Affaire Cameron Airlines Volet 1 & 2 Le 25 juin 2019. Monsieur le 1er Président,Honorables membres de la Cour, Monsieur le Procureur Général, Mesdames, Messieurs,
1 – Je tiens tout d’abord à vous prier de m’excuser pour mon absence à l’audience de la semaine dernière qui a, à ma demande été renvoyée à ce jour. En effet mon état de santé, selon les termes des médecins, est inquiétant, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, pour faire délicatement écho sans courir des risques, à mon insistance à me présenter devant cette Cour aujourd’hui, ils m’ont imposé la présence à mes côtés d’une infirmière.
2 – Mon absence n’était donc aucunement, loin s’en faut, une défiance, mais réellement et effectivement due à une raison médicale préoccupante. Aussi, au regard de ce qui précède, en somme mon état de santé, je vais être bref. Permettez-moi donc, que très respectueusement je vous remercie, de l’opportunité que vous me donnez de prendre la parole au cours de la présente audience.
3 – Il va sans dire que c’est avec une émotion certaine, que je prends la parole aujourd’hui devant vous. L’émotion est bien là, même si je suis conscient que la Justice, quand elle doit se déployer, n’a pas à s’embarrasser de nos états d’âme. Pourtant, la situation dans laquelle je me trouve, sort tout à fait de l’ordinaire.
4 – C’est donc avec toute la révérence que je voue à cette Cour, que vous me permettrez de m’exprimer avec des mots qui même s’ils peuvent paraître outrageants, viennent du fonds de mon cœur, du plus profond d’un être meurtri par tant de haines, de violences et surtout de violations, violations non pas d’une, mais de toutes les règles de droit et de valeur humaine.
5 – Oui, c’est bien un homme meurtri, mais déterminé à se faire entendre, à faire entendre sa cause et à assumer son destin, qui se trouve une fois de plus devant vous, tel Daniel dans la Bible, injustement accusé, et jeté dans la fosse aux lions. Et comme Daniel, le Seigneur m’a révélé que n’étant pas fautif, n’ayant commis aucun pêché envers lui, ni envers mon pays et son gouvernement, je sortirai vainqueur de cet acharnement, de cette haine indescriptible, dont je suis victime.
6 – Mesdames, Messieurs, je vais essayer, comme j’ai déjà eu à le faire au mois de mai 2016, en d’autres circonstances toujours dans cette salle, de ne dire ici et maintenant, que la vérité et rien que la vérité, toute la vérité, sans réserve ni hésitation.
7 – Qu’il me soit donc permis, avec tout le respect et toute la considération que j’ai pour vous à qui je m’adresse, d’être un parleur sincère. Parleur sincère, je tiens à l’être ici, devant vous, car il s’agit pour moi non pas de chercher à plaire ou à déplaire, mais de vous édifier sur ma personne, sur qui est le véritable Yves Michel FOTSO dont certains gratifient de tant d’épithètes subjectives, de vous faire découvrir ce qu’il a réellement fait dans et pour ce pays, afin qu’au moment de la sentence, vous ne puissiez pas prétendre que vous ne le saviez pas.
8 – Puisqu’il me faut parler franchement, vous comprendrez que je m’exprime avec des mots qui peuvent parfois paraître excessifs. Ce n’est pas pour verser dans la provocation ou chercher le coup d’éclat. Ces mots viennent du fond de mon cœur, c’est-à-dire du plus profond d’un être meurtri, blessé à vif dans sa chair et dans son âme, et jeté dans un tourbillon de haines, de jalousies, de trahisons, d’ingratitudes, de transgressions de toutes les normes du Droit et des valeurs humaines.
9 – C’est donc inspiré par une insondable lumière divine, et avec la foi qui me détermine, que j’ai choisi de comparaître devant ce Tribunal en continuant de plaider non coupable, car tout a déjà été dit. La partie civile a déjà reconnu par écrit, que sa demande initiale ne correspondait pas à la réalité des faits, et ce bien que le Ministère Public veuille refaire l’histoire en tronquant les faits et les preuves, pour justifier sa haine incompréhensible envers moi, ainsi que sa ferme volonté de me faire condamner à tout prix et quel qu’en soit le prix. Le portail des camerounais de Belgique. Le Seigneur est là et veille sur ses brebis et ses messagers, dont j’ai l’humilité de penser que j’en suis.
