“Notre client avait le bras gauche bandé et attaché à son cou”
Me Serge Chendjou. L’avocat au barreau du Cameroun raconte sa rencontre avec Mamadou Mota au Sed à Yaoundé.
Le collectif d’avocats dont vous faites partie a publié mercredi un communiqué pour dénoncer l’entrave à l’exercice de la profession d’avocat dont vous êtes victimes. Cette entrave a visiblement été levée en ce qui concerne les détenus interpellés après la mutinerie à la prison de Kondengui lundi. Comment avez-vous eu accès à vos clients ?
C’est à 14 heures que le coordonnateur de l’équipe de défense, Me Souop Sylvain a reçu un coup de fil d’un gendarme du Sed l’informant de l’ audition imminente de notre client Mamadou Yacouba Mota. Toutes affaires cessantes, nous nous sommes rendu au Sed où y étant nous avons été renseigné que notre client se trouvait dans le bureau du lieutenant . Etant dans le bureau de ce dernier nous avons noté la présence d’un commissaire de police venu de la Direction de la police judiciaire.
Voulez-vous nous décrire la rencontre avec ces détenus ?
Notre client était assis sur une chaise et avait le bras gauche bandé et attaché à son cou. Il avait également un bandage sur la tête et des hématomes à la tempe gauche et avait du mal à effectuer des mouvements du cou . Son pied gauche était aussi traumatisé puisqu’il a sollicité une permission pour aller se soulager et n’a pas pu marcher . Il nous a dit qu’il a passé 04 jours sans s’alimenter c’est ce qui justifiait son état .Je précise que notre client est très robuste sinon il serait mort. Le procureur du TGI nous a retrouvé dans le bureau de l’enquêteur . Il a salué notre client et a dit c’est vous Mamadou Mota et puis il s’est éclipsé.
Dans quel état avez-vous trouvé ces personnes, notamment Mamadou Mota ?
En dehors de Mamadou Yacouba nous n’ avons pas pu rencontrer d’autres personnes exfiltrées de la prison centrale en même temps que lui mais il nous a dit qu’il était avec Nana Serge Branco et qu’il n’a plus de ses nouvelles. Notre client nous a dit qu’il a été extrait de sa cellule de la prison centrale du quartier 3 Local 43 autour de 03 heures du matin avec le président du parti des républicains Monsieur Georges Baongla . Leurs bourreaux ont commencé à les rouer de coups, il faut préciser qu’ils étaient des gardiens de prison. Monsieur Baongla a perdu ses lunettes à la suite d’une gifle qu’il a reçue. Une fois dans la cour d’honneur il a été seul à être jeté derrière un pick -up de gendarmerie et plusieurs gendarmes ont déchiré ses habits et l’on molesté avec des bâtons et la crosse de leur fusil. L’un d’entre eux a retiré sa montre et ses bagues en croyant que cela lui procurait une invulnérabilité. On lui a dit qu’il ne sera jamais président. Que depuis quand les gens du Nord vont à l’école etc. Un autre a dit qu’il allait coucher avec sa femme. Il faut préciser que notre client a eu le bras cassé en voulant protéger sa nuque qui était la cible de ses bourreaux.
Êtes vous en mesure aujourd’hui de savoir la liste des personnes interpellées, leur lieu de détention et ce qui leur est reproché ?
La liste non exhaustive des détenus du MRC arbitrairement et nuitamment enlevés de leurs couchette à la prison centrale de Yaoundé pour des destinations inconnus est actualisée au 24 juillet 2019 :
- TOUKAM Pascal
- Dr KOUAM Franck
- SIEWE Wilfried
- MEGAPTCHE POUMDA Ghislain
- RAOUL TCHAPOCK
- SINTCHOU SADJIO SIDOINE BOBE
- TCHINDA MATHIEU ELVIS
- KOUAM ALEXIS
- TAMONANG GUY MARTIAL
- NANA Serges
- MUTHAGA Sylvanus Tifuh
- MAMADOU YAKOUBA Mota
- SIEWE Éric
- FOTSO FOALEM Carlos
- NYAYO NGUEUTMEN Michel Ulrich
- DONGMO AJOUATSA TAKOUGANG Éric
- YEMGA Thomas Derge
- CHATCHOUA Christophe
- FOLEU Serges Éric
- WAFFO Jasmain
- DOMKAM WAMBO Joseph
- NGAHANE Eugène.
Soit au total 22 personnes enlevées sous réserve des vérifications à faire. Les exfiltrations se poursuivent jusqu’à cette mijournée du 24 juillet 2019.
Le Jour : Propos recueillis par Claude Tadjon