La brèche
Le 26 janvier 2019. Cette date restera gravée dans l’histoire politique du Cameroun comme une journée de peu de gloire. Les militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC ) avaient été molestés, certains blessés par par balles à Douala. Ce fut au cours d’une marche dite « blanche». Cette manifestation avait été aussi organisée dans certaines villes du pays le même jour.
Les autorités administratives avaient refusé d’autoriser cette marche. Elle sera donc réprimée avec brutalité de façon disproportionnée par les forces de police. Deux personnalités politiques bien connues ont reçu sur leur jambe des blessures graves provenant des tirs de balles. De nombreuses arrestations ont eu aussi lieu dans des villes intérieures.
Le même jour, à Bruxelles, à Berlin et à Paris, les locaux des représentations diplomatiques du Cameroun ont été mises à sac par des manifestants qui scandaient le nom de Maurice Kamto, l’appelant « président élu » au dernier scrutin d’octobre 2018.
Voilà une fois de plus le Cameroun en ébullition. Les images des hommes politiques blessés par balles et gisant au sol font le tour du monde. Celles des passants frappés aussi. Celles des émeutiers saccageant les locaux et déchirant les effigies du président de la République, Paul Biya tournent en boucle dans les réseaux sociaux.
Dans un premier temps, nous serions tentés de dire que dans une démocratie, de tels agissements sont courants. Exemples: les « Soixante-huitards » n’avaient-ils pas dépavé Paris et autres grandes villes de France, faisant même des morts ? Les « Brigades rouges » n’avaient-elles pas tenté plusieurs fois de détruire Rome et Naples avant d’être réduites plus tard au silence?
La démocratie est une immense école où l’on apprend sans fin, le respect des lois et règlements du pays qui l’adopte. C’est un cadre où on apprend à vivre avec les différences. Où on apprend la tolérance. Où les tenants du pouvoir acceptent que les différences s’expriment et se manifestent sans être inquiétés. Où les forces de maintien de l’ordre doivent être éduquées pour protéger tous les citoyens, autant qu’elles protègent les institutions et les personnes qui les incarnent.
La démocratie est donc une école des devoirs et des obligations. Les pouvoirs publics sont soumis à ces devoirs et à ces obligations. Les citoyens aussi. Un parti politique qui demande une autorisation de manifester pour marquer son existence en mobilisant ses militants, cette autorisation doit lui être accordée absolument. Rien ne saurait justifier un refus de la part des pouvoirs publics. En cas de débordement, la police devrait savoir utiliser la graduation de la répression, et ne jamais utiliser des balles réelles contre une population aux mains nues. Si de l’autre côté un parti politique n’est pas capable de maîtriser ses troupes contre les débordements, il devra supporter les conséquences issues des dégâts.
Les mouvements que nous avons vécus samedi dernier prouvent que de part et d’autre, l’intolérance a fait son lit au Cameroun. Il revient aux pouvoirs publics d’implémenter cette vertu morale et démocratique. A défaut, la violence s’installera. Les images de samedi risquent d’être une brèche qui vient de s’ouvrir. Il sera difficile de la refermer. Au gouvernement de prendre ses responsabilités face à son peuple.
Par Xavier Messè À Tiati