10 – Je m’en vais donc vous compter mon histoire, sans haine, sans passion et nourrie unique-ment de révélations. Je le fais, sans objectif d’accuser ou de compromettre qui que ce soit. C’est juste l’histoire, la vraie histoire pour la postérité, et afin que les autorités des pays frères ainsi que tous les anonymes en général qui ont cru en moi, la jeunesse camerounaise en particulier, sachent que je suis non seulement innocent, mais victime de la machine judiciaire camerounaise, laquelle sous le regard actif très souvent passif à d’autres occasions, broie doucement mais sûrement, un patriote tel celui dont je me considère être.
11 – Mon histoire, c’est l’histoire d’un patriote et humaniste, que la haine et la jalousie à propos de ses succès associés à son sens du partage, ont conduit certains camerounais puissants et haut placés dans la hiérarchie de l’État, mais ne disposant pas des mêmes valeurs que lui, à faire arrêter et jeter au cachot, dans l’espoir peut-être de le faire oublier voire de l’éteindre à jamais.
Messieurs les Magistrats de la Cour et de l’Accusation,
12 – À la fin de mon propos de ce jour, je n’attendrai en effet, aucune indulgence, aucune com-passion de votre part, car en aucun cas ce n’est pas vous qui me jugerez, c’est Dieu et la majorité silencieuse du peuple camerounais au nom duquel, vous êtes sensés rendre la justice.
13 – Comme vous le savez, j’ai fait l’objet en avril 2016 devant le Tribunal Criminel Spécial, d’une double condamnation d’emprisonnement à vie sous l’accusation de détournement – détournement imaginé bien entendu – dans la fameuse affaire de la Cameroon Airlines. Nous n’en avions pourtant pas fini avec le dossier du BBJ qui attendait depuis plus de deux ans pour être enrôlé au niveau de la Cour Suprême, que j’étais déjà ainsi condamné par le Tribunal Criminel où, au regard des deux ordonnances de renvoi qui m’y ont traduit, je faisais figure de présumé coupable de fait, tout juste bon pour être condamné vaille que vaille.
14 – Accusé, j’ai été appelé à m’expliquer sur la Cameroon Airlines, douze ans après mon départ de cette société. Il s’agissait pour moi de répondre aux accusations sur ma gestion et contre ma personne, accusations proches du délire où la malveillance le disputait à l’ignorance, et qui tendaient à me présenter comme le diable incarné.
15 – En effet à propos de cette Cameroon Airlines, notre société nationale de transport aérien, on a oublié qu’à ma nomination en 2000, je l’ai trouvée littéralement et financièrement à terre,
en totale cessation de paiement. Aujourd’hui nous feignons tous de l’oublier. Oui, on a oublié que quand j’y débarquais, aucun investisseur au monde ne pouvait se risquer à mettre un seul de nos francs CFA dans cette entreprise. On a oublié que le personnel avait trois mois d’arriérés de salaire, que les avions étaient immobilisés faute de paiements des loyers où des frais de maintenance. On a oublié que l’Etat lui-même qui avait contribué en partie à sa quasi-faillite, n’avait pas les moyens de faire quoi que ce soit pour cette entreprise, qui était présentée comme un des meilleurs symboles de notre fierté nationale.
16 – La partie civile ayant reconnu, par écrit, que sa demande initiale ne correspondait pas à la réalité des faits, elle a posé un acte dont personne ne saurait ignorer l’importance et l’implication juridique, c’est-à-dire l’élaboration et la signature avec l’accusé, d’un Protocole d’accord transactionnel entièrement exécuté, comme l’a reconnu explicitement la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA), au travers d’une sentence arbitrale en date du 5 février 2019, dont mes avocats vous en ont donné l’essentiel. La substance de cette sentence arbitrale apporte la preuve, non seulement que je n’ai rien détourné au détriment de la Cameroon Airlines, mais mieux, que c’est plutôt moi qui y ai injecté d’importantes sommes d’argent pour lui permettre de ne pas arrêter son exploitation.
