Cameroun: Épervier et la politique de dissuasion contre la corruption
Les rumeurs qui tournent autour de hauts fonctionnaires Beh Mengue et Mekulu Mvondo Akame sont très instructives sur l’opération Épervier et la politique de dissuasion contre la corruption au Cameroun. Ces personnalités sont jugées devant les médias et la Cour de l’opinion publique, d’une manière qui a plus à voir avec le théâtre et les acteurs, qu’avec les institutions. Fondamentalement le régime pénal et carcéral de l’Épervier semble n’avoir aucun effet dissuasif remarquable contre ce genre de cirque populaire.
Tout d’abord, nous devons reconnaître que même les voleurs fonctionnent sur la base de l’analyse coût-bénéfice et l’idée que de nombreux Camerounais soient disposés à croire que Beh Mengue et Mekulu Mvondo Akame sont coupables d’office indique qu’ils ne croient pas eux-mêmes que l’Opération Epervier ait un quelconque effet dissuasif contre la corruption.
Au fond, on parle beaucoup de personnalités «éperviables», mais il y a peu d’analyse sur ce qu’est réellement l’Opération Épervier, de comment ça marche, et encore moins pourquoi Epervier n’a-t-il aucun effet dissuasif?
Cela signifie qu’il s’agit d’un théâtre et non d’une construction institutionnelle. Et ce n’est pas un accident. Il n’est pas non plus acquis que ce soit une question de politique. Car ça reflète une autocensure profondément enracinée dans les esprits. Les Camerounais ordinaires ignorent ainsi ou font mine d’ignorer le sujet de l’Épervier parce qu’ils veulent par instinct (de survie) éviter des ennuis. Parler en profondeur d’Épervier c’est d’abord remettre en question non seulement le Président omnipotent, non seulement son traitement de la corruption réelle, non seulement la politique économique actuelle, mais aussi l’ensemble du système politique et économique au moins des 35 dernières années au Cameroun.
Penser à Épervier c’est aussi exposer la réalité d’un programme ou d’une épuration politique conçu pour mettre un terme à la vraie concurrence politique au Cameroun. C’est contester la base même du régime de Biya; et nous informer que nos vies sont littéralement dominées par un système vieillissant qui vacille – un système qui est destiné, s’il n’est pas remplacé avec doigté, à tout détruire.
Ne pas reconnaître l’opération Épervier pour ce qu’elle est s’avère également une insulte pour toutes ses victimes, et surtout une distraction délibérée envers l’urgence de leur venir en aide. Le véritable problème n’est pas tant l’indifférence de Biya par rapport à la constitution, mais la trentaine d’années de despotisme légal qui a détruit d’innombrables vies, familles, et carrières camerounaises.
Le CL2P a toujours recommandé que le Cameroun a besoin d’une agence forte et indépendante pour surveiller la corruption. Nous avons même avancé l’idée d’une commission vérité et corruption dans la perspective de l’après Paul Biya. Car malheureusement pour le moment, il n’y a pas d’institutions qui se rapprochent du travail énorme à accomplir.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
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English version
Cameroon: Epervier and the politics of deterrence against Corruption
The rumors swirling around high ranking officials such as Beh Mengue and Mekulu Mvondo Akame are very informative about Operation Epervier and the politics of deterrence in Cameroon. These individuals are being tried in the Court of Public Opinion in ways that it is all about drama and personalities, and not about institutions. The penal and carceral regime of the Epervier seems to have no remarkable deterrent effects against these kinds of circuses.
First, we must acknowledge that even thieves operate on the basis on cost-benefit analysis and the idea that many Cameroonians are willing to believe that Beh Mengue and Mekulu are guilty indicates that they themselves believe that the Operation Epervier has no deterrent effects against corruption.
Indeed , there’s a lot of talk about personalities but there’s really little analysis of what Operation Epervier is made of, how does it work and why does not Epervier has no deterrent effects whatsoever?
It means that this is about drama not institutional building and this is not an accident. But nor is it likely to be a matter of policy. It reflects a deeply ingrained and scarcely conscious self-censorship. Ordinary Cameroonians ignore the subject of the Epervier because they have an instinct for avoiding trouble. To talk about Epervier is to question not only the president, not only his handling of real corruption, not only current economic policy – but the entire political and economic system.
Thinking about Epervier is to expose a political programme engineered to stop real political competition. It is to challenge the very basis of the Biya’s regime; to inform us that our lives are dominated by a system that cannot be sustained – a system that is destined, if it is not replaced, to destroy everything.
Not to recognize Operation Epervier or what it is; it is an insult to its victims and a distraction from their urgent need. The real issue is not Biya’s indifference to the constitution and years of lawlessness brought to countless Cameroonian families.
The CL2P has always recommended that the country needs a strong and independent agency to monitor corruption. Right now there are no institutions that come closer to meeting the job at hand.
The Commitee For The Release Of Political Prisoners (CL2P)