DIASPORA SOI-DISANT EN FUITE VERS LE CAMEROUN : IL FAUT QU’ON ARRÊTE DE MENTIR AUX CAMEROUNAIS!
Par jean Marc Jean-Marc Soboth
J’ai écouté récemment un drôle de reportage d’Équinoxe TV relatant les malheurs de quelques voyageurs d’Air France et Brussels Airlines cueillis ex nihilo à l’aéroport de Douala par le gouverneur Samuel Ivaha Diboua et conduits « en confinement » à travers la ville dans des minibus vers des hôtels dont les gestionnaires et les clients n’avaient, pour la plupart, pas été préalablement informés de l’opération abracadabrantesque. Le plus étonnant fut l’ambiance autour de ce vaste bricolage aux allures de campagne de propagation du Covid-19.
Dans les réseaux sociaux et à travers des médias pro-régime, on faisait croire que les gens de la diaspora, si « hostiles » au Cameroun, étaient désormais en débandade du fait de la pandémie du nouveau coronavirus. Tous avaient subitement envie de s’enfuir vers ce pays qui, bien évidemment, n’est plus le leur, depuis qu’il appartient à M. Paul Biya et à ses supporters. D’autant que M. Biya, propriétaire du pays, pourrait en profiter pour se venger d’avoir été chassé de Suisse.
Le brouillamini subséquent est jalonné d’annonces viciées de nouveaux cas d’infections par le Minsanté, généralement imprécises sur le statut consulaire des voyageurs infectés. Ceci jetant de l’huile sur le feu.
Désormais, un certain public camerounais se sent assiégé par cette diaspora qui, a-t-on lu çà et là, s’était même « cotisée pour entretenir la guerre » au pays.
Parmi les pays où se trouvent les « anciens » ressortissants camerounais qui meurent d’envie de s’enfuir vers le havre de santé de leur pays natal, on a cité le Canada. C’est ce que me fait réagir, tant je connais la situation ici.
La première des choses que je veux préciser est que les Camerounais résidant à l’étranger ne se résument pas à quelques passagers d’un ou de deux vols d’Air France ou Brussels Airlines pris en otage à Douala. Ceux-là, soit vivent au Cameroun, soit ont obtenu un visa pour un « voyage indispensable » au pays, à leurs risques et périls – risque élevé de contagion au COVID-19 au cours du voyage et dans les aéroports. La diaspora c’est, de source officielle, 4 millions d’individus environ parmi lesquels on compte : étudiants, hommes d’affaires, fonctionnaires internationaux, universitaires, sportifs de haut niveau, des foules de notabilités politiques et autres débrouillards, dont les prostituées… – Et entre parenthèses, la contribution de cette diaspora au pays a toujours été l’une des plus notables en Afrique noire, ayant atteint les 585 milliards de francs Cfa en 2015 selon la firme britannique WorldRemit citant des chiffres de la Banque Mondiale…
Je suis en mesure de dire qu’aucun Camerounais de cette diaspora solidement installée dans leur pays d’accueil – le Pr. Maurice Kamto l’a bien relevé lors de sa dernière tournée en Amérique du nord – n’a ni sollicité, ni souhaité « s’enfuir » vers le Cameroun. Aucun n’a a jamais eu l’envie. C’est un mensonge éhonté de penser qu’ils ont pensé, une seule seconde, s’enfuir vers un pays qui n’a aucun système de santé viable – zéro couverture médicale universelle -, où, sans conséquence pénale, on avait accouché une femme (feue Monique Koumatelek) à la lame rasoir à même le sol, devant un hôpital public… C’est, tous le savent, le pire endroit où quiconque irait se protéger du Covid-19, laissant derrière des systèmes de santé ultramodernes doublés de couverture médicale universelle, qu’il serait pourtant facile d’implanter au pays par la seule volonté politique.
Il faudrait donc qu’on arrête de mentir les Camerounais!
