Dans le registre des rencontres pour des échanges divers, on note: les Conférences, les Congrès, les Assises, les Colloques ou les Forums. A ces types de rencontres, les participants échangent sur une thématique centrale. Dans les sous-thèmes, les experts préalablement désignés, éclairent de leur science les participants qui sont généralement fiers d’enrichir leurs connaissances pendant des exposés. Il en résulte toujours la production des résolutions qui n’ont qu’une valeur de suggestions sans contrainte d’application.
Le dialogue est une rencontre exceptionnelle. Quand il s’impose, il résulte d’une situation explosive. Dans ce contexte, plusieurs parties antagonistes, mues par une volonté commune d’aplanir leurs divergences, de surmonter leurs antagonismes et leurs égos, dans le but de réorganiser une coexistence harmonieuse et pacifique se rencontrent. Pour se parler face à face, les parties concernées doivent identifier les sujets à problème. Elles conviennent d’un cadre, d’une période, d’un lieu et d’un modérateur consensuel. Elles désignent ensuite leurs représentants de part et d’autre.
Lorsque les débats s’engagent, chaque partie devrait faire preuve de beaucoup d’humilité, en acceptant de perdre ici et de gagner là-bas, toujours guidée par la préservation de l’intérêt commun.
Avez-vous le sentiment que ce « Grand dialogue national » initié par le président de la République correspond au format tracé plus haut, en termes de type de la rencontre, du contenu des échanges et du profil des intervenants? Chacun peut apprécier.
Sauf quand on a la berlue, ces maux qui plombent le Cameroun ne figurent pas au menu du « Grand dialogue national » voulu par le président Paul Biya:
1- Certains compatriotes ont pris des armes pour faire sécession. C’est une réalité, donc un problème très grave, il faut les inviter sous l’arbre à palabre.
2- Il existe des compatriotes qui souhaitent un retour au système fédéral dans la gouvernance du pays. C’est une réalité. Il faut écouter leurs arguments.
3- Il existe des compatriotes qui estiment que la Décentralisation votée depuis 1996 et non appliquée à ce jour a besoin d’un toilettage. C’est une réalité.
4- Il existe des compatriotes qui estiment que notre actuel Code électoral est imparfait, qu’il est impératif de le toiletter.
5 – Il existe des compatriotes qui estiment que le mode de désignation des dirigeants d’Elecam ainsi que ceux du Conseil constitutionnel est imparfait. Qu’il faut le réviser. Il faut en débattre.
6 – Il existe des compatriotes qui estiment que dans une démocratie, il est anormal de garder des opposants en prison pour avoir manifesté. Il faut confondre, arguments à l’appui, les tenants de cette thèse.
7 – L’immense majorité de nos compatriotes estiment que le tribalisme entretenu est une grave menace à la paix dans notre pays. Il faut exorciser les démons de ce fléau.
Voilà 07 sujets qui sont des réalités. Si les dirigeants les considèrent comme des tabous, ils auront choisi de faire la politique de l’autruche, et serait très grave!
De quoi les délégués complaisamment désignés vont débattre dès ce 30 septembre au palais des Congrès de Yaoundé ? Les 08 points inscrits aux débats par le président de la République sont importants certes, mais ils ne sont en rien des urgences ! L’urgence c’est le retour de la paix et la fin des méfiances. Ce « Grand dialogue » risque d’être une pure farce, un vrai gadget pour amuser la galerie, flatter l’opinion internationale et gagner du temps.
Le président de la République, en septembre 1991 à Bafoussam, la veille de l’ouverture de la Tripartite, avait fustigé l’opposition qui menaçait de ne pas prendre part à ces assises si ses sujets n’étaient pas inscrits au menu. Paul Biya avait alors répondu à ceux-là qu’ils peuvent pas aller au dialogue en fixant les règles. Si cela devrait le cas, c’est que cette opposition ne veut pas dialoguer. Il a fait aujourd’hui exactement ce qu’il reprochait hier à d’autres : il a décidé du dialogue quand il l’a voulu. Il a fixé les dates. Il a inscrit les sujets. Il a désigné le modérateur et les participants !
Dans ce contexte, on pourrait aussi se demander si le chef de l’Etat veut vraiment de ce dialogue. On pourrait se demander enfin si l’initiateur de ce dialogue n’a pas fait rédiger depuis longtemps ses résolutions ? Le reste n’étant plus qu’une formalité pour les crédules heureux.
Par Xavier Messè À Tiati