Sept mois après leurs interpellations, comment se présentent Maurice Kamto, Alain Fogue, Michèle Ndoki et Célestin Djamen, tous des responsables du Mouvement pour la renaissance du Cameroun ?
Dans quel état se trouvent Christian Penda Ekoka, Albert Dzongang et l’artiste Valsero, tous des partisans de Maurice Kamto, président du MRC ?
Les réponses à ces questions se trouvent dans une chronique publiée dans la matinée de ce lundi 02 septembre 2019 par Serge Aimé Bikoï, journaliste et sociologue. Ce dernier a passé quatre heures d’horloge hier à la prison principale de Kondegui, pour entendre et voir à quoi ressemble le quotidien des personnalités qui sont privées de liberté parce qu’elles ont organisé des manifestations pour contester les résultats de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. Selon Serge Aimé Bikoï, alias Le Don King, le président Maurice Kamto et ses partisans incarcérés à la prison principale de Yaoundé, tiennent bien le coup sans être isolés.
Ci-dessous, le témoignage de Serge Aimé Bikoï
Cahier d’une visite à la prison principale de Yaoundé
Un dimanche avec les prisonniers politiques du Mrc et alliés
Sept mois après l’arrestation de Maurice Kamto, quelques membres de son directoire et ses alliés politiques, j’ai eu, cet après-midi (dimanche, 1er septembre 2019), le plaisir et le loisir de rendre visite à ces résistants politiques, qui ont, contre vents et marées, décidé de mener les marches nationales à la résistance au hold-up électoral entamées et réprimées le 26 janvier 2019 dans des villes camerounaises. Au moment où je me suis décidé, à la fin de l’émission “Zappresse”, à aller passer une visite éphémère à la prison principale de Yaoundé, lieu de détention de ces Hommes politiques, j’avais, honnêtement, des a priori, des stéréotypes, des affects et, a fortiori, des représentations individuelles sur leurs conditions de détention et sur leur vécu quotidien depuis l’entame de leur parcours de combattant à Douala, baptisée ville frondeuse. Grande a été ma surprise de constater, fort au contraire, d’autres réalités patentes. En effet, initialement, je pensais trouver, au premier abord, des prisonniers affaiblis, amaigris, amoindris et assaillis de découragement, de démoralisation prêts à succomber au fatalisme. Que nenni ! J’ai, plutôt, vu des détenus politiques, tous, sereins, affables, joviaux, et, par corollaire, déterminés à se défendre, valablement, à la barre devant le Tribunal militaire de Yaoundé le 6 septembre 2019.
Sans scrupule, sans fards et sans vergogne, tous ou presque attendent, sereinement, ce que d’aucuns nomment, d’ores et déjà, le “procès de l’année 2019” et s’apprêtent, en accord parfait avec leur conseil, à porter, devant le Tribunal militaire, tous les arguments de droit pour démontrer leur innocence. Je pensais, par la suite, avoir affaire, ce jour du seigneur, à des individus n’ayant plus la même fougue, la même verve et la même impétuosité d’antan puisqu’ayant subi des formes de torture psychologique et physique durant cette trajectoire marquée du sceau de l’enfer en milieu carcéral. Que nenni ! J’ai vu, a contrario, Alain Fogue, le Trésorier national du Mrc, très décontracté, fort enthousiaste et enclin à relater, in extenso, les mécanismes de manipulation honteuse du Droit dans un système structuré autour de la dictature et de la répression.
Le Géostratège, par ailleurs membre fondateur du Mrc, soutient que le combat politique que les résistants ont engagé n’est qu’à ses débuts. C’est pourquoi, à cette phase de latence de la résistance, le leader national, ses congénères et lui ne sont pas prêts à lâcher du lest, à lâcher prise et à déposer les armes dans ce champ de bataille symbolique. C’est un homme de conviction que j’ai rencontré il y a peu et qui reste et demeure décisif dans son intentionnalité et dans son discours. Fogue, au sortir de cette visite de courtoisie, n’a pas hésité, in extremis, pour détendre l’atmosphère, à me lancer une boutade, en me faisant savoir que je ne dois pas être ébahi si un de ces quatre matins je suis interpellé par la Gestapo, au regard du fait que des interviews que j’ai réalisées avec plusieurs membres du directoire et alliés ont été co-menées avec Paul Chouta, le web journaliste, arrêté le 27 mai 2019, et qui les a rejoint le 30 juillet 2019 à la prison principale de Yaoundé. C’était alors plus d’une semaine après la survenue de la mutinerie à la prison centrale de Yaoundé. Mutinerie causée par des leaders anglophones revendiquant leur mise en liberté après deux ans d’incarcération sans suite favorable. Et votre humble serviteur de rire aux éclats et de lui faire savoir qu’avec ce régime décadent, il faut s’attendre à tout à tout moment bon gré mal gré.
