Et nul besoin d’exercer la moindre menace pour faire comprendre aux Camerounais qu’une élection est un piège à cons et (opposants) corrompus au Cameroun, comme dans nombre de dictatures d’Afrique centrale francophone.
La décence voudrait qu’ils ne s’y rendent simplement pas.
En effet, jusqu’à preuve contraire aucune loi n’oblige ces citoyens à participer à de véritables mascarades électorales qui consacrent d’avance la victoire des pouvoirs illégitimes en place, réservant déjà comme c’est le cas aujourd’hui au Cameroun plus d’une centaine de sièges de députés aux candidats du régime en place, notamment dans la région d’origine du dictateur Paul Biya à la suite de l’invalidation systématique des candidatures adverses.
Au-delà de l’appel au boycott lancé par la principale formation de l’opposition, la dignité humaine commande de ne pas s’y rendre et de vaquer à d’autres occupations.
Hélas
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Au Cameroun, un double scrutin qui ne déchaîne pas les foules
Les Camerounais sont appelés à voter, dimanche 9 février, pour des élections législatives et municipales en partie boycottées par l’opposition et qui ne suscitent guère d’enthousiasme dans un pays où près d’un million de personnes ont été déplacées par deux conflits meurtriers.
A Yaoundé, la campagne électorale pour ces scrutins reportés à deux reprises depuis 2017 est très discrète : quelques banderoles incitent les passants à aller voter, à peine plus nombreuses que celles exhortant les habitants à ramasser leurs déchets. Au Cameroun, où 75 % de la population a moins de 35 ans et n’a connu qu’un seul président – Paul Biya, au pouvoir depuis trente-sept ans et qui fêtera ses 87 ans le 13 février –, le double scrutin ne déchaîne pas les foules.
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Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), parti d’opposition dirigé par Maurice Kamto, n’ayant présenté aucun candidat, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) est quasiment garanti de rafler une nouvelle fois la mise – il possède déjà une majorité parlementaire écrasante (148 sièges sur 180). En marge d’une petite manifestation électorale de la majorité à Yaoundé, Augustin Tsafack, un responsable local du RDPC, jubile tout en faisant mine de regretter de ne pas avoir d’adversaire digne de ce nom. « Elle est où l’opposition ? », interroge-t-il, sourire aux lèvres sous sa casquette à l’effigie de Paul Biya.
« Je reste chez moi »
Maurice Kamto, adversaire malheureux de M. Biya à la présidentielle de 2018, est à l’étranger. Après avoir passé près de neuf mois en prison pour avoir participé à des marches contestant sa défaite, il a appelé les Camerounais à boycotter le vote de dimanche. « J’aurais voté MRC, mais dimanche, je reste chez moi », tranche Xavier, un jeune Yaoundéen.
« Nous pouvions avoir quelques sièges de députés et quelques conseillers municipaux, mais en quoi influencerait-on le cours des événements au Cameroun ? », a dit M. Kamto à l’AFP lors d’un passage à Paris. Pour lui, la tenue de ces élections est une erreur alors que dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les affrontements entre indépendantistes et armée ont fait plus de 3 000 morts en deux ans et déplacé plus de 700 000 personnes, selon plusieurs ONG.
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Aujourd’hui, faire campagne dans ces régions n’est d’ailleurs pas sans risque : des candidats de l’opposition et de la majorité présidentielle affirment avoir été attaqués par des rebelles indépendantistes depuis qu’ils ont annoncé prendre part au vote. « Comment l’Etat peut-il garantir que les élections seront sécurisées dans les régions anglophones alors que certaines villes ne sont même plus accessibles par la route ? », s’est inquiété mercredi un observateur indépendant venu d’une de ces régions, lors d’une réunion avec la commission électorale à Yaoundé.
Des inquiétudes planent également sur la sécurité des bureaux dans la région de l’Extrême-Nord, où les attaques du groupe djihadiste Boko Haram se sont intensifiées ces trois derniers mois. « Des mesures ont été prises », s’est contenté de répondre Erik Dessousse, directeur général d’Elecam, la commission électorale. La participation des déplacés à ce scrutin interroge également, car près d’un million de personnes, victimes des deux conflits, ont fui leur domicile, selon des estimations de l’ONU. Plusieurs déplacés anglophones à Yaoundé, qui ont souhaité garder l’anonymat, ont affirmé à l’AFP avoir voulu s’inscrire sur les listes électorales, sans succès.
Le SDF sous pression
Autre enjeu, celui du visage de l’opposition : « Etant donné que le MRC n’est pas là, qui sera le premier parti d’opposition ? », se demande Stéphane Akoa, chercheur à la Fondation Paul-Ango-Ela. Les candidats d’une myriade de partis d’opposition, 49 en comptant les deux scrutins, enchaînent les débats et les grands oraux sur les chaînes d’information.
Les regards se tournent vers le premier parti d’opposition camerounais à l’Assemblée, le Social Democratic Front (SDF), qui compte actuellement 18 députés. Après avoir hésité, il a finalement décidé de participer au scrutin. Mais le SDF, habituellement implanté dans les communautés anglophones, est sous la pression de mouvements indépendantistes plus extrêmes. Il doit également faire face à la concurrence du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), du jeune opposant Cabral Libii, arrivé troisième à la présidentielle et candidat aux législatives dans l’Ouest, région dont il est originaire et où il part favori.
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En l’absence de risque pour la majorité au Parlement, la presse se focalise sur les mairies. Certaines grandes villes, dont Douala, la capitale économique, pourraient ainsi passer à l’opposition. « Les enjeux sont locaux », souligne M. Akoa. Les mairies vont gagner en indépendance avec la loi sur la décentralisation adoptée fin décembre. Cette disposition avait aussi abouti à la création d’un statut spécial pour les deux régions anglophones, qui pourront désormais élaborer leurs politiques publiques dans les domaines de l’éducation et de la justice. Ces mesures n’ont cependant pas ramené la paix dans le pays, où les combats et les violences contre les civils se sont intensifiés en décembre.
Le Monde avec AFP