17 – C’est donc fort à propos, que cette instance arbitrale supranationale a interdit à la Liquidation Cameroon Airlines, de se prévaloir d’une quelconque qualité de partie civile où même de simplement se maintenir dans ce procès devant cette Haute Cour.
Point de coupable sans victime
18 – Je suis pour le moins étonné de me trouver devant vous aujourd’hui, pour répondre de l’accusation de détournements des Deniers publics , en l’occurrence des deniers de la Cameroon Airlines. Je suis d’autant plus troublé, car je ne sais pas celui qui m’accuse. Ma surprise est encore d’autant plus grande, qu’il s’agit bien désormais d’un procès sans Partie Civile, et subséquemment sans préjudice au détriment de qui que ce soit.
19 – Je ne comprends donc pas, la présence ici dans le box du plaignant, de la Liquidation Camair et de son Liquidateur en la personne de M. Bekolo, lesquelles présences violent sciemment et délibérément, une décision de justice rendue à leur encontre solidairement, par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA le 5 février 2019 qui a principalement au fond et à l’unanimité :
– Dit et jugé qu’il résulte de l’ article 5 du Protocole transactionnel que le désistement de la Liquidation Camair de sa constitution de partie civile et sa renonciation à la plainte dirigée contre M. Fotso, découlent de la seule signature du Protocole , sans autre formalité.
– Constaté que le Protocole a été produit au dossier du juge d’instruction et n’ a été ni annulé , ni déclaré caduc.
– Déclaré bien fondée, la demande visant à faire interdiction à la Liquidation Camair de se prévaloir des Arrêts.
– Fait interdiction à la Liquidation Camair de se prévaloir et notamment d’exécuter les Arrêts des 25 et 29 avril 2016 en ce qu’ils prononcent des condamnations pécuniaires à son profit
J’ose croire que l’auguste Cour Suprême de la République du Cameroun, ne cautionnera pas une telle forfaiture, et ne manquera pas de sanctionner dans son jugement cette flagrante arrogance de la Liquidation Camair et de son Liquidateur
20 – Mon fragile état de santé ne me laisse pas, hélas, le loisir de développer sur la longueur, ce que j’aurais tant souhaité livrer à votre saine et souveraine intelligence. Il demeure néanmoins, et cela de façon incontestable, qu‘au delà ou par-delà le dossier d’instruction et des éléments d’information à charge et à décharge dont il est constitué, au-delà aussi de la bonne foi que je me fais fort de proclamer ou de l’inébranlable conviction que j’ai, de n’avoir servi que mon pays durant mon passage à la Cameroon Airlines, les faits, les actes et les résultats témoignent à suffire.
21 – Par conséquent il n’est point besoin d’un grand déballage. Je me contenterai simplement de dire ici que le contexte de ma mission, la nature et l’impact des réalisations que j’y ai ac-complies, et surtout mon implication personnelle dans le redressement spectaculaire d’une entreprise complètement sinistrée quand j’en ai pris les rênes, parlent d’eux-mêmes. Il suffit simplement de prendre la peine, de faire une comparaison de ce que j’ai réalisé à la Cameroon Airlines, sans aucune subvention en comparaison avec le vécu présent de la CAMAIR-Co qui reçoit une subvention mensuelle de 1,5 milliard FCFA c’est-à-dire 18 milliards FCFA par an, en plus de ce que l’état lui a fourni gratuitement cinq avions, sans pour autant ne serait-ce qu’être en mesure, de décemment desservir les destinations intérieures du pays.
