Par Olivier Tchouaffe, PhD Contributeur au CL2P et Joël Didier Engo, Président du CL2P
Un proverbe iranien affirme que “Prouvez d’abord votre fraternité et puis réclamez votre part d’héritage”. Le CL2P, en dépit de ses ennemis qui ont fait religion de questionner son investissement pour les droits humains, opère dans une logique de contribution, très conscient de l’héritage catastrophique que le Vieux Nègre nous lègue. L’objectif est de comprendre que les jeunes États africains sont des communautés imaginaires inachevées. En pratique, l’expérience de la plantation bio-politique néo-coloniale comme État-nation où le chef de l’État n’est pas seulement l’ultime autorité légale détenant un quasi pouvoir de veto à l’Assemblée nationale et dans les tribunaux. L’idée est de démontrer comment le capital social et le collectif peuvent être reconstruits autour du droit de la nécessité, de la qualité des services de l’état, et de la responsabilité. Cette prise de conscience repose sur la nécessité de lutter contre l’héritage de l’autorité épistémologique et l’omniscience du maître colonial maintenant masqué sous le couvert d’un chef de l’État dit «moderne». En bref, la nécessite constante d’idées nouvelles.
Dans la nécessaire réforme judiciaire à mener, les actions du CL2P sont conformes à la Charte des droits de l’Homme des Nations Unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et au droit à un procès équitable.
Ainsi, après des décennies d’une longue opération, chronophage, budgétivore et inefficace, appelé «Opération Épervier », le gouvernement dit avoir modestement pu récupérer 3% de l’argent qu’il prétend que des « prévaricateurs de la fortune publique » ont détournés des caisses de l’État. Malgré ce que prétendent ses ennemis, le CL2P considère sa mission dans une logique de contribution. Le CL2P a déjà appelé à la réintégration de «l’arbre à palabres » que nos ancêtres ont utilisé comme processus judiciaire. Nos ancêtres avaient notamment compris que le rôle de la justice n’était pas seulement retributive et punitive, comme le régime de Biya le démontre d’une façon implacable, mais dans un but de paix sociale.
En effet, l’arbre à palabres en poursuivant la paix sociale est une pratique efficace pour respecter l’inviolabilité et le caractère sacré de la vie humaine contre la damnation sociale arbitraire. C’est un espace de résolution démocratique et pratique qui est juste et équilibré. Nos ancêtres ont si bien géré la paix sociale que le terme «prison» n’appartenait même pas à notre vocabulaire traditionnel. L’historien Achille Mbembe, dans son dernier projet de «l’Afrique-Monde», a mentionné «l’arbre à palabres » comme un système judiciaire efficace que l’Afrique peut offrir au monde entier.
Afin de rééquilibrer la justice camerounaise, et essentiellement la justice africaine francophone puisque tous ces pays copient et emploient le modèle juridique et judiciaire franco-romain, le CL2P plaide pour ces réformes qui sonnent comme un défi sur notre capacité collective d’assurer une protection égale pour tous en vertu de la loi:
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L’institutionnalisation des Commission d’instructions pour limiter la portée du procureur spécial indépendant dans les cas et les procédures trop compliquées et complexes pour une seule personne.
L’argument central est celui-ci : au lieu d’avoir un seul procureur chargé d’instruire et de monopoliser une enquête criminelle énorme et complexe, le CL2P préfère plusieurs commissions d’enquête indépendantes parce que notre processus actuel d’enquête sur les hauts fonctionnaires de l’exécutif au Cameroun est trop corrompu pour être durablement réparé. Par conséquent, de telles commissions d’enquêtes devraient viser à aller au fond des choses aussi rapidement que possible, punir les malfaiteurs, faire preuve d’approches différentielles dans des cas légitimes, se dispenser d’infractions banales et, en général, diminuer le temps que les hauts fonctionnaires gouvernementaux passent en « détention provisoire » en vertu d’un nuage de suspicions. Pire encore, c’est quand le procureur spécial lui-même opère sous ce même nuage de suspicions qu’il en sort lui-même complètement discrédité. Et, malheureusement, aucune des solutions essayées au cours des dernières décennies n’a été satisfaisante et à même d’éviter les griefs recensés par le CL2P.
Tout d’abord, il faut noter que le soi-disant procureur spécial indépendant qui a concentré de nombreuses enquêtes criminelles dans le cadre de l’opération “Épervier” (un certain Pascal Magnaguémabé) est maintenant radié à vie du corps judiciaire. Dans un pays normal, tous les dossiers instruits par ce procureur véreux auraient au moins dû être rouverts.
Deuxièmement, prenons le cas de la célèbre affaire sur l’avion du Président de la République, cette enquête complexe aurait nécessité la mise en place de différentes commissions:
– Une commission qui se serait concentré sur la Présidence de la République où l’ordre d’acheter l’avion est venu, puis le ministère des finances (dont le ministre Michel Meva’a m’Eboutou pour ne pas le citer http://cl2p.org/lordre-de-
– Une commission indépendante pour la Société nationale des hydrocarbures (SNH) qui a procédé au virement des fonds auprès de la Bank of America des frais pour régler les frais de fabrication de l’avion (http://cl2p.org/cameroun-non-
– Une autre commission indépendante qui se serait concentré sur Boeing et les différents intermédiaires.
