Selon une enquête du consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), depuis son élection à la tête du Cameroun, il y a 37 ans, Paul Biya aurait passé quatre ans et demi à l’hôtel Continental à Genève, un palace planté à proximité du palais des Nations. Au sixième étage, il y occuperait une suite facturée autour de 150 000 euros le mois, si l’on croit le site d’opposition camer.be, qui rappelle que le salaire moyen camerounais n’atteint que quatre-vingts euros par mois. Et bien évidemment, le chef de l’État ne se déplace pas seul. En avril dernier, Paul Biya avait même prévu de venir avec onze militaires, avant de renoncer à ce déplacement en Suisse. Son épouse, Chantal Biya, en revanche, avait bien séjourné à Genève.
Cette fois, Paul Biya est arrivé à l’aéroport de Genève-Cointrin dimanche dernier, à bord d’un avion privé, afin de ne pas éveiller l’attention de ses opposants. En effet, ces derniers lui reprochent de venir trop souvent en Suisse et de ne pas s’occuper suffisamment des affaires de son pays. La Tribune de Genève révèle que ses allées et venues, depuis plusieurs années, sont « suivies sur les sites de tracking d’avions avant d’être relayés par la communauté camerounaise sur les réseaux sociaux où ils déclenchent une cascade de réactions ».
Cela n’a pas manqué cette semaine : mardi, une quarantaine d’opposants ont forcé l’entrée de l’Intercontinental et se seraient battus avec des membres du service de sécurité du chef de l’État camerounais. Une information que la police genevoise ne confirme toutefois pas. Mais elle reconnaît qu’il a fallu au moins une heure pour que le calme revienne dans le palace.
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Comment empêcher une manifestation ?
La manifestation a été suffisamment violente pour que l’ambassade du Cameroun à Berne parle de « bandits » venus « perturber le séjour de notre grand camarade à Genève ». Et ce n’est pas fini, le site africanews annonce que des Camerounais venant de plusieurs pays d’Europe entendent manifester le samedi 29 juin contre le séjour en Suisse de Paul Biya. La manifestation devrait se dérouler Chemin du Petit-Saconnex, devant l’Intercontinental.
L’ambassade du Cameroun à Berne, qui dénonce un « projet barbare », expression de « la haine, de la violence et du tribalisme », annonce qu’elle empêchera cette manifestation « en relation avec les autorités compétentes du pays hôte ». Le problème, c’est que la Suisse est un pays démocratique. Il n’est guère possible d’empêcher des opposants de descendre dans la rue, surtout à quelques pas du siège européen de l’ONU. Par ailleurs, comment contrôler toutes les personnes qui franchissent les portes des palaces genevois ?
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Néanmoins, ce genre de manifestations ne peut qu’embarrasser Berne. Traditionnellement, la Confédération accueille de très nombreux chefs d’État étrangers, qui apprécient les bords du lac Léman pour sa tranquillité. Contrairement à la France, la Suisse ne possède pas véritablement de police fédérale, et les polices cantonales ne sont pas forcément formées pour « traiter » les opposants politiques étrangers.
Par notre correspondant à Genève, Ian Hamel