22 – En trois ans et demi de ma gestion de la Cameroon Airlines, sans subventions et sans avions gracieusement offerts par l’état, le personnel n’a jamais eu le moindre retard de salaire et n’a jamais déposé le moindre préavis de grève, contrairement à mes prédécesseurs et mes successeurs. Mon bilan de gestion parle pour moi, surtout maintenant qu’il y a CAMAIR-Co, pour permettre une comparaison objective de mon management, et de celui en cours depuis sa création. Une comparaison de ce que j’ai pu accomplir :
– sur le plan du bilan financier, ayant trouvé la Cameroon Airlines avec une dette de 72 mil-liards FCFA que j’ai ramené à la date de mon départ à moins de 33 milliards FCFA sans aucune subvention reçue de l’état, par rapport à CAMAIR-Co qui a démarré sans aucune dette et des avions gratuits, mais qui selon les analystes spécialisés se retrouve aujourd’hui endettée à hauteur de plus de 45 milliards FCFA malgré les 18 milliards FCFA reçus annuellement de l’état ;
– Sur le plan du bilan social où j’ai pu ramener sans heurts les effectifs de 1.679 agents à 1.083 agents en améliorant substantiellement le rendement et la rémunération du personnel de l’ordre de 30% payée exclusivement par le produit issu de l’exploitation ;
– Sur le plan du bilan technique où j’ai permis à la compagnie de disposer d’une flotte de huit (8) aéronefs, (un Boeing 747-300, un Boeing 767-300, un Boeing 767-200, deux Boeing 757-200, un Boeing 757.200 Cargo, un Boeing 737-200, et un Beechcraft 1.900, dont la qualité de la maintenance était reconnue par les Nations Unies et l’Ambassade des USA au Cameroun lesquels non seulement empruntaient où affrétaient les avions de la Cameroon Airlines, mais recommandaient la compagnie aux tiers, ce qui a permis, uniquement durant ma gestion, de voir les avions de la Cameroun Airlines, c’est-à-dire les couleurs du Cameroun, flotter dans le ciel des pays entre autre, tels que l’Uruguay, les Antilles, l’Italie, le Japon, Singapour etc…
Cela laisse sans voix, tout observateur bien avisé ou mal avisé.
C’est ça mon histoire…
23 – Ainsi donc, sans pitié ni indulgence, je souhaite simplement qu’à l’issue de l’audition des plaidoiries de mes avocats conseils et de ma présente déclaration, vous ne disiez que le Droit, que vous ne rendiez que la justice, et en toute impartialité, dans le strict respect de la dignité humaine et des grands principes, compte tenu des éléments factuels et matériels dont vous avez dorénavant une complète intelligence. Je souhaite ainsi que vous épousiez la religion selon la-quelle, il vaut mieux sauver dix coupables que de condamner un seul innocent. A ce propos il
n’est pas inutile de rappeler ici, à votre bon souvenir, l’exhortation de l’ancien 1er président de la Cour Suprême lors de l’audience solennelle de rentrée 2012 de ladite Cour, à l’adresse de toute la Magistrature camerounaise. « L’activité du juge, avait dit M. Alexis Dipanda Mouelle, symbolise son rôle dans le combat pour la dignité humaine. Il doit en être conscient et prévoir la portée de ses décisions. Loin de plaire aux hommes, il sert l’humanité ».
Monsieur le Président,
24 – Permettez-moi par ailleurs, d’apporter ici une précision qui pourrait revêtir une importance capitale dans la compréhension de la vraie raison de mon limogeage de la direction de la Ca-meroon Airlines le lundi 03 novembre 2003, et partant des jugements que la justice et l’opinion publique ont été amenées, à porter sur ma personne sur la base de diverses accusations mensongères à dessein, dont j’ai fait l’objet depuis mon éviction, de la tête de cette compagnie. Ainsi, me semble-t-il nécessaire d’attirer votre attention, sur le fait que pour ternir ma réputation, l’on a insidieusement laissé croire à l’opinion publique, que mon limogeage, résultait de la découverte de malversations financières dans ma gestion. Cela est totalement contraire à la vérité.