Je pensais, dans le même sillage, voir Valsero essoufflé et érodé par les sept mois de détention dans le principal pénitencier du Cameroun. Mais en vain ! J’ai vu Valsero, qui reste et demeure taquin, intriguant, amusant, incisif et iconoclaste dans ses envolées verbales à l’égard de l’ordre dominant qui les embrigade depuis le 28 janvier 2019. Le rappeur engagé a, en l’occurrence, la dent dure contre des communicants du parti au pouvoir, qui se plaisent et se complaisent, explique-t-il, à défendre l’indéfendable, à soutenir l’insoutenable lors des débats politiques sur des chaînes de télévisions locales. Débats audiovisuels qu’ils regardent tous sans discontinuer les week-ends. L’artiste, qui n’a, jamais, sa langue dans sa poche, estime, sans coup férir, que des mass médias au Cameroun sont des caisses de résonance et des instruments au service de la conservation et de la pérennisation du pouvoir de Yaoundé. Raison pour laquelle qui lève sa tête pour battre, en permanence, en brèche l’ordre établi et ultra dominant devient un homme épinglé, persécuté, importuné et dissuadé par tous les moyens par des agents des appareils répressifs de l’État. Valsero, la main posée sur le cœur, demande aux acteurs de la société civile de muer leurs organisations en lobbies forts, efficaces et efficients susceptibles d’impacter sur le cours de la vie sociopolitique.
Je pensais voir aussi Paul Eric Kingue fort diminué et découragé vu des accusations portées contre lui relativement à l’affaire du saccage des ambassades, thème que nous avions abordé lors de l’entretien qu’il nous avait accordé, il y a sept mois, Paul Chouta et votre humble serviteur dans ses services professionnels privés à Yaoundé. C’était quelques semaines avant son arrestation ! Le président national du Mouvement patriotique pour un Cameroun nouveau (Mpcn) reste et demeure un homme convaincu de n’avoir guère éreinté l’Etat camerounais. L’ancien maire de Njombe Penja, qui avait déjà passé huit ans dans un pénitencier, constate que voici la neuvième année qu’il est en train d’achever étant écroué à Kodengui. Tous ses regards sont, désormais, tournés vers le procès du 6 septembre 2019 au Tribunal militaire de Yaoundé. Toute chose qui l’incline, de même que ces résistants politiques, à formuler une correspondance à faire parvenir aux autorités de la république, dont l’enjeu est d’exiger la tenue d’un procès juste, transparent et équitable conformément aux règles juridiques internes. Kingue et ses amis politiques demandent, par la même occasion, à l’Etat de permettre la présence des journalistes, qui doivent couvrir ce procès sans être expulsés ou, du moins, perturbés, tout autant qu’ils ne veulent pas que des Hommes de médias soient substitués à des militaires en civil en salle d’audience, dont le rôle consistera à théâtraliser la posture d’agents de renseignements lors des différentes audiences.
Que dire de Maurice Kamto, qui n’a eu, comme à l’accoutumée, de cesse de recevoir les visites de plus d’un durant les quatre heures passées à la prison principale de Yaoundé. Le président national du Mrc, dans une tenue traditionnelle d’apparat de couleur marron, toujours souriant et convivial, a accordé des entretiens à bien de ses collègues universitaires et à des militants du parti venus le rencontrer et échanger avec lui sur des sujets divers, dont le dévoilement ne mérite pas d’être fait tant il s’est agi, a posteriori, des échanges privés. Ce qui est privé ne devrait pas être publicisé ou tout simplement médiatisé bien qu’ayant la parfaite maîtrise de quelques sujets en débat lors des joutes. Rien ne sera donc guère relayé ! Somme toute, l’on se rend compte que l’homme politique reste déterminé à se défendre comme ses membres du directoire et alliés, à l’instar de Albert Dzongang, Célestin Djamen, Michèle Ndoki et Christian Penda Ekoka que nous avons, dans la même veine, rencontrés et avec qui nous avons échangé à bâtons rompus. N’eût été la courte durée de cette visite dominicale, nous serions encore dans ce milieu carcéral en ce moment. Mais en vain ! C’était, en fin de compte, une belle randonnée avec les prisonniers politiques du Mrc et alliés, qui restent maximalistes dans la voie étrennée depuis le lancement de la 2ème phase des marches nationales à la résistance au hold-up électoral. Tout passe et le combat continue, c’est leur leitmotiv dévoilé in fine ! “Celui qui gagnera sera le vainqueur de cette résistance”, pour reprendre Alain Fogue Tedom, qui ne démord pas en dépit de sept mois d’incarcération. Qui va alors vaincre cette résistance politique, encore à l’état embryonnaire à l’heure actuelle ? Question à 1 franc symbolique.
Le Don King
Mot à wou à wou!