Cameroun-Bamiléké: réflexion sur une minorité et une région que la stigmatisation institutionnelle caricature officiellement en bloc monolithique, dans un pays rongé par le tribalisme d’État.
L’Université des Montagnes (UdM) n’est pas une affaire de Bamiléké
Les non-Bamiléké ont la vision « simplice » selon laquelle cette ethnie forme un tout homogène. Rien n’est plus faux. Qu’y a-t-il en commun entre une minorité qui s’enrichit en exploitant les failles du système Biya, tout en se cachant sous les «mamelles » du RDPC (le parti-État au pouvoir depuis 1982) et toute cette horde de personnes dynamiques, qui subit chaque jour une politique d’exclusion de la politique du «Renouveau» ?
Ces étudiants qui ratent des concours administratifs parce que des textes sur mesure donnent des pouvoirs iniques au ministre de la Fonction publique, au patron de la Police…pour reconstituer les listes d’admis après les décisions des jurys? Ces mototaximen, transporteurs…sur qui la police se défoule pour extorquer de l’argent au vu et au su de tout le monde? Ces petits commerçants, pour la plupart ignorants des règles fiscales trop complexes pour eux qui se font presser comme une orange marocaine juteuse…
Tout cela sans que députés, sénateurs, maires, agents de la haute administration d’origine bamiléké ne lèvent, comme c’est pourtant inscrit dans leurs fonctions, le moindre petit doigt pour les défendre.
Quand il y a des problèmes qui surgissent comme lors du conflit entre le ministère de la Santé et l’UdM, les responsables de cette institution instrumentalisent cette masse en indiquant qu’il s’agit d’une attaque contre les intérêts bamiléké.
En quoi une attaque, même réelle contre l’UdM est-elle une attaque contre les Bamiléké?
Le professeur Kaptué et son clan en ont fait exclusivement une affaire de quelques fils de l’ancien département de la Mifi. À l’exception du professeur Gérard Pougoué qui apparaît comme une espèce de «tâche», qu’on nous donne quelques noms de membres de l’AED-UdM originaires de la Menoua, des Bamboutos, du Ndé, du Haut-Nkam (hors Gerard Pougoué) ? C’est d’ailleurs pourquoi lorsqu’il faut accorder des dons, l’équipe de Kaptué ne se concentre que dans l’ancienne Mifi. C’est aussi pour cela que, comme par hasard, on a l’impression que c’est un clan Bayangam qui réagit au comportement de Kaptué et consorts. Que reproche-t-on à Paul Biya finalement? Quand en finira-t-on à l’Ouest avec la roublardise comme moteur de l’action ?
Le Bamiléké serait donc un problème pour tous les autres Camerounais.
Ils ne comprennent pas son dynamisme et sa démographie galopante. Cette capacité à faire face victorieusement à l’adversité. Cette faculté de rebond quand on croit tout perdu. Cette persévérance qui fait que très souvent, les membres de cette ethnie se retrouvent toujours au sommet au cours de tout concours distinctif.
Ces Camerounais détestent cependant la roublardise, l’escroquerie, l’incapacité à se rendre utile sans chercher une compensation financière qui animent une minorité. Ils n’acceptent pas qu’alors que le nombre de Bamiléké milliardaires ait explosé depuis que Paul Biya est au sommet de l’État, ces mêmes compatriotes dans des réunions restreintes, fustigent un régime dont ils profitent abondamment.
Ces Bamiléké doivent se regarder dans un miroir et se juger sans complaisance: pourquoi chaque fois qu’ils se mettent ensemble pour un projet commun, (Cofinest, CBC, 2M, Amity Bank…) et maintenant l’UdM, cela se termine toujours si mal? Cela n’a rien à voir avec la malchance dans la mesure où à chaque fois, de «petits malins» veulent capter pour eux seuls, le fruit d’un travail collectif. Lorsque que l’État, en général «bamiphobe», en profite pour entrer dans ces petites magouilles et sous prétexte d’y apporter de l’ordre, «casse la baraque», on crie au scandale en oubliant le «péché originel».
Une groupe ethnique finalement extrêmement fragile
Tout ce constat fait qu’en réalité, la société bamiléké est extrêmement fragile. Un jour, si rien n’est fait, on se rendra compte qu’il ne s’agit que d’une «tigresse en papier». Comment des gens apparemment aussi puissants n’arrivent pas à trouver des systèmes informels pour régler a priori des conflits à l’instar de celui qui risque de couler définitivement l’UdM ? Quand avez-vous vu des «nordistes», pourtant presque aussi puissants que les Bamiléké dans le commerce, au tribunal pour de telles affaires? Presque toujours, les choses se règlent selon des méthodes proches de la « palabre » africaine.
Cette absence de figure «tutélaire» à l’Ouest est la conséquence du comportement des membres d’une certaine élite sur la vie des citoyens. Qui peut faire confiance à des gens qui dans une banque, ont détourné les projets des autres à des fins personnelles? Qui n’ont essayé depuis leur entrée dans le monde des affaires qu’à rouler leurs frères et sœurs?