– Une commission sur la mécanique et les pilotes qui ont tenté de faire voler ce cercueil volant appelé « Albatros ».
Ces commissions sont par nature inquisitoriales et non accusatoires. Cela signifie que la défense joue un rôle clé à chaque étape de l’enquête en termes d’instruction, de preuves matérielles, et de témoins. La défense peut apporter ses propres preuves et appeller ses propres témoins.
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L’institutionnalisation de la « Collaboration Récompense » ou «Plaider coupable». L’accusé et les témoins à charge peuvent négocier avec la cour en échange de sentences plus légères ou de circonstances atténuantes.
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Une Haute Autorité Indépendante de l’État pour mener la réforme portant création d’un département d’intégrité publique qui fonctionne en dehors des influences politiques et comme un mécanisme auto-correctif pour superviser les enquêtes et les poursuites dans des affaires politiques de haut rang. Cette institution entend rétroactivement tous les cas de corruption, propose des réformes, et met en place d’autres règles à même d’empêcher la reproduction de corruption endémique au Cameroun. Cette institution sera également responsable d’entendre et enregistrer la déclaration de richesse des fonctionnaires de haut rang avant et après leurs prises de fonctions.
Le président et les hauts dirigeants de cette autorité doivent avoir des curriculums vitae et une intégrité impeccable, et ne peuvent être congédiés au cours d’un mandat de 10 ans chacun. Cela signifie que la haute autorité n’est pas à la solde ou au bon plaisir du président et ne peut pas être facilement renvoyée. Cela pourrait renforcer à la fois la perception et la réalité de l’indépendance quotidienne de cet organisme. En plus, le quartier général de cette instance doit n’est pas tenu d’être situé à Yaoundé et pourrait même être à des milliers de kilomètres de la capitale politique camerounaise (pour le symbole!).
Le CL2P reconnaît que la perception publique de la Haute Autorité sera exclusivement liée à la qualité des personnes qui vont la composer. Et c’est essentiellement la réputation de probité et de professionnalisme de ce personnel qui participera à sa crédibilisation au sein de l’opinion publique. Elle devra en effet convaincre les gens ordinaires que les enquêtes sont régies uniquement par la loi et les preuves irréfutables, et non par la politique et les règlements de comptes personnels, puis qu’elles seront menée avec professionnalisme.
La Haute Autorité supervisera également le bon fonctionnement de la justice et recommandera la nomination et la promotion des magistrats par le biais d’un système de contrôle équitable et rigoureux.
La haute autorité indépendante pourrait également être dotée d’un pouvoir et de prérogatives semblables à ceux des inspecteurs généraux des ministères ou des organismes publics: c’est-à-dire produire des rapports publics à la fin de ses enquêtes.
4) La nécessité d’une Commission Vérité et Réconciliation pour traiter notamment l’héritage de la corruption endémique au Cameroun puis présider au processus de rétrocession des biens et/ou fortunes mal acquis à l’État du Cameroun.
La justice n’est pas seulement un outil de punition mais aussi un moyen de construire une paix social durable. En bref, les élites qui gouvernent le Cameroun ne peuvent recouvrer de légitimité qu’en étant honnêtes avec la république sur ce qui a mal fonctionné, si nous voulons collectivement reconstruire une confiance qui est maintenant totalement rompue. Cette honnêteté commence par être honnête avec elles-mêmes. Dans un cadre plus large ce sera le lancement de la nécessaire redéfinition démocratique de la méritocratie et l’évolution de la mentalité grâce à de nouvelles formes d’acquisitions de la richesse, des compétences, et la reconnaissance sociale qui va avec.
Olivier Tchouaffe, PhD Contributeur au CL2P et Joël Didier Engo, Président du CL2P
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English version
Cameroon: Against Arbitrary Social Damnation, Propositions of Judiciary Reforms by the CL2P
By Olivier Tchouaffe, PhD Contributor to the CL2P and Joel Didier Engo, President of the CL2P
An Iranian proverb states that “first, prove your brotherhood, then, ask for your heritage.” The CL2P, despite of his haters who, in their undeserved desire for self-congratulation, continuously and cynically question the CL2P’s commitment to human rights. As a matter of facts, the CL2P operates within a logic of contribution and very conscious of the catastrophic legacy le Vieux Negre is leaving to the country to deal with. The goal is to understand that young African states are unfinished imagined communities.
In practice, neo-colonial biopolitical plantation experiment of nation-state where the head of state is not only the sole embodiment and the ultimate controlling legal authority with the power to veto the National Assembly and the courts. The idea is to demonstrate how social capital and collective are being built around right of necessity, quality of service and accountability. This knowledge is predicated on the necessity to combat the legacy of the epistemological authority and omniscience of the colonial master now masquerading as head of state. In short, the constant necessity of new ideas which the CL2P is happy to oblige.
