Tout commence par une nomination par décret du chef de l’État (le fameux décret que certains membres du sérail attendent parfois des décennnies!). Une fois nommé, le haut commis de l’État se met au travail. Un membre du cercle tribalo-amicalo-familial autour de Paul Biya (ce que l’écrivain Enoh Meyomesse appelle le G-Bulu), lequel cercle ne jure que par la conservation du pouvoir entre ses mains après Biya, remarque que le haut commis de l’État a du caractère, est intelligent, travailleur, patriote, peu enclin aux combines, indépendant d’esprit, que ce haut commis de l’État fait avancer les dossiers, engrange des financements à l’extérieur, permet au Cameroun de gagner de bons points sur le plan économique.
Le cercle constate également que le haut commis de l’État est très adulé dans sa contrée d’origine. Il y entreprend des actions caritatives. Pendant les vacances, il y organise un championnat qui permet à la jeunesse de s’épanouir. À son domicile à Yaoundé, il reçoit des personnes venues quérir qui une aide financière qui un emploi dans l’administration. C’est la panique dans le cercle. Un membre tient le reste de la fratrie informé. Le haut commis de l’État pourrait contrecarrer leur plan de conservation du pouvoir. Il pourrait être le candidat idéal à une élection présidentielle contre Paul Biya.
Du fait de ses actions, il suscite une certaine assise populaire autour de lui. Le cercle en touche un mot au chef de l’État.
La machine à broyer se met en branle.Premier levier actionné par le cercle: les services de renseignements. Ces derniers sont mis à contribution pour transmettre des informations au chef de l’État sur une supposée velléité de certains de ses proches collaborateurs de lui ravir le pouvoir.
Deuxième levier actionné: le Contrôle supérieur de l’État. Le cercle dépoussière un rapport généralement bâclé et cousu de fil blanc de cet organisme en charge de contrôler la gestion des ordonnateurs des crédits publics et le brandit comme étant la preuve des détournements de deniers publics.
Troisième levier actionné par le cercle: la presse (il s’agit en réalité d’un trio prompt à jouer le jeu). C’est d’ailleurs elle qui fait le gros du job. Cette dernière, contre des espèces sonnantes et trébuchantes, est alimentée par ces informations que lui transmettent les renseignements généraux. C’est également dans ses colonnes qu’échouent les fameux rapports du Consupe. C’est ainsi qu’il est très souvent fréquent de lire à la Une d’un de ces journaux : « Voici la liste des milliardaires-voleurs », «Pleins feux sur les biens mal acquis de Y», «14 milliards détournés par Z en 5 ans».
Au fond, rien de vrai ne transpire de ces informations. L’objectif ici est de manipuler l’opinion et de préparer psychologiquement cette dernière à légitimer l’assassinat politico-judiciaire du haut commis de l’Etat. Sur la foi de ces «informations», l’infortunée est limogée. La Troïka médiatique à solde du cercle se met à nouveau en action : « l’ex-ministre X interdit de sortie du pays », « l’ex-Dg Y bientôt à Kondengui ».
Quatrième levier actionné par le cercle: la police. Pas n’importe laquelle : le groupement spécial d’opération. Unité spéciale en charge de traquer de redoutables bandits, elle est utilisée par le cercle pour cueillir le désormais ex-haut commis de l’Etat à son domicile un matin, devant sa famille, et le conduire à la police judiciaire ou devant le juge d’instruction. Alors entre en jeu le cinquième levier actionné par le cercle : la justice.
Froissé, hué, humilié, diminué et déshumanisé par d’effroyables conditions de détention en prison, notre ex-haut commis de l’État se retrouve donc devant une justice couarde, froussarde et trouillarde du fait des ordres à la con que lui donne le cercle. Le contenu ô combien ridicule du dossier d’accusation encore moins l’argumentation solide de ses avocats ne change rien à son image de «voleur» déjà répandue au sein de l’opinion. Sa cause a déjà été entendue dans une résidence cossue d’un membre du cercle. Le simulacre de procès ne donne qu’un habillage judiciaire – dont légal – à une exécution politique en règle.Au finish, le verdict est lourd: 15, 20, 25, 30 ans, voire la prison à vie.
Et comme si cela ne suffisait pas, le cercle sort une autre affaire tout aussi farfelue que la première, puis en sort une autre et une autre encore, toutes décousues. Voilà l’ex-haut commis de l’Etat plongé dans une tragi-comédie politico-judiciaire sans fin.
Seulement, il n’échappe à aucun camerounais honnête que ces procès à tête chercheuse commandités par le cercle vise en réalité à créer un écran de fumée sur les malversations financières et autres rapines perpétrées par ses propres membres. Ils visent en réalité à reposer le retard économique du pays sur les épaules de ses victimes alors qu’il en est le responsable N°1.Que c’est triste à pleurer de savoir que ce cirque n’est pas prêt de la fin…
Par Michel Biem Tong, Journaliste, Hurinews.com