Yves Michel Fotso et le détournement de 69 milliards Fcfa
L’enquête de CASH INVESTIGATION ( ACTE 2)
Quand Yves Michel Fotso arrive à la CAMAIR le 21 juin 2000, il trouve une société exsangue, sans comptabilité depuis cinq ans, avec des mois d’arriérés de salaires, des loyers de location d’avions impayés et d’importantes dettes vis-à-vis des principaux fournisseurs.
Sur le plan financier, la CAMAIR était au bord du dépôt de bilan. Ses caisses étaient vides et l’endettement à moyen et à long terme était évalué à près de 72 milliards FCFA. Les trois années qui précèdent son arrivée à la tête de la société, la perte cumulée est évalué à 33 milliards de FCFA : cela fait plus de 60% du chiffre d’affaires de l’année 99/2000.
Pour donner le ton des réformes qu’il compte engager, Yves Michel Fotso annonce dès le départ que pour son compte personnel, il n’acceptera ni salaire, ni voiture de fonction, ni logement tant que l’entreprise n’aura pas renoué avec les bénéfices. Ce qui lui permet de réduire de 20 % pendant un an, les salaires des employés. Officiellement pour participer à l’effort de financement des licenciements programmés (6 milliards de F CFA).
Ces messages adressés par Joseph Tsanga Abanda, ministre des Transports du Cameroun à cette époque et Jean-Cyril Spinetta, président directeur général de Air France en disent long sur le travail abattu par cet homme d’affaires à la CAMAIR. L’ancien ministre des transports écrit le 17 janvier 2002, Yves Michel Fotso est encore directeur général de la CAMAIR : « Fiston, reçois ici mes sincères félicitations et encouragements pour l’œuvre grandiose que tu es entrain de réaliser à la CAMAIR. Il faut que tu saches deux choses:1) Le soutien total des camerounais de bonne foi t’est acquis. 2) Le Pays n’oubliera jamais qu’à un moment critique de son histoire, la CAMAIR a vu passer un certain Michel Fotso. Encouragements et bien à toi ». Cette lettre intervient quelques jours seulement après que le directeur général de la CAMAIR a pris sur lui la décision de bloquer sur le sol camerounais des avions de Air France parce que des avions de la CAMAIR avaient été également bloqués à l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle à Paris. Inédit dans un pays où l’opinion publique est subjugé par la présence française, les liens qu’ils entretiennent avec la classe politique et le contrôle qu’ils exercent sur l’économie.
Jean-Cyril Spinetta, quant à lui le 22 décembre 2003, quelques jours après le débarquement de Yves Michel Fotso de la CAMAIR et à un moment où il est voué aux gémonies, car une partie de l’opinion estimant qu’il avait tout au contraire plombé la compagnie aérienne nationale souligne : « Cher Yves Michel, c’est avec regret que j’apprends votre départ de la Direction de Cameroon Airlines. Nous sommes dans une industrie à l’économie fragile où les marges de manœuvre sont étroites. Dans les cas de grande difficultés la cohésion de tous les acteurs est indispensable et le passé récent d’Air France en témoigne, le concours des actionnaires de référence est déterminant. Vous savez que l’appui d’Air France ne vous a pas fait défaut. Je reste convaincu que l’intérêt de nos deux Pays est d’avoir chacun une compagnie nationale forte. C’est en ce sens que nous étions convenus de développer un accord de partenariat à long terme. Je tiens à vous remercier pour les efforts que vous avez déployés pour rapprocher nos deux compagnies. Je ne doute pas que cette impulsion sera reprise et poursuivie par la nouvelle Direction Générale. Soyez enfin assuré que je garde un excellent souvenir de la détermination et de l’enthousiasme dont vous avez fait preuve à la tête de Cameroon Airlines. L’avenir dira peut-être que vous avez eu raison trop tôt. Je vous prie de croire à l’assurance de mes sentiments les plus amicaux ».
Mais, l’Etat du Cameroun n’est pas de cet avis. Sur la base de la procédure initiée en suisse contre Yves Michel Fotso pour blanchiment d’argent, escroquerie, gestion déloyale, abus de confiance et participation à une entreprise criminelle, la liquidation CAMAIR a déposé une plainte le 29 février 2012, au tribunal de grande instance du Mfoundi contre Yves Michel Fotso. Il lui ait reproché un détournement de deniers publics en complicité et coaction de 69 milliards 833 729 982 Fcfa. Cette somme est en fait la conséquence de plusieurs faits retenus contre l’homme d’affaire à savoir : le débitement en 2001 de près de 4 milliards de Fcfa sur le compte de la CAMAIR logé à la CBC par Yves Michel Fotso, une série d’opération dites floues d’acquisition de deux avion : le bombardier CRJ-700 et CRJ – 200 qui aurait fait perdre près de 8 milliards Fcfa à la CAMAIR, le débitement en mars 2002 de près de deux milliards de Fcfa, puis un ensemble d’opérations sur le compte de la CAMAIR logé à la CBC en terme de millions. Pour l’accusation une partie de l’argent débité sur le compte de la CAMAIR avait été envoyé dans les comptes de certaines entreprises appartenant au milliardaire, notamment FERMENCAM et AVIPRO. Mais le 14 aôut 2013, afin de mettre un terme à toutes ces poursuites, un protocole d’accord est conclu entre Yves Michel Fotso et le liquidateur de la CAMAIR. Yves Michel cèdera de nombreux biens ainsi que versera de l’argent.
CASH INVESTIGATION reviendra sur cet aspect dans l’acte 3