L’audience en appel sur la demande de liberté provisoire formulée par les avocats de Maurice Kamto et de ses codétenus s’est tenue mardi en l’absence de la défense, qui exige un procès public. Le verdict est attendu le 9 avril prochain.
« Les avocats ont quitté l’audience pour ne pas assister en spectateur à cette mascarade de justice. Le procureur a donc parlé seul devant son juge, il a demandé le rejet de notre appel. Ils ont tenu l’audience à deux, et maintenant on attend le verdict », a lancé, mardi, Me Emmanuel Simh, l’un des avocats de la défense.
« Nous maintenons que tout comme nos clients ont été interpellés en public, ils doivent aussi être jugé en public », a encore argumenté l’avocat devant la presse, pour justifier la décision de l’équipe de défense de Maurice Kamto et de ses coaccusés de ne pas assister à l’audience en appel de la procédure en habeas corpus qu’ils avaient initié à la mi-février.
Le 7 mars dernier, la demande de remise en liberté avait été rejetée par le tribunal de première instance de Yaoundé. Georges Théophile Timba, le président du tribunal, avait notamment jugé que les droits de Maurice Kamto et de ses coaccusés – interpellés dans le cadre des marches blanches du 26 janvier dernier – n’avaient pas été violés, contrairement aux affirmations de leurs avocats.
Il avait par ailleurs précisé que le mandat d’arrêt du leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) figure bel et bien dans le dossier, pour justifier le caractère légal de son arrestation.
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Trois procédures en cours
Autant de points sur lesquels les avocats de la défense espèrent voir les juges d’appel revenir, dans leur verdict annoncé pour le 9 avril prochain. Celui-ci viendra clore l’un des trois chapitres de cette affaire dite des « manifestants du 26 janvier ».
Deux autres procédures judiciaires distinctes ont été ouvertes par le ministère public à la suite des arrestations des leaders et militants du MRC, après les marches pacifiques visant, notamment, à revendiquer la victoire de Maurice Kamto à l’élection présidentielle.
La première procédure, qui visait trente personnes, a été ouverte auprès du tribunal de première instance Yaoundé et concernait uniquement les manifestants ayant été interpellés dans la ville de Yaoundé. Après leur inculpation, les audiences s’étaient rapidement déroulées, débouchant sur une condamnation de 29 personnes à douze mois de prison.
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La deuxième procédure concerne les 158 militants interpellés dans les autres villes du Cameroun. Parmi eux, les leaders du MRC et leurs alliés politique. Dans ce dossier, dont l’instruction a été ouverte auprès du tribunal militaire le 26 février, seul Maurice Kamto a, pour l’heure, été auditionné par le juge. L’opposant à remis en cause la compétence du juge et, depuis, aucune des 157 autres personnes actuellement détenues à la prison principale de Nkondengui n’a été convoquée au tribunal militaire, où la procédure semble bloquée.
Exigence de publicité des débats
L’audience en appel de mardi, elle, s’inscrit dans le cadre des 158 demandes de libération provisoires – dites « habeas corpus » – introduites par les avocats de la défense devant le tribunal de grande instance de Yaoundé, au motif que les conditions d’arrestation et de détention des prévenus étaient illégales. Mais sur la vingtaine de personnes passées devant le tribunal jusqu’à présent, aucune demande de liberté provisoire n’a reçu de verdict favorable.
Il est nécessaire que le public entende les histoires de ces hommes et de ces femmes
Des échecs qui ne semblent cependant pas démoraliser la défense, qui maintient que ces différentes étapes ont chacune leur importance, mais insiste sur la nécessité d’audiences publiques. « Il est nécessaire que le public entende les histoires de ces hommes et de ces femmes. Qu’il entende comment en 2019, on traite des êtres humains comme des animaux. Des gens sont embastillés sauvagement, des femmes passent des jours sans se laver, sans parler des tortures psychologiques. Les gens doivent savoir », confie Me Emmanuel Simh.
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« Chacun a le droit d’être jugé et d’être publiquement entendu. C’est non seulement un principe juridique, mais surtout un droit sacré consacré par de nombreux textes dont la loi du Cameroun. La cour a imposé une voie de fait qui s’oppose à la voie de droit, et nous ne pouvions pas cautionner cela », justifie pour sa part Me Hyppolite Meli.
A Yaoundé, le sujet Kamto semble tabou. Les officiels rechignent à s’exprimer sur l’affaire, arguant que c’est à la justice de faire son travail.
Au sein du MRC par contre, les responsables du parti annoncent de nouvelles manifestations pour le 13 avril, avec un mot d’ordre : l’apaisement du climat politique à travers la libération des militants détenus.
Jeune Afrique