Cameroun: Entre Justice Privée et Justice Politique
Par Olivier Tchouaffe PhD, Porte-parole du CL2P
La lecture de deux articles sur la justice “privée” au Cameroun- Cameroun – Cour suprême/Daniel Mekobe Sone (Premier Président de la Cour suprême): «La justice privée est une dérive intolérable dans un État de droit», et Jean François Belibi: «Cameroun, justice populaire, ces dérives qui dérangent»- la question de justice privée devient aussitôt nécessaire et démontre le caractère quasi inévitable d’un débat plus approfondi sur la clarification essentielle dans un État voulu de droit entre l’état de la justice et l’équilibre des pouvoirs exécutif, législatif, et judiciaire au Cameroun.
Maintenant, il devient urgent de faire une distinction claire de la séparation des pouvoirs qui doit régner entre l’exécutif, le législatif, et le judiciaire au Cameroun.
En effet l’infini pouvoir exécutif à travers son état policier de la répression s’invite pratiquement dans tous les aspects de la vie des camerounais et s’octroie même désormais le pouvoir de supprimer le droit à Internet – qui est en fait un droit basique de la liberté d’expression et d’association au Cameroun – en violation de la Charte de Nations Unies sur les droits humains. Le pouvoir exécutif s’arroge ainsi tous les droits dans le pays. La branche exécutive est composée de légions de bureaucrates qui jouissent de la sécurité d’emploi et ne peuvent être révoqués que sur ordre du Président. L’exécutif est de facto l’autorité légale qui écrit et interprète ses propres statuts. Dans sa propre sphère d’influence, l’exécutif agit en tant que législateur, procureur et juge. Dans ce régime appelé «présidentialiste au pouvoir renforcé» qui signifie fondamentalement que le Président se conçoit comme un monarque avec un pouvoir absolu. Dans ce contexte, le législatif sert de chambre d’enregistrement et le judiciaire n’a pas d’indépendance.
Le pouvoir exécutif travaille non pas pour le bien du peuple mais uniquement pour sa seule pérennisation.
Cela signifie que toute la bureaucratie sert à faire plaisir et à satisfaire le Président. La seule loi est celle de l’auto-préservation et du plaisir du chef. C’est ainsi que Marafa Hamidou Yaya est embastillé car, selon ses propres mots, il avait demandé au président de ne pas se présenter à la dernière mascarade électorale qui tient lieu d’élection présidentielle au Cameroun. D’autres membres de l’élite bureaucratique et des affaires tels que Jean-Marie Atangana Mebara et Yves Michel Fotso croupissent en prison sacrifiés à cause de “L’Albatros,” ce fameux avion présidentiel qui n’aurait jamais réussi à voler. Le Président comme principal instigateur de cette acquisition d’un avion défaillant en violation des prescriptions du Fonds Monétaire International (FMI) n’a évidemment jamais eu à expliquer son rôle dans cet échec qui aurait même failli lui coûté la vie ainsi que celle que sa famille.
Et concernant le lynchage ou la justice “privée” qui se répand dans le pays, le gouvernement devrait être responsable de la sécurité des citoyens, la sécurité étant considéré comme un droit inaliénable. S’il est louable que le Président de la Cour suprême mentionne la justice «privée», un Président de la Cour suprême n’est pas un policier. Son rôle consiste à interpréter puis de juger conformément à la loi, et non de descendre dans les rues pour arrêter lui-même ou inciter à arrêter les lyncheurs.
À maintes reprises le pouvoir exécutif s’est de la sorte défaussé sur la justice au Cameroun pour régler des problèmes qui révèlent son incompétence notoire, puis trancher des querelles politiques qui n’ont rien à voir avec les détournements de fonds publics comme l’affaire Marafa. Avec l’équivalent de tout un gouvernement en prison, le président aurait naturellement dû nous expliquer pourquoi cette situation se produit uniquement dans notre pays, mais il n’en a jamais reessenti le besoin et il n’encourt aucune conséquence. C’est un mode de fonctionnement qui a participé à la légalisation de l’incompétence qu’il prétend combattre. Ainsi donc, dans la pratique, rendre ou faire des affaires (gouvernementales) de corruption de banales faits divers sans conséquence participe en réalité de cette culture politique de la «défausse présidentielle», par laquelle le président continue indéfiniment de «pass the Buck» (comme on dit en anglais), c’est-à-dire de se défausser de sa responsabilité sur les autres.
