La dernière diatribe insensible de M. Owona Nguini contre la minorité anglophone du Cameroun interpelle, notamment quand il semble préconiser une violence sanglante pour régler les griefs légitimes soulevés par la société civile anglophone, puis la perpétuation du contrôle social et des règles de gouvernance autocratique pour gérer les effets perturbateurs générés par les changements politiques attendus au Cameroun. Cette position dystopique du régime de Paul Biya soulève une question cruciale sur la manière de sensibiliser l’opinion publique et de structurer le débat public après l’interminable règne de l’inamovible président camerounais, mais aussi les mécanismes démocratiques et auto-correctifs qu’il faudra pour gérer les effets induits par ces changements auxquels nous aspirons tous.
Fait désormais quasiment immuable, qu’il approuve ou non, le président Paul Biya est un homme du passé. Et l’une des manières d’analyser son héritage consiste à passer en revue méthodiquement les règles, les méthodes, les positionnements permettant de mieux le décrypter. On pourrait aussi le faire en comparant le travail intellectuel et organique du CL2P aux dernières actions et prises de paroles des principaux intellectuels du régime de Yaoundé. Ceci est important parce que Joël Didier Engo, le président du CL2P et M. Owona Nguini partagent à peu près le même âge et le même background social (ont notamment été des proches voisins à Yaoundé).
Mais comment leurs différentes trajectoires nous informent sur la fracture intergénérationnelle camerounaise et les problèmes conjoints liés au personnel politique, à la dérive autocratique du régime trentenaire de Paul Biya; également sur les positionnements vis-à-vis de celui-ci? En effet la représentation et l’emprise du pouvoir patriarcal, la versalité politique, le travail intellectuel et les positions éthiques, la vision sociétale, et l’action collective inclusive ou exclusive …en disent un peu aussi sur chacun d’entre-nous durant ces 35 années. Les réponses à ces questions sont cruciales pour appréhender la ou les manières d’informer objectivement sur nos présuppositions non examinées et notre prédisposition idéologique.
Dans un moment déterminant de sa vie, Engo, contre la sagesse voulue conventionnelle du système, a pris des positions éthiques solides contre le régime du despotisme légal de Yaoundé, face notamment aux sirènes de la politique tribale et à la forte pression qui voudrait de faire allégeance à la ligne tribale dans un pays où la gouvernance tribale est un jeu brutal à somme nulle où le gagnant rafle la mise. Cette attitude de principe l’a certainement aliéné de ses proches et des personnes qu’il aimait le plus, et qui s’attendaient vraisemblablement à une attitude de soumission tribale en échange d’une hypothétique clémence du prince pour son père incarcéré arbitrairement pendant 14 années pour ce qui fut perçue comme une déloyauté. À l’instar d’autres régimes autocratiques, celui de Yaoundé a développé une stratégie juridique despotique qui fonctionne à merveille, avec une suppression immédiate des droits civils des adversaires politiques (de l’intérieur) ou perçus comme tels, au nom de la lutte démagogique contre la corruption. La position de principe d’Engo a été vue comme extrêmement irrévérencieuse. Car malgré son côté affable, qu’il a cultivé depuis le séminaire, le vieux nègre n’a jamais fait preuve de clémence face à ses adversaires politiques désignés.
Pourtant après une lutte sans merci contre le régime de Yaoundé pour obtenir la libération au forceps de son père, Joël Didier Engo n’en avait étonnamment pas fini avec la dictature de Paul Biya. En effet, dans un pays structuré autour de la gouvernance tribale, de nombreux tribalistes ne pouvaient pas croire qu’il était son propre homme et pouvait agir sur la base de convictions solidement ancrées. Il lui ont fait endurer toutes sortes de vilenies dans sa détermination d’en venir à bout avec le despotisme légal au Cameroun. Engo a néanmoins continué à être un défenseur acharné de l’égalité des droits pour tous, de la restauration d’un état de droit, de la promotion d’une alternance démocratique à travers le CL2P qu’il préside. Il est devenu emblématique du fort désaveu public des pratiques politiques népotiques, clientélistes, kleptocratiques, et autocratiques dans lesquelles il a grandi comme Mathias Owona Nguini.
