Ses plaidoyers dans le cadre de la société civile lui ont valu plusieurs gardes à vue.
«Personne n’est au dessus de la loi même au Cameroun», indiquait Jean-Marc Bikoko, le 16 septembre dernier depuis une des cellules du Groupement mobile d’intervention (Gmi) à Yaoundé. Où il était en garde à vue administrative de 15 jours renouvelables. Même derrière les barreaux, cet activiste tient des propos acerbes à l’endroit du régime en place. Une attitude que plusieurs pourraient qualifiés de téméraire. Un adjectif qui est généralement associé au nom du président de ’Organisation non gouvernementale (Ong) «Dynamique citoyenne».
Sa détention de sept jours a débuté après son interpellation le 15 septembre dernier (journée internationale de la démocratie) par le sous-préfet de Yaoundé II accompagné d’une escouade de policiers. C’était lors d’un colloque sur la gouvernance et l’alternance démocratique au Cameroun, tenu au Palais des sports. C’est ainsi que six personnes dont Jean-Marc Bikoko sont embarqués par les forces de l’ordre.
Un scénario qui décrit fort bien la vie de cet enseignant d’histoire-géographie. Le 28 novembre 2007, le leader de la Centrale syndicale du secteur public (Csp) et l’une de ses collègues, Brigitte Tamo, enseignante au lycée technique de Yaoundé et membre du syndicat, passent des heures difficiles à la légion de gendarmerie du Centre. Pour cause, ils ont organisé une marche devant le siège de l’Assemblée nationale, pour exiger une amélioration des conditions de vie et de travail des employés de l’État. Les forces de l’ordre descendent sur les lieux et répriment avec véhémence la manifestation. Toutefois, son interpellation va porter des fruits, car les salaires des fonctionnaires seront majorés. Interrogé plus tard sur la tournure des évènements, c’est avec humour que Jean-Marc Bikoko va répondre : «J’attends toujours de savoir si la gendarme qui a failli m’arracher mes bijoux de famille a refusé l’augmentation des salaires de Paul Biya l’an dernier (2008, ndlr)».
Le 1er mai 2009, la Csp annonce «sa» Fête du travail en sa permanence, sise au carrefour Bout carré à Yaoundé. Pour celui qui a grandi avec un père militant de l’Union des populations du Cameroun (Upc), il est hors de question «d’aller défiler sous le soleil, avec des pancartes inspirées par la hiérarchie, devant leurs bourreaux tranquillement assis dans les tribunes», mais plutôt une occasion pour les travailleurs, «d’exprimer librement leurs revendications». Ce jour-là, des dizaines d’éléments de la police prennent position de bonne heure autour de l’immeuble, en bouchant les issues et procédant à quelques contrôles. Le siège n’est levé qu’après le défilé au boulevard du 20 mai.
Censures
Le chemin emprunté par celui qui se réclame de Um Nyobé, de Che Guevara et autres libérateurs du même acabit, lui a valu des inimitiés et des censures en tout genre. Entre 1994 et 1995, il vit sans salaire et est révoqué du corps de la Fonction publique. Son activisme dans le mouvement syndical ne plait pas au régime. C’est la chambre administrative de la Cour suprême qui le réhabilite. Sauf que cette mesure n’aura pas droit de citer bien longtemps. De 1995 à 1999, on lui coupe de nouveau les vivres. Jean-Marc Bikoko, survit grâce aux dons. En mars 1995, il est élu secrétariat général du premier congrès ordinaire du Syndicat national autonome de l’enseignement secondaire (Snaes), tenu à Yaoundé. C’est à ce moment qu’il prend son envol en tant que syndicaliste.
L’activité
du Snaes fait sensation. Selon lui, certains pontes du régime estiment qu’il faut acheter le silence du mouvement. Le 2 mai 1997, Jean-Marc Bikoko et ses camarades Angelo Phouet Foé et Joseph Ze du Snaes défèrent à une invitation du Premier ministre de l’époque, Peter Mafany Musonge. A la fin de l’audience à l’Immeuble étoile, leur interlocuteur leur remet une somme d’un million de francs représentant «l’argent de taxi». Intrigués, ils font le tour de certaines rédactions de Yaoundé pour présenter l’enveloppe. Il y en a qui ne croit pas en cette «sincérité». Il est taxé «d’agitateur public». Ces détracteurs n’hésitent d’ailleurs pas à lui imputé les faits de manipulation de la foule pour obtenir des financements et fonds de la part du gouvernement et autres organisations. Ceci bien qu’ils aient décidé de communiquer sur leur entretien avec le Pm. D’ailleurs le nerf de la guerre va avoir raison de l’unité du groupe.
Début
septembre 1997, M. Bikoko quitte le Snaes et annonce aussitôt la création du Syndicat national autonome de l’éducation et de la formation (Snaef), dont le poste de secrétaire général est assumé depuis près de quatre ans par Angelo Phouet Foé. Une aventure qui va le conduire plus tard à créer le Csp en mars 2000 au sein duquel il milite pour l’amélioration des conditions des travailleurs au Cameroun.
© Mutations : Nadine Guepi