirment des déclarations du président français Emmanuel Macron, qui avait dit la veille avoir eu confirmation « qu’il était en bonne santé et qu’il n’était pas menacé ».
Incertitudes sur les premières heures
Peu avant l’annonce du putsch, le MPP avait dénoncé « une tentative avortée d’assassinat » du président burkinabè. Selon la source au MPP, M. Kaboré « n’a pas été arrêté aux premières heures » de la révolte des soldats. Dans un premier temps, alors que « sa résidence privée » était « quadrillée par les mutins », sa « garde rapprochée » l’avait exfiltré « à bord d’un véhicule banalisé pour le mettre en lieu sûr ».
« C’est plus tard, et sous la pression des mutins, que ses gardes – notamment des gendarmes – ont dû le laisser » entre les mains des putschistes « et se rallier à eux dans la foulée », a-t-elle dit, en soulignant que la gendarmerie ne pouvait que se rallier, car toute l’armée était consentante pour démettre le président de ses fonctions.
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Une junte soutenue par la rue
Mardi matin, des centaines de manifestants étaient descendus sur la place de la Nation, au cœur de Ouagadougou, pour soutenir les putschistes. Roch Marc Christian Kaboré a été renversé par des militaires avec à leur tête un lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, président d’une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). La junte a pris la tête d’un pays miné par la violence djihadiste depuis 2015 qui s’est intensifiée ces derniers mois, après deux jours de mutineries dans plusieurs casernes. Le MPSR avait annoncé la dissolution ou suspension des institutions de la République, ainsi que la fermeture des frontières aériennes et terrestres.
Les frontières aériennes ont cependant été rouvertes dès mardi, de même que les frontières terrestres pour certains produits, ce qui semble indiquer que la junte ne craint pas un « contrecoup » et maîtrise les différents corps d’armée. De source militaire, on indique que le lieutenant-colonel Damiba, un spécialiste de la lutte antidjihadiste, devait rencontrer mercredi la hiérarchie de l’armée, ainsi que les secrétaires généraux pour évoquer l’expédition des affaires courantes dans l’attente d’un nouveau gouvernement.
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Condamnation presque unanime
Le coup d’État au Burkina, qui survient après ceux du Mali et de Guinée, a été fermement condamné par la communauté internationale qui exige « la libération immédiate » du président renversé. Mercredi, Josep Borrell, chargé de la politique extérieure de l’Union européenne, a averti que « si l’ordre constitutionnel n’est pas rétabli », cela aurait « des conséquences immédiates sur notre partenariat avec le pays ». Les condamnations viennent de la quasi-totalité des pays occidentaux, des voisins ouest-africains du Burkina Faso qui doivent se réunir en « sommet extraordinaire » vendredi, de l’Union africaine et de l’ONU. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a jugé que « les coups d’État militaires étaient inacceptables ».
La seule voix discordante est venue de Moscou où l’homme d’affaires Evguéni Prigojine, réputé proche de Vladimir Poutine et soupçonné d’être lié à l’opaque groupe paramilitaire Wagner présent dans plusieurs pays africains, a salué le putsch comme le signe d’une « nouvelle ère de décolonisation » en Afrique.
Au Burkina, le principal parti d’opposition, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), proche de l’ancien président Blaise Compaoré chassé par la rue en 2014, n’avait pas encore réagi mercredi. Seuls quelques petits partis ont condamné le coup d’État, hormis celui de Yéli Monique Kam. Unique femme candidate à la présidentielle de 2020 qui avait vu la réélection de Roch Marc Christian Kaboré pour un 2e mandat, elle a apporté son soutien « total » à la junte.
Par Le Point Afrique