M. Owona Nguini de son côté a abandonné tout semblant d’intégrité académique lorsqu’il a décerné un doctorat honorifique à la Première Dame du Cameroun. Il a encore tout récemment proféré des menaces de mort contre la minorité anglophone, et semble même prôner le recours à la violence à tout va comme unique réponse aux griefs légitimes et politiques soulévés par la minorité Anglophone. Pris comme tel M. Owona Nguini paraît avoir pris le parti d’un régime autocratique calcifié, ossifié, et sclérosé après 35 années; exposant par là même toute la problématique entre les privilèges et les limites des privilèges dans des régimes autocratiques où la violence reste la seule option envisageable pour les préserver. La violence dans le cas d’espèce est évidemment l’expression d’une faiblesse profonde, davantage que celle d’une réelle force; parce qu’elle n’a aucun autre objet au-delà de l’égoïsme personnel et de l’accumulation primitive des richesses.
À l’image de ces deux trajectoires intra-générationnelles, la question cruciale qui est aujourd’hui posée au Cameroun ou aux Camerounais consiste à trouver comment gérer le lourd héritage du vieux nègre, avec les effets perturbateurs induits par le nécessaire changement. Plus d’autocratie n’est à l’évidence pas la façon de relever les défis de demain. Vu sous cet angle le CL2P se trouve indiscutablement du bon côté de l’histoire, en préconisant une société ouverte, où la responsabilité démocratique avec ou grâce aux mécanismes intégrés d’auto- contrôle permettra de mieux articuler les changements voulus dans un pluralisme assumé.
Olivier Tchouaffe PhD Contributeur au CL2P
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English version
Cameroon: The CL2P and the Legacy of the Vieux Negre: Notes on Pubic versus Organic Intellectual Work By Olivier Tchouaffe PhD Contributor to the CL2P
Mr. Owona Nguini’s latest insensitive diatribe against the Anglophone minority of Cameroon where he seems to advocate bloody violence to settle the Anglophone’s legitimate grievances and the perpetuation of autocratic social control and rules to handle changes. This dystopic position of the Biya’s regime public intellectual raises a crucial question about how to organize public opinion and public debate to bear upon the legacy of the Biya’s regime and the democratic and self-correcting mechanisms to handle the disrupting effects of change we can all believe in.
Hence, whether he likes it or not, the president is a man of the past. And one way to deal with his legacy is to elaborate on the rules and proper ways to engage that legacy. One could do that by comparing the intellectual and organic work of the CL2P to the latest actions of the regime’s leading intellectuals. This is important because Joel Didier Engo, the C2LP president and Mr Owona Nguini share roughly the same age and the same social background but how their different trajectory informs on Cameroonian’s intra-generational divide and conjoined issues tied to the personal and the political, politics, representation and patriarchal power, politics, intellectual work and ethical stances, inclusive and exclusive collective vision and action. The answers to these issues are crucial for ways they inform on our unexamined assumptions and our ideological predisposition.
At a defining moment in his life, Engo, against conventional wisdom, took some strong principle ethical stances against the regime of Yaoundé’s legal despotism facing the sirens of tribal politics and heavy pressure to tow the tribal line in a country where tribal politics is a brute zero sum game where the winner takes all. This principle stance alienated the care of folks he loved the most and who expected a compliant attitude in exchange of mercy for his father incarcerated for his perceived disloyalty. As in most autocratic regimes, the regime of Yaoundé has developed a despotic legal strategy to deprived political and perceived political adversaries of their civil rights in the name of fighting corruption. Engo’s principle stance was a great call because despite of his cultivated affable demeanor he acquired as an altar boy and seminarist, Le vieux negre has yet to demonstrate leniency against his designated political opponents.
Still, Engo Joel Didier was not out of wood yet. In a country structured by tribal politics, many tribalists could not believe that he was his own man. He had to endure all kinds of abuse in his attempts to clear his good name. Engo went on to become a strong vocal advocate for equal rights for all, the rule of law and democratic accountability notably through the CL2P which he presides. Engo becomes emblematic of a strong public disavowal of autocratic political and kleptocratic practices he grew up in.
On the other hand, Mr. Owona Nguini has relinquished all semblance of academic integrity when he awarded an honorary doctorate to the First Lady of Cameroon. He went on recently to spew demeaning remarks against the Anglophone minority and seems to advocate violence as response to their political legitimate grievances. As such, Mr. Owona Nguini seems to have taken the side of 35 years of a calcified, ossified and sclerotic autocratic regime displaying the conundrum between privilege and the limits of privileges in autocratic regimes where violence remains a strong option or self-preservation. Violence in this case is usually an expression of weakness rather than strength because it has no object beyond selfishness and primitive accumulation.
As with these two intra-generational divide the crucial question is how do we deal with the legacy of le vieux negre and the disrupting effects of change. More autocracy is not the way to handle future challenges. The CL2P is on the right side of history advocating for an open society where democratic accountability and self-correcting inclusive mechanisms are the ways to grasp with future changes in an open democratic future.
Olivier Tchouaffe PhD Contributor to the CL2P