25 – Permettez-moi donc de vous révéler, que c’est simplement pour avoir refusé d’exécuter les ordres de Monsieur Jean Marie Atangana Mebarra, Ministre d’Etat Secrétaire Général de la Présidence de la République lors des faits. En effet celui-ci exigeait de moi, compte tenu de la forte médiatisation sur les milliers de passagers séquestrés de facto dans les différents aéroports d’Afrique (Abidjan, Douala, Bamako, Bangui, Brazzaville, Cotonou, Dakar, Garoua, Johannesburg, Kinshasa, Lagos, Libreville, Malabo, Maroua, N’Djaména, Yaoundé) d’Arabie Saoudite à Djeddah et Paris en France, que je fasse voler les avions de la compagnie sans polices d’assurances pendant tout un weekend, alors que les assureurs et réassureurs nous avaient d’ores et déjà signifié depuis plusieurs jours, la résiliation des polices d’assurances pour le vendredi 31 octobre 2003 à minuit, en cas de non régularisation des paiements qui accusaient déjà plu-sieurs mois de retard.
26 – Cet ordre du MINETAT/SGPR devait être exécuté « dans l’attente de [son] intervention le lundi [3 novembre 2003] auprès du Ministre des Finances, pour qu’une avance sur les arriérés dus par l’Etat sur ses dettes envers la Compagnie soit effectuée, lui permettant tardivement de faire rétablir ses polices d’assurances…» ! C’est donc en mon âme et conscience, et mieux en gestionnaire averti et en professionnel prudent d’un secteur aussi sensible, le transport aérien, que j’avais décidé de désobéir à un tel ordre aux conséquences inestimables en cas de catastrophe. Cela fut bien évidemment considéré par ce dernier comme un affront. D’où mon limo-geage immédiatement intervenu dès le premier jour ouvrable qui a suivi l’incident à savoir le lundi 3 novembre. La suite fut la mise en branle à très bref délai, d’un terrible rouleau compres-seur alimenté de moult tumultes, et pour le résultat qui me conduit ici devant vous.
27 – Au regard de l’actualité du sinistre de la SONARA, l’autre fleuron de notre pays, où diverses sources situent le préjudice financier entre 500 et 1.000 milliards FCFA, et où l’on avait semblerait-il pris le risque, sous pression ou non, de poursuivre l’exploitation alors que ses polices d’assurances n’étaient pas à jour, je ne peux que me réjouir d’avoir désobéi aux ordres du tout puissant SG/PR. J’avais désobéi certes, mais en le faisant j’avais peut-être sauvé des centaines de vies…
28 – Ma période de gestion a par la suite, bien que je n’étais plus à la tête de la Compagnie, fait l’objet d’une méticuleuse vérification par les inspecteurs du contrôle supérieur de l’état (CONSUPE). Je suis heureux de vous révéler, avec fierté pour ma famille, mes enfants, mes amis et particulièrement pour le chef de l’État qui m’avait fait confiance en me nommant Administrateur Directeur Général, que ce contrôle a été conclu par un classement sans suite, les inspecteurs n’ayant trouvé aucune faute de gestion.
29 – En tant que témoins spontanés à travers les lignes de ma présente déclaration liminaire, de l’ensemble des implications préjudicielles et calomnieuses pour ma personne, ma famille et mes affaires, vous comprendrez mieux et conviendrez que j’ai payé et continu de payer le prix de ma gestion musclée, mais à tous les égards salutaire et salvatrice, de la Cameroon Airlines, et de mon refus d’obtempérer à un ordre pourtant irresponsable. Vous comprendrez donc certainement pourquoi je me considère, comme un homme qui aime son pays et qui lui a donné tout ce qu’il avait.
30 – – «Ils sont bien nombreux, ceux qui vont le dimanche à l’église mettre les genoux à terre et faire semblant de prier Dieu alors qu’ils sont les suppôts de Satan»
Monsieur le Président,
Honorables membres de la Cour,
Monsieur le Procureur Général,
Mesdames, Messieurs,
31 – Il est facile de m’accuser de tous les crimes, même les plus inimaginables, mais je tiens ici à le dire haut et fort, c’est avec une légitime, touchante et inoubliable fierté, que j’ai été honoré de l’affectueuse confiance du couple présidentiel camerounais.
