Cette tribune est co-signée par Maximilienne Ngo Mbe et Nkongho Felix Agbor Balla, avocat camerounais, fondateur et président du Centre pour les droits de l’Homme et la démocratie en Afrique (CHRDA).
« Il y a toujours une solution quand les gens acceptent de s’asseoir ensemble et de discuter de bonne foi ». C’est par ces mots qu’Adama Dieng, conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide, a commenté la crise anglophone au Cameroun.
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Fille francophone et fils anglophone du Cameroun, nous nous sommes réunis au lendemain de l’élection présidentielle de notre pays, pour exhorter le nouveau gouvernement et les dirigeants séparatistes anglophones à engager d’urgence un dialogue sous médiation pour trouver une issue pacifique à la crise qui a coûté la vie à des centaines de nos frères et sœurs.
Les Camerounais anglophones des régions du nord-ouest et du sud-ouest du pays ont été discriminés, marginalisés, assimilés et persécutés par la population majoritaire francophone et par le gouvernement. La crise actuelle, issue des événements de fin 2016, s’apparente à une casserole bouillonnante débordant d’eau depuis longtemps.
Le nouveau gouvernement camerounais doit répondre aux demandes de la communauté anglophone, car la façon dont le gouvernement sortant l’a fait est mauvaise. Tuer des centaines de Camerounais anglophones, maltraiter et violer des femmes, mettre le feu à leurs villages, est une abomination des plus graves qui doit être fermement condamnée par tous les Camerounais.
Le chemin à suivre est simple. Le plus difficile est de trouver le courage de l’emprunter
De même, la cause de la communauté anglophone est juste, mais la façon dont ses représentants se battent pour elle ne l’est pas. Mettre le feu aux écoles et attaquer les enseignants et les élèves n’est pas juste. Tuer des soldats du gouvernement n’est pas juste. La loi du talion n’est jamais juste, et prendre œil pour œil ne fera que nous rendre tous aveugles.
Le président camerounais issu de ce scrutin, et les dirigeants séparatistes anglophones doivent suivre les conseils d’Adama Dieng. Le chemin à suivre est simple. Le plus difficile est de trouver le courage de l’emprunter. Pourtant, en ces temps difficiles, nous devons tous trouver le courage ; il n’y a pas d’autre moyen.
Premièrement, le vainqueur de l’élection présidentielle doit empêcher les forces de sécurité gouvernementales de réprimer violemment les civils. Il doit démilitariser les régions anglophones et ordonner aux forces de l’ordre de respecter le droit des Camerounais à s’exprimer et se rassembler pacifiquement. Surtout, il doit garantir qu’il n’y aura pas d’impunité pour ceux qui ont commis des actes de violence et des atrocités.
Deuxièmement, le président élu doit entamer son mandat en s’engageant publiquement à ouvrir un dialogue sous médiation avec les représentants anglophones pour trouver une issue pacifique à la crise actuelle. Il doit permettre aux représentants de la diaspora anglophone de se rendre au Cameroun pour participer à une Conférence générale anglophone, comme l’a proposé le cardinal Christian Tumi fin novembre.
Troisièmement, les dirigeants anglophones doivent s’engager à utiliser la non-violence pour défendre leur cause. Les représentants de la diaspora doivent ordonner à leurs partisans au Cameroun de cesser d’attaquer les écoles, les villages et les forces gouvernementales.
C’est avec les États-Unis et la France que de réels progrès peuvent être réalisés
Enfin, au lendemain de l’élection présidentielle, la communauté internationale doit soutenir les efforts en faveur d’un dialogue sous médiation au Cameroun. L’ONU doit continuer à soutenir une médiation, mais c’est avec les États-Unis et la France que de réels progrès peuvent être réalisés. La France, dont les liens avec le Cameroun remontent à l’époque coloniale, doit insister auprès du président élu pour qu’il accepte les efforts de médiation ; le gouvernement américain doit faire pression sur les représentants de la diaspora anglophone vivant sur le sol américain pour qu’ils entament le dialogue.
Nous comprenons que les divisions de notre pays ne peuvent être guéries du jour au lendemain. En ce lendemain d’élection, ce n’est qu’à travers un dialogue inclusif, entre Camerounais anglophones et francophones, que nous pourrons constater que nous avons plus en commun que ce qui nous divise.