Le délibéré fixé au 20 avril
Une nouvelle audience s’est tenue ce jeudi 6 avril au tribunal militaire de Yaoundé dans l’affaire Ahmed Abba. Le correspondant de RFI en langue haoussa est en détention depuis juillet 2015, poursuivi pour «non-dénonciation d’actes de terrorisme, apologie et blanchiment d’actes de terrorisme». A la surprise générale, le parquet a requis la peine de mort.
Le réquisitoire du parquet a duré à peine 12 minutes. Un temps relativement court qui en a surpris plus d’un dans l’assistance. Le commissaire du gouvernement qui s’est montré particulièrement évasif a achevé son réquisitoire par la demande de la peine de mort à l’encontre d’Ahmed Abba.
Stupéfaction dans les rangs de la défense, en raison de ce que, en l’état, une étape de la procédure avait été grillée. Mais pour Me Charles Tchoungang, l’un des avocats du journaliste de RFI, ce réquisitoire n’est pas une surprise. Pour lui, le procureur a voulu « faire une grosse sortie pour impressionner le tribunal. Quand il requiert la peine de mort en invoquant les photos qui ont été piquées sur internet, il sait parfaitement que ces développements juridiques ne convainquaient personne. Il a voulu jouer sur l’émotion qui fait que dès lors qu’on vous accuse de terrorisme dans ce pays, vous devenez persona non grata », dénonce-t-il.
Dans la plaidoirie qui a tenu le tribunal en haleine pendant plus de trois heures, les avocats de la défense ont déconstruit point par point trois chefs d’accusation pour lesquels Ahmed Abba est poursuivi.
Les accusations démontées point par point
D’abord la non-dénonciation : les avocats ont démontré que de par son statut de journaliste et selon les dispositions de la loi de 1990 portant sur la protection des sources, Ahmed Abba n’était astreint à aucune obligation de dénonciation de quelque personne que ce soit auprès des autorités, mais que nonobstant cette protection juridique, il avait quand même – tel que d’ailleurs démontré au fil des audiences – signalé plusieurs individus aux activités suspectes à diverses autorités.
Idem pour le crime d’apologie, où il a été démontré que ni sur l’antenne haussa de RFI où il officiait, ou de quelque autre forme que ce soit, Ahmed Abba n’avait été pris sur le fait de la propagande jihadiste.
Quant à la dernière infraction de blanchiment des produits d’actes de terrorisme, la défense l’a qualifiée « d’absolument fantaisiste », évoquant la vacuité des faits. Aucun élément matériel de recel d’objets issus d’actes terroristes n’ayant été établi. En conséquence de quoi les avocats ont appelé le tribunal à prononcer la non-culpabilité d’Ahmed Abba.
« Je pense que ceux qui étaient dans la salle ont pu voir qu’en près de trois heures et demie de plaidoiries, mon associé et moi-même avons démontré que ce dossier était vide et que M. Ahmed Abba est une victime de cette cabale judiciaire qui débouche souvent sur des erreurs judiciaires », assure Me Charles Tchoungang.
Le délibéré est attendu le 20 avril 2017.
Dans un communiqué, la direction de Radio France internationale espère vivement que cette ultime audience « sera le dernier jour du calvaire d’un innocent ».
Communiqué de RFI :
« L’audience de ce jeudi 6 avril a donné lieu à un réquisitoire éclair dans lequel le commissaire du gouvernement a maintenu les chefs d’accusation de “non-dénonciation d’actes de terrorisme, apologie et blanchiment”. Malgré l’absence de preuve, il est allé jusqu’à réclamer la peine de mort alors que la loi ne prévoit pas de réquisition de peine avant une éventuelle reconnaissance de culpabilité.
Durant trois heures, les avocats d’Ahmed Abba ont littéralement déconstruit le dossier, prouvant qu’aucun élément de preuve n’a jamais été apporté par l’accusation et qu’aucune des infractions n’est constituée. Ils ont demandé que notre correspondant soit déclaré non coupable et soit acquitté.
Le tribunal a fixé le délibéré au 20 avril.
La Direction de RFI ne peut douter que ce jour sera celui où l’innocence d’Ahmed Abba sera reconnue, et qu’il sera aussi le dernier jour de son calvaire. 628 jours de détention, c’est décidément trop long pour un innocent ! »
Source: RFI
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Pour la libération immédiate du correspondant de RFI Ahmed Abba et tous les autres
Depuis le début de cette parodie de procès militaire, menée au nom de la nécessaire et légitime lutte contre le terrorisme, nous n’avons pas cessé d’attirer l’attention de la communauté internationale et particulièrement de la France sur le détournement par le régime de Yaoundé de cet objectif par des purges systématiques infligées à des activistes, journalistes, et leaders d’opinion «dérangeant», majoritairement originaires du grand Nord du Cameroun.
Monsieur Le Président Paul BIYA, l’instrumentalisation politique de la Justice au Cameroun est devenue consternante et pathétique. Notamment lorsqu’elle vise comme ici à exercer sans jamais le dire un ignoble chantage diplomatique sur la France en prolongeant indéfiniment la séquestration d’un journaliste local qui a le seul tort d’exercer comme correspondant en zone sensible d’un média très emblématique du rayonnement culturel de la France en Afrique.
De grâce ayez le courage d’y mettre urgemment un terme, en libérant purement et simplement le journaliste Ahmed Abba et tous ceux qui comme lui – notamment Me Abdoulaye Harissou, M. Aboubakar Sidiki, puis les journalistes Baba Wame, Rodrigue Ndeutchoua Tongue et Félix Cyriaque Ebolé Bola – sont des victimes de choix de la vaste cabale judiciaire orchestrée par les sécurocrates de votre régime au nom de la lutte légitime contre le terrorisme au Cameroun.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)