32 – En tout cas, mettre en doute ma fidélité aux institutions de notre pays, comme pour faire de moi un opposant au Président Biya, c’est oublier que je suis originaire d’une région où la culture du respect du Chef ne se dément et ne se démontre pas. En effet, en pays Bamiléké, on n’a pas à afficher qu’on aime le Chef, parce que le Chef c’est le Chef et on lui doit obéissance, respect et loyauté. Dans le cas présent, le Président de la République est le Chef de l’État et, qui plus est, ayant eu l’honneur et le privilège de le côtoyer et d’échanger à maintes reprises, directement, avec Son Excellence Paul Biya, je puis vous assurer, sans flagornerie, que c’est un Chef dont le charisme n’a d’égal que ses grandes qualités d’Homme d’État, un leader qui a une réelle capacité à vous faire adhérer à ses idéaux.
33 – Autant de raisons qui m’ont légitimement amené, à me mettre au service de l’autorité suprême qu’il incarne souverainement, et à me dévouer pour la cause de la République qu’il représente. Je l’ai fait et je me suis investi pleinement malgré mes autres multiples casquettes professionnelles, qui loin d’avoir été un handicap, ont été le socle de la réussite de ma mission. Le Président de la République avait peut-être, avec clairvoyance, considéré justement cela comme un atout, puisqu’il n’ignorait certainement pas l’existence de ces multiples casquettes lorsqu’il a pris la décision de me promouvoir à la tête de la compagnie.
34 – C’est donc certain d’avoir énormément donné pour mon pays et pour son Chef, que je ne me sens pas concerné par les invectives, de ceux qui me jugent sur des bases erronées et tronquées instrumentalisés par mes ennemis, tout comme de ceux qui voient en moi un danger pour
leurs projets de conquête du pouvoir. Ce faisant, je sais que le couple présidentiel et son entourage proche et sincère, savent mon degré de patriotisme et d’abnégation, et je pense humble-ment, le Bon Dieu m’est témoin, qu’il est temps de me le revaloir, afin que la jeunesse camerounaise sache que le travail bien fait, la fidélité et l’abnégation, constituent la meilleure alter-native aux sectes et autres loges mystiques comme facteur de reconnaissance ou d’ascension sociale.
Monsieur le Président,
Honorables membres de la Cour
35 – La tentation était forte chez moi, dans un premier temps, de me taire compte tenu de l’état d’accablement dans lequel on m’a précipité, mais je ne pouvais ne pas parler sinon pour me défendre, du moins pour apporter l’éclairage nécessaire à une meilleure appréciation des faits par vous, mes juges.
36 – Vous voilà donc suffisamment éclairés sur les tenants et aboutissants de l’affaire ou, plus exactement, des affaires qui me valent de comparaître devant votre Tribunal. J’ose croire que la Justice dont vous êtes l’incarnation vivante et agissante, n’a plus le droit de laisser s’étendre l’inhumanité d’un système de gouvernance qui tend progressivement, à s’écarter de l’esprit d’équité et de solidarité, fondement essentiel d’une jeune nation comme la nôtre. J’ose croire que cette Justice ne doit pas se laisser aller à des décisions prises pour satisfaire une opinion publique, ou une fraction de celle-ci, préalablement conditionnée et orientée.
37 – On a parlé de serment du magistrat. Ses devoirs ne se résument-ils pas en ces quelques phrases : ” Moi je jure devant Dieu et devant les hommes, de servir honnêtement le peuple de la République du Cameroun en ma qualité de magistrat, de rendre justice avec impartialité à toute personne conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune, de garder le secret des délibérations, de me conduire en tout, partout et toujours en digne et loyal magistrat “. Voilà donc libellé le socle même de l’exercice de la profession. D’ailleurs, la Cour Suprême ne consacre-t-elle pas toute une audience spéciale à la prestation de serment des jeunes magistrats ?