Appliquées à la justice dite “privée” au Cameroun, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire doivent simplement enfin accepter d’assumer leurs responsabilités puis de rendre compte.
Par exemple, le pouvoir législatif doit cesser d’abdiquer de ses missions. Cela commence par le vote sur des questions fondamentales comme la limitation du mandat présidentiel. La nomination de personnalités de haut rang doit être examinée et confirmée par le Sénat comme aux États-Unis pour s’assurer que des responsables compétents sont promus pour faire le travail attendu et que cela s’accompagne d’une réelle réforme ou évolution de la fonction publique.
Le judiciaire doit juger la loi et ne pas se lancer dans la résolution de conflits politiques ou de problèmes de « justice privée », notamment lorsque le gouvernement abdique comme au Cameroun de sa responsabilité d’assurer la sécurité des gens ordinaires en manipulant prioritairement la justice pour embastiller des gens compètents qui font de l’ombre au Président Paul Biya.
Olivier Tchouaffe PhD, Porte-parole du CL2P
[spacer style="1"]
English version
Cameroon: Between “Private” and Political Justice.
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
As a response to two articles on “private” justice- Cameroun – Cour suprême/Daniel Mekobe Sone (Premier Président de la Cour suprême): «La justice privée est une dérive intolérable dans un État de droit»-and Jean Francois Belibi : Cameroon, justice populaire, ces derives qui derangent- the issue of “private” justice is in need of further debate that begins with the necessity to make some much needed clarification on the state of justice and the balance of power between, the executive, legislative and judicial branch in Cameroon.1
At present, it’s important to make a clear distinction between the separation of power between the executive, the legislative and the judiciary in Cameroon.
The Cameroonian vast and bloated executive branch through its repressive police state intrudes into virtually every aspect of Cameroonian life and shut down internet right of Cameroonian when it see fits. The executive branch regulates almost everything in the country. The executive branch is staffed by legions of bureaucrats who enjoy job security and can do very well if they know the right people to please. The executive branch is de facto the legal authority that write and interpret its own governing statutes and expand the scope of its own authority. In its own spheres of influence, the executive branch acts as legislator, prosecutor, and judge. In this regime called “presidentialiste au pouvoir reinforce” which basically means the president as monarch with absolute right. Within this context, the legislative serves as a recording chamber and the judicial has no independence.
The executive branch is known to work not from the public good but its own self-preservation which means that the whole bureaucracy is geared toward the pleasure and satisfaction of the president. The only law is the law of self-preservation. As such, Marafa Hamidou Yaya is sitting in prison because, in his own words, he wrote that he had asked the president not to run in the latest masquerade that is being called election in Cameroon. Many others high ranking officials and elite member of the business class such as Jean-Marie Atangana Mebara and Yves Michel Fotso are languishing in jail sacrificed for the president failed plane “The Albatross” which never managed to fly. The president as the instigator of this failed plane acquisition in violation of the International Monetary Fund never had to explain his role in this failed business enterprise.
Now, regarding the lynching or “private” justice running amok in the country. The government is responsible for the security of its citizen, Security is an unalienable rights. It is welcome that the president of the Supreme Court mentions “private” justice but the president of the Supreme Court is not a policeman. His role is to interpret and judge the law not to get down on the streets and arrest lynches himself.
For time and time again, the executive branch has called for the justice to deal with its own incompetence and political conflicts which have nothing to do with embezzlement as the Marafa’s case. If we have an entire government in prison, the president has to explain why this situation is happening but he never does so and without consequence and, in the process, legalizing the incompetence he pretends to be fighting against. Thus, in practice, making corruption inconsequential by keep passing the buck.
Here, the executive, legislative and judicial branch have to accept accountability.
As a matter of policy, for examples, the legislative branch has to stop abdicating authority. That begins by casting hard votes such as term limits for the president. Nomination of high ranking officials have to be vetted by the Senate as in the United States to make sure competent people are in place to do the job and real civil service reform takes place.
The judicial has to judge the law and not getting into the business of resolving political conflicts or problems of ‘private” justice when the government is abdicating the responsibility to ensure ordinary people safety.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P