Et puisqu’on a nommément cité le Canada, je ne serais même pas capable d’énumérer toutes les mesures prises par ce pays pour sécuriser ses concitoyens. Ce pays n’est aussi qu’une victime collatérale du Covid-19. Loin de nous toute vantardise. On ne se vante pas devant sa mère. Notre mère c’est le Cameroun. Ce que je dis a donc valeur pédagogique pour nos autorités.
En sus d’un système de santé où, comme en France, on va à l’hôpital et on est soigné même si on n’a pas un kopeck en poche (couverture médicale universelle), le Canada bat aujourd’hui le rappel de ses ressortissants disséminés à travers le monde. Y compris les vacanciers au soleil. Ces derniers sont priés de revenir rapidement dans un pays où ils seront mieux protégés par le système médical fort exercé qui se blinde, à coups de milliards de dollars, en capacité de détection, de recherches et de soins. Ottawa affrète des avions d’Air Canada pour aller chercher plus 20 000 ressortissants aux quatre coins de la planète en accordant à chacun une subvention d’environ 2 millions de francs Cfa pour se payer son billet.
Alors que le gouvernement de Donald Trump lance un plan de 1 000 milliards de dollars US pour la crise (environ 500 000 milliards de francs Cfa), et la France plus de 300 milliards d’euros de prêts aux entreprises entre autres mesures, le Canada a entrepris un plan d’intervention historique. Au plan social, le pays versera pas moins de 1800$/mois pendant 04 mois/renouvelables à tous ceux qui auront perdu le travail du fait de la conjoncture Covid-19. Inclus, ceux qui vont se mettre en quarantaine de retour de voyage, les travailleurs autonomes et ceux qui vont aider des malades…
Toutes les entreprises qui vont devoir fermer boutique, licencier ou dont l’activité va se ralentir du fait de la conjoncture seront pris en charge. Au cours de cette période, l’État prendra tout en charge, y compris le loyer sur les hypothèques et les salaires. Dans la même période, il est interdit d’expulser un locataire, etc. L’État, soutenu par la Banque centrale (Banque du Canada), couvrira/garantira les prêts bancaires tant que va durer la crise en se privant des recettes fiscales.
Je ne serais pas capable, disais-je, de procéder à toute l’énumération comparé à ce que j’ai vu dans le reportage d’Équinoxe TV. À savoir ces commerçants camerounais subissant de plein fouet la crise du coronavirus mais qui ne recevront ni soutien ni compassion au « paradis ». Je vois déjà plutôt des débats télévisés où des « politologues » viendront moquer les malheurs de la tribu qui aime tant le commerce.
Nous autres de la « diaspora » nous prions pour qu’il n’arrive rien de grave à notre pays. Car nous savons et vivons la différence. Nous savons qu’une contagion massive au Covid-19 conduira à une incontrôlable hécatombe dans ce pays où, justement, le respect de la vie humaine des citoyens par le régime n’a absolument rien à voir avec le Canada. Nous savons que le Cameroun ne peut pas faire face à une vraie crise du Covid-19 malgré l’appui promis par l’OMS… C’est pour cela que personne n’ira au Cameroun s’il n’est obligé à l’aune d’un « voyage essentiel », prévu de longue date.
Last but not least, les plans d’intervention canadien ou américain sont pris en concertation avec les banques centrales : la Banque du Canada et la Federal Reserve. C’est elles qui couvrent les arrières des États dans leur offensive. Or, même s’ils le voulaient, les pays de la zone franc ne peuvent même pas envisager des mesures économiques substantielles quels qu’en soient les cas. Et pour cause. Ces pays n’ont pas de banques d’émission. Leur banque centrale c’est le Trésor français. C’est la France. Tant que la France est occupée à lutter pour elle-même, ces pays vont attendre longtemps qu’elle vienne leur verser un peu de poudre aux yeux à leur tour.
Nous prions quotidiennement pour ça, pour la paix dans ce « paradis » de l’inconscience, du vol généralisé des deniers publics, du tribalisme et du crime de sang où l’on séquestre impunément dans des hôpitaux publics, pendant des semaines, des femmes parce qu’elles ont osé accoucher sans argent…
Jean-Marc Soboth