38 – Faisant référence à ce serment, vous-même le patron de la Cour Suprême avez, le 27 février 2014, rappelé à vos confrères leurs devoirs. Ceux-ci disiez-vous, traduisent l’extrême exigence de la société vis-à-vis du magistrat. Une exigence qui se justifie d’ailleurs, eu égard à l’important rôle et au pouvoir dévolu à ce dernier.
39 – En effet de par sa position, ce professionnel peut déterminer le destin des autres hommes et même l’avenir de la communauté. Il n’est donc pas question d’admettre la moindre défaillance chez lui. Le juge doit rendre la justice et rien de plus. Une décision mal rendue peut briser des vies entières. Imaginez donc cet individu condamné à mort, pour un crime qu’il n’a jamais com-mis ! Imaginez cet autre qui perd sa maison et tous ses biens, brefs l’investissement d’une vie emporté par un voleur ou un escroc protégé d’un magistrat ! Et cette mère qui perd son bébé, peut-être le seul qu’elle aurait pu mettre au monde, au profit d’une autre femme qui aurait acheté les juges.
” Chaque justiciable attribue au magistrat un pouvoir divin, et ne lui pardonnera jamais la moindre erreur “. ” L’infaillibilité de la Justice ou du magistrat est un dogme “.
Messieurs les Juges,
40 – Je veux m’assurer, avec un maximum de respect ce faisant que vous comprenez, qu’il était impératif pour moi de vous expliquer, l’irrégularité de la procédure qui me conduit devant votre tribunal et qui m’amène à être convaincu que vous avez devant vous un homme accusé de deux crimes parfaits :
• Avoir accompli avec conscience, professionnalisme et patriotisme sa mission
à la tête de la Camair ;
• Avoir servi son pays loyalement, avec abnégation.
41 – Avant de terminer ma déclaration, permettez-moi de vous rappeler les six (6) principales particularités du cas Yves Michel Fotso dans les deux Volets des affaires de l’opération épervier qui lui ont été collées :
a) C’est la première fois dans l’histoire de l’opération épervier, qu’un dirigeant d’une entre-prise publique, est seul accusé et seul condamné, sans aucun complice, pour un détournement supposé de 69 milliards de FCFA sur une période longue de trois ans, et surtout alors que le mis en cause n’a ni ordonné les paiements, ni signé les chèques ou les virements incriminés.
b) C’est la première fois dans l’histoire de l’opération épervier, qu’un gestionnaire après avoir réduit l’endettement de la société de 72 milliards FCFA à 33 milliards FCFA, est accusé par celui-là même qui a certifié la véracité de la comptabilité d’un prétendu détournement de 100% du chiffre d’affaire, sans pour autant avoir jamais perçu le moindre franc au titre de subvention de l’état.
c) C’est la première fois dans l’histoire de l’opération épervier, que l’état signe devant un tribunal étranger, à New-York aux États-Unis un protocole d’accord qu’il exécute entièrement, et se retourne contre l’un de ses propres citoyens pour recouvrer illicitement ce qu’il a payé.
d) C’est la première fois dans l’histoire de l’opération épervier, que le commissaire aux comptes qui a pourtant certifié les comptes de la société comme fidèles et sincères, n’est pas poursuivi pour complicité conformément à la jurisprudence de l’expert-comptable MESSI dans l’affaire de la SIC.
e) C’est la première fois dans l’histoire de l’opération épervier, que la partie civile après avoir signé un accord transactionnel avec l’accusé, non seulement ne se désiste pas de la procédure, mais s’associe aux réquisitions du Ministère Public en réclamant plus de trente fois le montant qu’elle a reconnu par écrit lui être du.
f) C’est la première fois enfin dans l’histoire de l’opération épervier, et depuis la création du TCS, qu’un accusé en accord avec la partie civile, rembourse la totalité du corps du délit (conformément à l’article 18 du décret créant le TCS), et que non seulement les magistrats refusent de prendre en compte l’accord, mais de plus condamnent l’accusé à payer trente fois le montant de la somme réclamée par la partie plaignante en ignorant purement et simplement les sommes pourtant déjà effectivement payées et encaissées par la partie civile !
