Ecroué depuis plus d’une centaine de jours dans les geôles du Secrétariat d’Etat à la Défense sans jamais été auditionné, l’ancien Avocat général près la Cour suprême, auteur de plusieurs lettres ouvertes, vient de saisir par voie de courrier le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme à Genève.
Ses cris de détresse, ses coups de gueule, son obsession pour la justice et la vérité, son martyr, ses interminables journées au Sed, ses crochets à l’hôpital suite à ses malaises cardiaques répétés et semblables à un voyage en charrette vers l’échafaud, son horreur confessés devant cette lente et atroce agonie qu’il endure depuis plus de 150 jours, n’ont pas porté de fruits. Il aura tout essayé mais ses efforts sont restés vains. Après avoir été enlevé à son domicile à Yaoundé en janvier dernier par six hommes armés et non identifiés puis, détenu « de façon illégale », le président du Parti pour l’action du peuple (Pap) dont la santé est de plus en plus vacillante, a décidé de monter un cran au dessus pour interpeller le Groupe de travail du Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme établi à Genève en Suisse en raison d’un « enlèvement et d’une détention arbitraire », tel que porté en objet sur la correspondance dont Le Messager a obtenu copie.
Privation de liberté
C’est avec stupéfaction et indignation que la famille, sous la plume de son fils Ayah Ayah Abine, a décidé de saisir les autorités onusiennes devant l’urgence et l’aggravation de cette situation difficile à digérer. L’objectif apprend-on, c’est demander sa libération immédiate et inconditionnelle afin de lui permettre de recevoir des soins appropriés, car Paul Ayah est en prison uniquement du seul fait de la volonté du régime en place.
« Par la présente, Mr Ayah Paul Abine, magistrat camerounais hors hiérarchie du 1er groupe, l’un des plus gradés, enlevé et détenu depuis le 21 janvier 2017, a l’honneur de saisir le Groupe de travail sur la détention arbitraire afin que celui-ci constate et déclare arbitraire sa privation de liberté.
La victime, actuellement âgée de 67 ans, est malade. Elle souhaite, et invite humblement le Groupe de travail, à appliquer à son cas la procédure « d’action urgente », en raison de ce que sa privation arbitraire de liberté constitue désormais un grave danger pour sa santé et sa vie », peut-on lire.
En attendant que justice soit rendue
La lettre à laquelle sont joints en annexe, divers documents de nature à prouver l’arrestation et la détention arbitraire de l’ancien député Rdpc de la Manyu, serait donc un cri de cœur à l’endroit de la communauté internationale à se mobiliser et de faire pression sur le gouvernement.
En effet, « les tribunaux camerounais estiment qu’il est normal de kidnapper un citoyen camerounais, plus grave encore, un symbole de la justice, le mettre en détention pendant prés de 200 jours sans la moindre inculpation, l’envoyer à la retraite et le maintenir en détention pour le priver de toutes possibilités de chercher son pain quotidien, confisquer ses 17 mois de salaire (…) Nous ne pouvons pas rester les bras Croisés en voyant notre papa mourir au Sed surtout que sa sante est de plus en plus inquiétante », explique Ayah Ayah Abine joint au téléphone par nos soins.
L’homme pense qu’il est temps que l’Etat réponde de ses actes qui ne sont pas dignes de ceux d’un Etat de droit. En rappel, Paul Ayah Abine est accusé d’être le leader des séparatistes. Pire, qu’il aurait pris sur lui de financer des mouvements de contestation du régime.
Dans la foulée, on parle de sécession, de trahison, d’incitation à la rébellion et d’actes de terrorisme.
La réponse de l’Onu reste attendue !
© Quotidien Le Messager : Christian TCHAPMI
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Cameroun – Paul Ayah Abine: «Sans surprise tous les magistrats qui ont examiné mon affaire ont été promus récemment par le Chef de l’Etat»
Dans les colonnes du 28 juillet 2017 du Quotidien Emergence, Paul Ayah Abine le Magistrat détenu au Secrétariat d’Etat à la défense (Sed) s’exprime sur sa détention qu’il juge «arbitraire». Il parle surtout aussi de l’action qu’il a engagée auprès de l’Organisation des Nations unies (Onu). L’ancien avocat général près la Cour suprême a en date du 6 juillet 2017, par le biais de ses proches fait parvenir une correspondance au Groupe de travail arbitraire de l’Onu. Dans ladite correspondance il demande au groupe de travail onusien d’examiner son cas.
Sur les raisons qui l’ont poussé à saisir la Commission des droits de l’homme des Nations unies, Paul Ayah Abine déclare «je suis enlevé de mon domicile et détenu contre toutes les lois de la République. Tous les recours internes ont été épuisé sans que la justice tant attendue par l’ensemble des camerounais de bonne foi me soit rendue. Cette justice est confisquée par certains individus qui manipulent nos institutions républicaines. Sans surprise, tous les magistrats qui ont examiné mon affaire ont été promus récemment par le Chef de l’Etat lors du dernier Conseil de la magistrature. Vous comprenez vous-mêmes que dans le contexte actuel au Cameroun, la justice ne peut pas être rendue en ma faveur».
A la question de savoir si le magistrat pense que sa plainte va connaître une évolution, il déclare «je garde espoir et je crois en Dieu. Les faits sont là, je ne sais pas ce qu’on me reproche, car je n’ai même pas besoin des avocats pour me défendre. La pétition en question attaque la forme et non le fond du dossier. Cette action va dans la même logique que l’habeas corpus inscrite dans l’article 548 de notre code de procédure pénale. Il est cas de statuer sur mon cas, commençant par mon arrestation, jusqu’à la mise en détention. Il faut juste qu’on me dise si la procédure normale a été suivie».
Paul Ayah Abine ajoute qu’en fait il paie le prix de son opposition à la modification de la Constitution en 2008 alors qu’il était Député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc).
Par Liliane J. NDANGUE | Cameroon-Info.Net