Cameroun : Massacres de Menka : Des hommes armés ont mangé avec les victimes avant de les tuer
D’après un jeune de ce village qui a fait parvenir un voice message à la rédaction de www.hurinews.com disant avoir été témoin des événements, le chef de Menka aurait organisé avec des jeunes du village qui s’étaient spécialisés des jours auparavant par des actes de banditisme une rencontre avec des militaires en civil dans l’hôtel du village qui auraient décidé de les tuer. Une version qui, si elle est vraie, renforcerait la crédibilité des informations reçues par votre journal en ligne selon lesquelles des élites de la localité de Santa auraient décidé d’en finir avec ces jeunes qui n’ont pas rempli la mission pour laquelle ils ont été recrutés et payés : kidnapper des personnes et se faire passer pour des indépendantistes anglophones armés afin de discréditer ces derniers.
Il a préféré garder l’anonymat. Parce qu’il dit revenir de loin : « Je me suis caché dans la brousse parce que ma propre vie est en jeu », clame ce jeune du village Menka par Santa, dans le Southern Cameroon (Cameroun anglophone), dans un message vocal qu’il a transmis à la rédaction de www.hurinews.com. L’homme relate les faits tels qu’il dit les avoir vécu ce 25 mai dernier, jour où près d’une trentaine de jeunes filles et garçons ont été abattus par l’armée parce que soupçonnés d’appartenir à un mouvement indépendantiste armé.
D’après le récit fait en pidgin english (argot parlé dans le Cameroun anglais), les soldats qui ont tué ces jeunes gens étaient présents avec ces jeunes, en civil précise-t-il, dans cet hôtel du village quelques heures auparavant, mangeant et buvant avec eux : « les soldats en civil n’ont jamais été appelés au secours, ils étaient déjà à l’endroit où ces jeunes gens ont été tués. Tous ces enfants ont été appelés et nourris et des boissons leur ont été offertes. Les policiers et militaires en civils les ont trompé en leur disant qu’ils devaient servir au sein des Ambazonians defense force et libérer le pays », se souvient le jeune homme.
D’après ce témoin qui paraît sûr de ses déclarations, plusieurs jeunes qui ont tenté de fuir de l’intérieur de cet hôtel ont été abattus : « ils ont commencé à courir, d’autres ont été tués à l’extérieur. Ils ont tout fait pour finir tous ceux qui étaient aux alentours », raconte cet homme qui dit avoir vécu la scène à partir d’un ruisseau situé non loin de là.
Cet habitant de Menka village accuse le chef Fon Asobo Pius Nguh d’avoir planifié ce massacre. Il raconte que très tôt ce matin-là, alors qu’il se trouvait au ruisseau pour laver ses vêtements, il a aperçu le Fon dans une voiture étrange et que ce dernier, après l’avoir appelé par le nom de son père, lui a proposé de venir se faire recruter au sein des Ambazonian défense force. Il dit avoir répondu au chef de s’avancer, qu’il arrive : « je voulais vraiment finir rapidement et les rencontrer. Mais le savon avec lequel je lavais ma couverture a juste disparu de ma vue. Je me suis mis à le chercher pendant des heures. Voyez-vous, Dieu fait des choses », comme pour dire que s’il avait aussitôt rangé ses vêtements pour rejoindre ce groupe de jeunes, il aurait aussi été tué.
Le jeune habitant de Menka dit également avoir aperçu pendant la fusillade l’étrange voiture dans laquelle se trouvait le chef rouler à toute vitesse et ses occupants tirer sur tous ceux qui se trouvaient aux alentours. S’Il est difficile pour l’instant de crédibiliser ce récit du témoin de Menka, il n’en demeure pas moins qu’il a le mérite de conforter les informations confidentielles reçues ainsi que les hypothèses formulées par votre journal en ligne. A savoir que les militaires qui ont exécuté ces jeunes les connaissaient personnellement et les ont ciblé.
Ce récit a également le mérite de conforter notre rédaction à l’idée que ces jeunes ont bel et bien été exécutés sommairement à l’issue d’une opération secrète qui a eu lieu au levée du jour (loin de la curiosité des villageois). Car comment comprendre qu’après une opération ayant permis de neutraliser un gang de malfaiteurs (comme nous l’a fait croire le porte-parole du gouvernement Issa Tchiroma Bakary lors de son point de presse le 28 mai) dans un village, ni le chef de ce village (qui a d’ailleurs quitté Menka ce matin-là), ni le sous-préfet de Santa, ni le préfet de la Mezam, ni le Gouverneur du Nord-Ouest, ni les autorités sécuritaires de la localité encore moins les militaires, gendarmes et policiers ayant mené l’opération, n’ont été aperçu sur les lieux après cette opération ?
