C’est ce qui ressort du rapport rendu public par la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés le 24 janvier 2014 à Douala. Lors d’une descente de deux jours, les 22 et 23 janvier 2014 à la prison centrale de New-Bell, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDH) a mis en lumière les tares du système carcéral camerounais: surpopulation, homosexualité, racket de tous genres.
S’agissant de la question relative à la surpopulation dans ce pénitencier, les membres du Cndh ont indiqué au cours d’une conférence de presse donnée au siège de leur antenne régionale, sis au quartier Bali que la prison centrale de New-Bell héberge deux mille neuf cent cinquante deux (2952) détenus, pour une capacité de huit cent (800) places, dont un ratio de 380%. De l’avis du Régisseur de cette prison, Dieudonné Engonga Mintsang, ce chiffre est passé à 3.000 détenus le 24 janvier 2014.Construite en 1933, cette prison, devenue aujourd’hui vétuste et exigüe n’a pas assez d’espace pour abriter le nombre sans cesse croissant de détenus qui y débarquent.
A en croire Me Balemaken, membre du Cndh, les dossiers judiciaires laissent apparaître que sur 2952 détenus, deux cent soixante quatre (264) sont en détention provisoire, soit un taux de 70%. «De même 70% le sont pour des délits, alors que dans le Code pénal, la liberté est la règle et la détention l’exception ». Des détentions sans mandat de dépôt sont constatées. Il y en a même qui remontent à 1998 ou à 1999. S’agissant des gardes-à-vue, «Sur soixante six (66) cas, il y a cinquante (50) cas de garde-à-vue irrégulière, c’est-à-dire qu’elle va au-delà des vingt jours prévus par la loi», a indiqué l’homme de loi. Les droits fondamentaux du détenu sont tout aussi pointés du doigt par la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés. Celle-ci dénonce l’environnement insalubre; des locaux vétustes avec des soucis d’évacuation des eaux souillées; une pharmacie très peu achalandée avec deux médecins, dix infirmiers, dix lits; la surfacturation des soins de santé; les lenteurs procédurales des cas de contraintes par corps sur un mineur et des personnes qui ont 70 ans, contrairement aux dispositions de l’article 565 du Code pénal. Pire encore, les détenus ne sont pas informés de l’évolution de leurs procédures.
De l’avis de nombreux observateurs, le nombre très élevé de prévenus est l’une des causes de la surpopulation en milieu carcéral au Cameroun. En outre, souligne Jean Paul Chouniat, journaliste, les lenteurs administratives dans les traitements des dossiers par les magistrats contribuent à garder en prison des personnes qui ne devraient pas s’y retrouver. « Il y a des personnes qui passent plusieurs mois en prison pour rien parce que leurs dossiers ne sont pas traités avec célérité », souligne t-il. D’autres soutiennent que ceux qui sont victimes de ces lenteurs sont des personnes qui n’ont pas de moyens financiers pour corrompre les magistrats, ou qui n’ont pas de connexions dans les hautes sphères de l’État. Certains observateurs soutiennent d’ailleurs que les personnes nanties voient leurs dossiers passés comme une lettre à la poste devant les magistrats.
Il convient d’indiquer que la question de la surpopulation en milieu carcéral n’est pas l’apanage de la seule prison centrale de New-Bell. Tous les établissements pénitentiaires au Cameroun sont bondés de détenus au point où bon nombre dorment à la belle étoile. Conséquence, des gens dorment entassés comme des moutons, parce qu’une cellule prévue pour 50 personnes, en abrite 200, voire plus. Devant un constat aussi désolant, on ne peut manquer de fustiger l’inertie des pouvoirs publics. Car comment comprendre que plus de 50 ans après la construction de ces prisons, l’État n’ait pas daigné construire des prisons beaucoup plus vastes et répondant aux standards modernes. A qui profite cette surpopulation ? L’État mesure t-il les conséquences d’une telle situation ? Autant de questions et bien d’autres qui mériteraient qu’on s’y planche sérieusement avant que le volcan qui couve dans les prisons camerounaises n’entre en éruption.
Par Gildas Mouthé, Facebook
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Laurent Esso, Ministre de la Justice: «Il n y a pas de violation des droits de prisonniers» au Cameroun
Le ministre de la justice affirme que le Cameroun est respectueux des droits des prisonniers en dépit de la surpopulation carcérale, qui n’est pas, à son avis, une spécificité du Cameroun.
Sa parole est aussi rare que ses apparitions publiques. Pourtant Laurent Esso a accepté se confier à l’hebdomadaire L’Anecdote du lundi 21 septembre 2015. Une sortie du ministre de la justice qui intervient alors que des ONG (la Commission des Droits de l’homme, Amnesty international) ont publié récemment des rapports dans lesquels elles déplorent les conditions de vie dans les prisons camerounaises.
Cette interview du Garde des Sceaux au sortir de la réunion des chefs des Cours d’appel du pays, sonne ainsi comme une réponse de celui qui a désormais en charge l’administration pénitentiaire. «Pour les personnes détenues à titre provisoire, l’Administration pénitentiaire, chaque fois qu’elles requièrent, prend des dispositions pour les présenter devant le juge d’instruction ou devant la juridiction qui connaît l’affaire », indique l’ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République.
Laurent Esso va même plus loin : « Il n’y a pas violation des droits de détenus qui reçoivent régulièrement les visites de leurs avocats, des membres de leurs familles, ainsi que des personnels de santé dont dispose l’Administration pénitentiaire », soutient-il, en faisant remarquer que des instructions ont été données pour amener devant le médecin, tout prisonnier malade.
Sans nier le problème de surpopulation carcérale, l’ancien ministre de la Santé laisse entendre que « la surpopulation carcérale n’est pas en soi une violation des droits. Il y a surpopulation carcérale parce que la capacité d’accueil des prisons est insuffisante ». Il ajoute « les conditions de détention, notamment dans les prisons des grandes villes sont difficiles. Mais ce n’est pas une spécificité du Cameroun », se défend M. Esso qui aurait souhaité que les ONG sus mentionnées s’attardèrent aussi sur les avancées du Cameroun en matière d’univers carcéral.
Dans son entretien, le ministre énonce des propositions issues de la réunion des chefs des Cours d’appel afin de désengorger progressivement les prisons. On peut entre autres citer: la relecture de certaines dispositions du Code de procédure pénale génératrices des lenteurs judiciaires, la réappropriation par les magistrats des dispositions dudit code favorables à la liberté des mis en cause en cours de procès, et éventuellement au bout du compte, le prononcé des peines privatives de liberté avec sursis etc.
Par Jean-Marie NKOUSSA | Cameroon-Info.Net