À 85 ans, le professeur Lazare Kaptué aurait pu faire figure de «sage» sur lequel doit s’appuyer la jeunesse. Qui peut alors désormais lui faire confiance quand on voit les conséquences de son action à la tête de l’AED-UdM? Bien plus, les théoriciens d’un “Laakam” retrograde (groupuscule d’auto-défense des intérêts des Bamilékés) devraient arrêter de nous vendre du vent, de semer la tempête. Concrètement qu’ont-ils jamais fait pour le pays bamiléké en particulier et pour le pays en général? Voilà qu’ils se réveillent pour détruire un projet que la diaspora a patiemment et intelligemment construit.
Le «problème» Maurice Kamto
Cette roublardise se retrouve dans l’environnement lié au parti de Maurice Kamto, le Mouvement pour le Renaissance du Cameroun (MRC). La passion qui se manifeste autour de ce dernier est inquiétante et porte les germes d’un affrontement majeur entre les Camerounais. Tout citoyen est libre d’adhérer au parti politique de son choix. Mais il peut tout aussi bien ne pas adhérer à un parti politique.
Cette façon qu’ont certains à l’Ouest de réagir avec une rare violence lorsqu’on émet des doutes sur les capacités de Maurice Kamto à relever le défi de l’alternance a quelque chose de particulièrement inquiétant; d’autant plus qu’une telle violence n’a d’égal que celle de certains Béti dans la défense aveugle de Paul Biya. Ce qui est inacceptable pour Paul Biya l’est-il pour Maurice Kamto?
Ouest Littoral est un journal d’opinion, et se revendique comme tel. Il ne soutiendra éventuellement l’action de Maurice Kamto que si ce dernier s’explique clairement sur les raisons l’ayant poussé dans les années 90 à ne pouvoir trouver le temps nécessaire à la rédaction des statuts de l’Université des Montagnes, comme le lui avait demandé Ambroise Kom. S’il n’explique pas pourquoi pendant la première élection présidentielle pluraliste, il n’est apparu qu’à la dernière minute au meeting de John Fru Ndi à Bafoussam «aux bras» du professeur Isaac Tcheho comme un «marié», et a disparu une fois la défaite du “chairman” actée pour réapparaître quelques années après dans le gouvernement de Paul Biya, sans donner aucune explication?
Il reproche tellement de choses au régime aujourd’hui qu’on aimerait savoir ce qui a changé de son entrée au gouvernement jusqu’à sa sortie 7 années plus tard? On ne passe pas 7 années dans un gouvernement si on n’est pas en accord avec son action. Quel est son bilan au sein dudit gouvernement? Alors que son parti existe depuis des années, son premier meeting après la présidentielle de 2011 n’a eu lieu que ces jours derniers, qui plus est près de son village natal, alors qu’il est de notoriété publique que ses adversaires qualifient le Mrc de parti régionaliste? Est-ce faire preuve d’une espèce d’«intelligence manœuvrière»?
Il a le droit d’opérer les choix qu’il veut. Nous avons aussi le même droit, et cela ne devrait soulever ce torrent de haine naissant dans les réseaux sociaux.
Nous voyons d’ailleurs, dans ce qui se passe autour de lui, circuler la même roublardise qu’à l’UdM: vouloir s’accaparer du travail des autres sans montrer ce qu’on veut faire et dire comment on compte le faire. Ne pas établir le bilan de son action publique alors qu’on est potentiellement candidat à la magistrature suprême a quelque chose de particulièrement choquant.
Nous profitons ici pour expliquer à nos jeunes, qu’il est nécessaire de se départir de ce que nous, leurs aînés, avons incrusté dans l’imagerie populaire. Rien ne prouve que ce soit un Bamileké qui apportera le salut à l’Ouest et au Cameroun. Jean Kueté est Secrétaire général du RDPC, peut-on dire qu’il ait été utile à sa Région natale? Niat Njifenji est le second personnage de l’État; allez enquêter du côté du Sénat et vous verrez comment il laisse le secrétaire général Béti de l’institution Michel Meva’a M’eboutou «brimer» ses compatriotes Bamiléké.
L’exemple de Paul Biya président de la République depuis 33 ans, et qui n’a rien fait de concret dans son Sud natal est assez «bavard».
Le journal Ouest Littoral appartient à un Bamiléké affirmé et décomplexé. Pourtant, tous les patrons de presse bamiléké rejettent l’imprimerie de son journal pour travailler avec la mission catholique et «Cameroon tribune». C’est leur droit le plus absolu. Mais il est important de noter que les clients de ladite l’imprimerie sont essentiellement Béti (La Nouvelle, La Meteo, l’Anecdote…) malgré des lignes éditoriales différentes.
D’ailleurs, tous ces Bamiléké qui sont offusqués par notre position sur Maurice Kamto, sur le fait que nous publions des informations de premières mains sur l’UdM, peuvent-ils nous dire le nombre de fois qu’ils ont acheté et lu notre journal autrement que par l’entremise des revues de presse ?
Tous les Camerounais devront réfléchir sérieusement sur cette question ethnique afin d’éviter que le triangle équilatéral (défini avec brio par le regretté professeur Roger Gabriel Nlep) dans lequel Bami, Nordiste et Béti veulent enfermer tous les autres Camerounais ne nous entraîne… en enfer, selon le modèle ivoirien.
© Ouest Littoral : Benjamin Zebaze
Source : camer.be