Comment comprendre que ni les armes et munitions prétendument saisies, ni la soi-disant terroriste qui s’est rendue, à en croire le gouvernement, n’aient pas été présentées au public comme un exploit de l’armée camerounaise ? Et si ce témoignage du jeune de MEnka venait aussi conforter les informations selon lesquelles des élites de la localité de Santa auraient, après avoir organisé leur réunion à cet hôtel rural, décidé d’en finir avec ces jeunes qui n’ont pas rempli la mission pour laquelle ils ont été recrutés et payés : kidnapper des personnes et se faire passer pour des indépendantistes anglophones armés afin de discréditer ces derniers ? Les images des corps à l’intérieur de l’hôtel, sur la cour et aux alentours dans la broussaille parvenues à www.hurinews.com balaient la thèse de l’échange de tirs d’un revers de la main soutenue par le gouvernement.
Michel Biem Tong
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Cameroun: les responsabilités dans la tuerie de Menka pas encore déterminées
Près d’une semaine après la mort de 32 personnes à Menka, au Cameroun, il est toujours difficile de savoir exactement ce qui s’est passé. Les autorités assurent avoir « neutralisé 27 terroristes », qui eux-mêmes avaient tué quatre otages, dans un hôtel de cette ville du nord-ouest. Mais d’autres versions estiment qu’il s’agissait plutôt de groupes criminels locaux, n’ayant aucun rapport avec le sécessionnisme anglophone.
Les images de corps gisant au sol ont fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours. Une manipulation, selon les autorités, qui accusent les sécessionnistes.
Selon Yaoundé, les militaires sont intervenus à la demande de la population, contre un groupe armé qui détenait quinze personnes en otage et qui, comme seule réponse aux sommations, a choisi d’exécuter une partie de ces otages. Plusieurs militaires auraient été blessés au cours de l’affrontement. « Après avoir pris quinze otages, ils se sont installés dans un petit hôtel dans la localité de Menka. Les populations excédées ont donc appelé au secours les forces de défense et de sécurité qui étaient donc mises au courant que les preneurs d’otages avaient investi cet hôtel. Il y a d’abord eu des tirs de sommation. C’est pour n’avoir pas obtempéré et avoir commencé à tuer les otages un par un que nos forces de défense ont décidé d’intervenir. Beaucoup d’armes de guerre, des munitions, des armes blanches ont été effectivement récupérées. Un arsenal de guerre mis à la disposition de ces terroristes-bandits », détaille Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.
Mais le mouvement séparatiste anglophone, se réclamant de la République d’Ambazonie, dément catégoriquement. Nos combattants ne logent pas dans des hôtels, explique leur porte-parole, en ajoutant qu’à aucun moment le gouvernement n’a présenté les armes qu’il dit avoir saisies sur place.
Il s’agit pourtant arsenal de guerre, selon les autorités camerounaises. Cela interpelle également un défenseur des droits de l’homme basé dans la région. Il s’étonne que les armes n’aient pas été présentées et affirme que les personnes retranchées dans l’hôtel n’étaient pas des sécessionnistes, mais des criminels motivés par leur propre intérêt, en l’occurence les rançons versées en échange des otages.
Même analyse pour le président du principal parti d’opposition. John Fru Ndi, qui s’est rendu sur place au lendemain des événements, y voit surtout une opération de communication du gouvernement : « Il semble qu’il s’agisse d’un plan du régime pour montrer au monde qu’ils sont en train de gagner leur combat contre les sécessionnistes anglophones. Dans l’hôtel ce jour-là, se trouvaient des gens favorables à la cause sécessionniste, des criminels et des gens qui avaient été enlevés et conduits de force dans l’établissement. Il y avait un mélange, c’est pour cela que nous condamnons ce qui s’est passé.
La police, l’armée ou la gendarmerie est censée appeler à la reddition avant d’agir. Là, les militaires ont tué tous ceux qui se trouvaient sur place. Ils tiré pour tuer, alors qu’ils auraient pu viser le pied par exemple pour pouvoir arrêter les suspects, les interroger pour obtenir davantage d’informations et essayer de traiter le problème à la racine. Mais là, ils ont tué tout le monde. »
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GRANDE INTERVIEW: Edith Kah Walla , Présidente du CPP (29/05/2018)
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