“Monsieur le Président du Tribunal, la personne qui comparaît devant vous est un ingénieur agronome.
Je puis vous dire que ma présence ici n’est autre qu’un acharnement politique.
Mon crime est d’être dans l’opposition et de critiquer le régime.
Mais mon plus grand crime c’est surtout d’avoir fait des études.
Vous voyez ce bras plâtré et cette tête cassée.
Ce ne sont pas des bandits qui m’ont agressé, mais des gendarmes qui méthodiquement, froidement, avec une violence et une rage folle, m’ont causé ces blessures, et ce ne sont pas les seules.
En me frappant, ils disaient que cela m’apprendra à être opposant et à jouer à l’intellectuel, au lieu de me contenter d’être un petit gardien des maisons de leurs patrons.
N’est-ce pas le sort d’un petit nordiste comme moi ?
Que les femmes présentes dans la salle me pardonnent, mais vous devez savoir. Un gendarme m’a carrément dit «MAMADOU MOTA, le gros cul de ta mère».
Nous avons tous une mère, et des filles qui demain seront des mères.
Que venait faire ma mère dans cette histoire ?
Me torturer à mort ne leur suffisait-ils pas ?
Ils m’ont fait dormir trois nuits au sol, sans mes habits qu’ils avaient pris le soin de déchirer, me privant pendant cette période de nourriture. Je suis un vrai miraculé.
C’est pour cela que devant vous j’espère avoir droit à la justice. Car je n’ai commis aucun crime. J’avais été appelé ce 22 juillet pour calmer les protestataires. Ce que j’ai fait. Et alors que je dormais déjà, en pleine nuit, ils sont venus me sortir de la cellule, et dès la Cour intérieure de la prison, ce sont des gardiens de prison qui ont entrepris de me molester.
Je ne suis donc coupable de rien. Par ailleurs, je ne suis pas en état d’être jugé maintenant. L’urgence c’est de recouvrer ma santé.”
Mamadou MOTA, devant les juges du Tribunal d’Ekounou à Yaoundé.