Près de 10 000 partisans ont ovationné l’opposant camerounais à Bafoussam, le 21 novembre. Faisant fi des freins administratifs qu’il rencontre, le chef de file du MRC s’affirme en présidentiable.
Sur un promontoire, face à un public conquis, Maurice Kamto exulte. En tenant son meeting le 21 novembre envers et contre la volonté du pouvoir, il a gagné ses galons de meilleur opposant. Les autorités lui avaient refusé le droit de réunir ses partisans sur la place des fêtes de Bafoussam, la plus grande ville de l’Ouest camerounais, qui compte 350 000 habitants. « Selon le motif avancé, une manifestation du parti au pouvoir était prévue au même endroit et à la même date, explique Kamto, joint par Jeune Afrique. En vérité, la décision de nous faire barrage venait de plus haut, plus précisément de Yaoundé. Face à notre détermination à ne pas céder devant une interdiction déguisée, le sous-préfet a dû se précipiter dans la capitale dans la nuit de vendredi à samedi pour y recevoir les dernières instructions », poursuit-il.
La suite est connue : soutenu par sa formation politique, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), l’opposant de 61 ans est parti bille en tête pour tenir son rassemblement. La rencontre a finalement eu lieu au stade de la ville, où près de 10 000 partisans se sont déplacés pour l’écouter de sa voix rocailleuse dépeindre le régime en « dictature reptilienne » et critiquer au vitriol le bilan des années Biya. La détermination de ce leader plaît à ces agriculteurs rustiques, prompts à apprécier autant le courage physique que celui des idées.
Le long chemin de Kamto
Du courage, il en faudra à Kamto et à ses partisans pour réussir leur Caravane de la renaissance, dont Bafoussam n’a été que la première étape. Sur sa route, cet ancien ministre délégué à la Justice – qui démissionna du gouvernement en novembre 2011 – se heurtera aux autorités préfectorales « aiguillonnées », selon lui, par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). Échaudés par les révolutions arabes de 2011, les préfets rejettent en effet presque toutes les demandes de manifestation publique non issues du RDPC. Alors que les partisans de Paul Biya, 82 ans, dont trente-trois au pouvoir, pressent ce dernier de déposer sa candidature et d’anticiper l’élection présidentielle, prévue en 2018, la tournée du MRC prend des allures de campagne électorale avant l’heure.
L’ancien doyen de la faculté de droit de l’université de Yaoundé ne pourra pas compter sur l’appui des responsables politiques de l’opposition
Confronté à l’appareil d’État, Kamto va devoir ferrailler pour obtenir le droit de drainer des foules et de réenchanter ainsi la politique, dont la population s’est majoritairement détournée. Les chiffres de la présidentielle de 2011 parlent d’eux-mêmes : 4,9 millions de personnes sont allées aux urnes sur un collège électoral de 7,5 millions d’électeurs inscrits. C’est bien peu dans un pays de 22 millions d’habitants !
L’ancien doyen de la faculté de droit de l’université de Yaoundé ne pourra pas compter sur l’appui des responsables politiques de l’opposition, devenus invisibles sur le terrain depuis la réélection en 2011 de Paul Biya avec 78 % des suffrages. Usés par les échecs successifs, ils se sont rapprochés du régime, à l’instar de John Fru Ndi, ou se sont retirés, ruinés et malades comme Garga Haman Adji ou stipendiés comme Bello Bouba Maïgari… Autre candidat déclaré mais hors jeu, Marafa Hamidou Yaya, qui purge une peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement, tandis qu’au sein même du parti au pouvoir les prétendants à la fonction suprême ont dû refréner leurs ambitions face à l’appétit jamais démenti du postulant « naturel » Biya.
« Nous avons les moyens en tant que nation de redresser notre pays, de venir à bout du chômage des jeunes, de redonner au Cameroun son lustre d’hier, de le hisser au niveau de développement, de rayonnement et de respectabilité qu’il mérite », préconise Kamto. Qui doit confirmer ce statut de présidentiable crédible.
Par Georges Dougueli, Jeune Afrique 03 décembre 2015