Au Cameroun, les locataires mauvais payeurs de mauvaise foi ne sont pas à l’abri d’une expulsion. Mais si le nouveau texte voit le jour, les locataires en difficultés financières suite à des coups durs – divorce, licenciement ou décès d’un proche – seront menacés au pénal.
C’est inadmissible, proteste Philippe Nanga, qui dirige l’association Un monde avenir. « C’est quand même scandaleux de voir ce genre de disposition prévue dans une loi, souligne-t-il. C’est quand même scandaleux que les plus démunis, qui doivent être prioritairement protégés par l’Etat soient ceux qui sont désormais menacés par l’Etat. Sachant très bien que, de plus en plus, la situation économique se dégrade. »
Philippe Nanga craint que la loi ne décourage la recherche d’arrangements à l’amiable. « Nous sommes souvent interpellés par des gens qui ont été menacés par leur bailleur, et souvent nous avons fait intervenir des médiations pour essayer d’expliquer aux bailleurs la situation économique. On a même cautionné parfois certaines personnes, sachant qu’elles pourront plus tard régler leur situation. Mais avec cette loi-là, on a plutôt choisi la répression sauvage », regrette-t-il.
Selon Philippe Nanga la loi risque surtout de gonfler le nombre déjà important de Camerounais qui choisissent des solutions de logements informels. Or, ils sont souvent insalubres et plus exposés aux effondrements et aux inondations.
Le pouvoir se défend
Le gouvernement est accusé de n’avoir consulté ni les acteurs de la chaîne judiciaire, ni les politiques et surtout d’avoir introduit dans le texte en examen au Parlement, des infractions controversées, tels que la pénalisation de l’adultère, du vagabondage ou le maintien de la pénalisation de l’homosexualité.
Faux, rétorque le pouvoir de Yaoundé, qui estime que ce projet de code pénal est suffisamment consensuel et revêt un caractère avant-gardiste.
« Il y a eu une large consultation qui a associé toutes les professions judiciaires, les notaires, les huissiers, la société civile, y compris les chefs traditionnels », affirme Me Emmanuel Mbiam, vice-président de la commission des lois constitutionnelles à l’Assemblée nationale et avocat du gouvernement.
« Pour l’adultère, ajoute-t-il, on a tenu compte de la particularité du Cameroun : l’adultère de la femme a toujours été puni, mais l’adultère de l’homme n’était pas puni. Donc cette fois-ci, on a mis les hommes et les femmes sur le même pied d’égalité. Je peux vous dire qu’à la commission des lois constitutionnelles, toutes les femmes ont applaudi devant cette mesure en disant : “Enfin, on va pouvoir poursuivre le mari qui fait du vagabondage sexuel.” Sur le problème de l’homosexualité, je vous affirme que tous les bords, aussi bien l’opposition que la majorité et le gouvernement étaient opposés farouchement à la dépénalisation. »
Par RFI