J’avais publié cet article en mars 2019. Relisez-le tout simplement. Merci
Mardi dernier, l’Ortm ( Office de radio et télévision du Mali) a diffusé des des images d’une très haute portée: Ibrahim Boubacar Keïta, chef de l’État de ce pays, raccompagnant sur les marches du palais de Koulouba, (présidence de la République), un visiteur particulier : Soumaïla Cissé. Celui-ci avait perdu la dernière élection présidentielle du 12 août 2018 face à IBK. Le chef de file de l’opposition malienne avait alors violemment critiqué le vainqueur d’avoir organisé des fraudes massives pour remporter cette élection. Pendant plusieurs semaines, ses partisans avaient manifesté dans les villes du Mali.
Mardi 27 février dernier, les deux hommes se sont retrouvés face à face pendant plusieurs heures pour évoquer les grands problèmes auxquels leur pays fait face. Ils se sont rendus le lendemain au Fespaco à Ouagadougou, en promettant de se revoir les jours à venir.
En avril 2000, Abdoulaye Wade avait battu Abdou Diouf à la présidentielle du Sénégal. Le soir de la proclamation des résultats, le vaincu, au volant de sa voiture et son épouse à ses côtés, il était allé féliciter le vainqueur à son domicile. Au sommet de la conférence islamique qui se tenait le lendemain à Riad, Wade demanda à Diouf de le représenter à cette conférence. Cela fut fait.
C’est loin de nous certes, mais Ronald Reagan venant de battre Jimmy Carter à l’élection présidentielle américaine de 1979, chargea le vaincu d’aller récupérer les 56 otages américains bloqués pendant plusieurs mois à Téhéran en Iran. Cela fut fait également.
Ce sont là des comportements en démocratie. La démocratie est une école où on apprend tous les jours à donner et à recevoir. À respecter les opinions contraires aux siennes. À admettre les différences. A écouter et à respecter les avis contraires.
Les chapelles politiques devraient être des officines où on forme en politique, où on dispense des enseignements sur des grands courants idéologiques, où la culture de la démocratie serait reine.
Les lois, ici comme ailleurs, sont des textes qui permettent de gouverner de manière suprême, en tenant toujours compte du facteur humain. Lorsque la loi autorise de manifester dans une démocratie, aucun texte administratif ne devrait interdire ce que loi autorise. Lorsque la justice qui garantie le respect de la loi laisse les textes administratifs prendre le dessus en interdisant à tort et à travers ce que la loi autorise, cette justice est inféodée, manipulée. Elle fait du coup le lit du despotisme monarchique. Le Cameroun glisse dangereusement vers cette mise à l’écart de la démocratie et de la justice.
Le président de la République a le devoir et l’obligation de protéger la loi et de promouvoir un État démocratique au Cameroun. En 1994, il avait déclaré à un confrère français qu’il voudrait que l’on retienne de lui qu’il fut l’homme qui aura apporté la démocratie à son peuple. Vingt cinq ans après cette déclaration, le Cameroun a fait un grand bond en arrière : nous sommes le pays où on interdit les marches de l’opposition, où la police tire sur des manifestants, où on emprisonne les opposants.
Nous sommes le pays où le discours tribal a refait surface sous le regard complaisant du pouvoir en place. Nous sommes le pays où le chef de l’État n’a pas de contact avec son peuple, et encore moins avec l’opposition.
« Dans une République démocratique, la souveraineté appartient au peuple, qui en conséquence, se soumet aux règles édictées par des délégués… », disait encore Montesquieu , lorsqu’il décrivait ce qui distingue la démocratie du despotisme.
Le Mali, le Sénégal, le Bénin, pour ne citer que ces pays d’Afrique nous regardent et nous parlent. Il revient au président Paul Biya de faire sortir Maurice Kamto et ses camarades des prisons. Il ferait alors taire le discours grandissant du tribalisme. La galaxie de la démocratie planétaire applaudirait ces gestes qui resteraient gravés dans les livres de l’Histoire du Cameroun.”
Par Xavier Messè À Tiati