42 – J’ignore quelles seront les conséquences de ma déclaration et de mes propos. Je suis cependant persuadé qu’ils serviront l’intérêt de la justice si vous daignez en tenir compte. Et que de ce fait, je n’aurais pas à regretter d’avoir eu à parler au lieu de garder le silence.
43 – Je m’en tiens donc à votre seule appréciation, sachant qu’il arrive parfois aux juges de prendre des décisions qui leur déplaisent. Mais l’essentiel, c’est d’avoir le courage et l’honnêteté, de les prendre dès lors qu’elles sont justifiées par la loi.
44 – “Le monde est dangereux à vivre non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.”
Monsieur le Président,
Honorables membres de la Cour,
44 – D’aucuns disent que j’ai été doublement condamné à vie par les collégialités des deux volets de l’affaire Camair par devant le TCS, parce que ces magistrats ont estimé qu’en déclarant ne pas vouloir cautionner un simulacre de procès et en ne me présentant pas à leurs dernières audiences, je les aurais offensés où/et outragés !!!
45 – La Justice, la vraie, peut-elle s’encombrer des états d’âme d’un justiciable pour juger ?
La Justice, la vraie, peut-elle condamner à perpétuité à deux reprises, un justiciable sans aucune relation avec les faits pour lesquels elle a été saisie, simplement parce que les magistrats en charge s’estiment offensés ? Alors qu’il lui suffisait, si tel était sa vexation, d’attraire ledit justiciable devant le tribunal pour outrage à magistrat, acte réprimé par les articles 154 et 155 du Code Pénal Camerounais.
46 – On dit couramment de laisser passer la Justice et de faire confiance aux magistrats. Que la Justice passe donc sereinement, et avec discernement.
Vous êtes seuls devant votre conscience.
Toutes les pressions réelles ou supposées de l’exécutif ne peuvent pas changer les faits.
C’est vous et vous seuls qui décidez.
C’est vous et vous seuls qui signez les sentences.
C’est vous et vous seuls qui serez responsables devant l’Histoire, car dans ce monde cruel, rien ne dure, pas même nos souffrances.
47 – Encore une fois, je m’excuse de vous avoir contraint de m’écouter si longtemps, et prie tous ceux que j’ai pu heurter ou blesser par mes propos, de m’excuser car tel n’était pas le but du présent plaidoyer. C’est juste un être meurtri dont le pronostic vital à terme est engagé, qui a laissé son cœur s’exprimer, le plus honnêtement, le plus sincèrement et le plus profondément, mais aussi, et c’est important que je le souligne, sans haine ni rancœur.
48 – Tout ayant été dit, l’affaire Camair étant une et indivisible comme l’a reconnu Mme le Juge d’Instruction Annie Bahouni Batende, en rejetant dans un premier temps la demande de dis-jonction, vous comprendrez,
Que les jugements des volets n°1 et n°2 ont été traité aujourd’hui,
Que le Protocole d’Accord Transactionnel du 14 aout 2013 règle définitivement ce dossier, Que la sentence arbitrale de la CCJA est claire et limpide et
Que les preuves de mon innocence portée à l’attention de Messieurs le Ministre de la Justice et le Président du TCS en mai 2014, par courrier de l’unique partie civile sont sans équivoque, Vous ne pourrez donc que reconnaître mon implacable innocence et purement et simplement m’acquitter.
49 – Je vous prie une nouvelle fois de bien vouloir me pardonner si certains de mes propos ont pu choquer ou blesser, car telle n’était pas mon intention.
50 – En chrétien que je suis, qu’il me soit permis de terminer mon propos par un verset de la bible :
1 Samuel 26:23
” L’Éternel rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité, car l’Éternel t’avait livré aujourd’hui entre mes mains, et je n’ai pas voulu porter la main sur l’oint de l’Éternel “.
Je vous remercie de votre attention.
Yaoundé le 25 juin 2019
Yves Michel FOTSO