In the necessary judicial reform, therefore, the CL2P’s actions are consistent with the United Nations Charter on Human rights, The International Covenant on Civil and Political Rights and the Right to a fair trial.
Hence, after decades of time-consuming, wasteful and inefficient Operation Epervier, the government has merely recovered 3% of the money it claims the “prevaricators of the public fortune” embezzled from the state coffers. Despite what its haters claim, the CL2P considers its mission within a logic of contribution. The CL2P has already called for the reinstatement of the “Palaver Tree” our ancestors used as judicial trials. Our ancestors understood that the role of justice was not retribution as the Biya’s regime is relentless to emphasize but social peace.
Indeed, the palaver tree and social peace is an effective practice to respect the inviolability and sacredness of human life against arbitrary social damnation. This is a space of democratic and practical resolution that are fair and balanced. Our ancestors managed social peace so well that the term “prison” does not even belong to our traditional vocabulary. Achille Mbembe, in its latest project of “Afrique-Monde” has mentioned the “Palaver Tree” as an effective judiciary system Africa can gift to the world.
In order to re-equilibrate Cameroonian Justice and basically Francophone African justice since all these countries copy and employ the Roman-French legal mode of justice, the CL2P argues for these propositions that will pass the test for an equal protection for all under the law:
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The institutionalization of Commission of instructions to limit the scope of the independent special counsel- instruction judge- to oversee big and complex cases and procedures that are too big for one person to handle.
Therefore, the core argument is this: rather than having one single judge instructing and monopolizing one huge and complex criminal investigation, we have instead the investigation broken down into many independent commissions of investigation because our existing process to investigate high executive branch officials in Cameroon is broken beyond repair. Hence, such commissions of investigations should aim to get to the bottom of things as quickly as is feasible, punish wrongdoers, bulldoze delaying tactics in legitimate cases, dispense with trivial offenses, and generally minimize the length of time that major government officials serve under a cloud of suspicion. Worse yet is when such a cloud hangs over the investigation itself. Unfortunately, none of the solutions tried over the past several decades have met the tests of the CL2P.
First, we must note that the so-called independent special counsel who instructed many criminal investigations under the “Operation Epervier” is now banned for life from the judiciary. In a normal country, all the dossiers this rogue judge instructed must be reopened.
Second, let’s take the famous case of the president’s airplane for example, this complex investigation requires many commissions: a commission that focuses on the presidency where the order to buy an airplane came down from; an independent commission for The National Society of Hydrocarbons who paid for the place; another independent commission that focuses on Boeing and the intermediaries; a commission on mechanics and pilots who attempted to fly the flying coffin called “Albatross.”
These commissions are by nature inquisitorial and not accusatorial. It means that the defense plays a key role every step of the investigation in terms of the instruction, material proofs and witnesses. The defense can bring its own proofs and calls its own witnesses.
2- The Institutionalization of Plea Bargain. The defendant can make pleas in exchange for lighter sentences or attenuating circumstances.
3- An Independent High Authority of the state for reform leading a department of public integrity that functions outside of political influences and as an auto-corrective mechanism to supervise investigations and prosecutions in high political cases. This institution will retroactively hear all the corruption cases and put into place further rules that will prevent endemic corruption in Cameroon. This institution will also be responsible for hearing the declaration of wealth from high ranking civil servants before and after taking offices.
The president and the high executive members of that authority must have impeccable credentials and cannot be fired during a mandate of 10 years each. That means that the high authority does not serve at the pleasure of the president and cannot be easily dismissed. That could reinforce both the perception and reality of day-to-day independence with a truly radical step: place the headquarters of the department and its head somewhere thousands of miles from Yaoundé.
The CL2P recognizes that the public perception of the High Authority has integrity hinges exclusively on the lawyer who is appointed. It is the lawyer’s reputation for probity and professionalism, and that alone, can convince people a real investigation, governed by law and evidence not politics, is being conducted.
The High Authority also supervises the good functioning of justice and recommend magistrates for nomination and promotion through strong vetting system.
The independent high authority could also be given a power and duty more like that of the cabinet-level inspectors general: to produce a public report at the conclusion of his investigations. Such reports allow for public accountability for misconduct that is not criminal, for exoneration of officials who did nothing wrong, and for oversight and lesson-learning. They also put pressure on investigations to reach an endpoint.
4- The necessity of a truth and reconciliation committee to deal with the legacy of corruption in Cameroon.
Justice is not solely punitive. It is also a means to achieve durable social peace. In short, the elites governing Cameroon can regain legitimacy only by being honest with the republic about what went wrong in order to rebuilt a trust which is now badly broken. This honesty begins with being honest with themselves. In the larger framework, a democratic redefinition of meritocracy and the evolution of mentality through new forms of skills acquisition, capabilities and competence. Therefore, the necessity to provide forms of micro-histories as material evidences as larger proofs of social transformation and change through an epistemic framework that demonstrate the changing nature of procedures of knowledge embedded in ethical practices that even precede ontological essence. In practice, the material utility of knowledge procedures and the production of information and expertise.
Olivier Tchouaffe, PhD Contributor to the CL2P and Joel Didier Engo, President of the CL2P