Où sont les leaders de l’opposition historique à Yaoundé?
Le Chairman Ni John Fru Ndi s’en est allé lui aussi, comme nous sommes tous appelés à le faire le moment venu.
Il a certainement été un des principaux artisans du retour du multipartisme au Cameroun, qui s’est malheureusement mué dans une compromission éhontée avec la dictature de Paul Biya.
Alors que lègue-t-il réellement à la postérité, au moment où son parti le Social Democratic Front (SDF) n’est plus que l’ombre d’un véritable parti d’opposition progressiste?
Seul l’avenir nous dira.
Paix à son âme. Avec la disparition du Chairman, la question demeure intégrale: pourquoi le Cameroun a-t-il toujours manqué d’un leader historique de l’opposition?
Cela a aussi à voir avec la capacité innée du Nnôm Ngui (Chef des chefs Paul Biya) à aplatir n’importe quel problème dans un système binaire déséquilibré: «Nous contre Eux», avec lui-même comme uniquement point d’appui ou focal, sachant très bien que son centre de gravité politique est suffisant pour submerger les modestes protestations de ceux qui osent prétendre que leur conception de la démocratie est nettement différente de la sienne.
Ici, nous connaissons parfaitement les étapes successives de la compromission des «opposants » au régime dans une danse Bafia très prisée dans le sérail politique à Yaoundé, nous faisant régulièrement grincer les dents:
– Ils font d’abord une dénonciation publique qui donne l’impression d’avoir une sorte d’objection morale de principe à rejoindre le régime de Yaoundé.
– Puis, lorsqu’il devient inévitablement clair que le régime monolithique ne va nulle part, ils reviennent tranquillement dans ses bonnes grâces temporaires en disant quelque chose comme « eh bien, le peuple a parlé », ou « je respecte la volonté des électeurs », ou « maintenant, je me concentre sur le véritable ennemi de notre pays, c’est-à-dire la vraie opposition stigmatisée comme des voleurs ou des terroristes de la république, ennemis de la patrie, antipatriotes, etc….
l y aussi le fait que la corruption totale de tout « chef historique de l’opposition » à Yaoundé ne serait pas possible sans la privatisation complète du pouvoir par le régime en place depuis 41 ans; et le réflexe pavlovien immédiat de ses « créatures » zombifiées pour lesquelles traîner l’opposition dans la boue et la livrer en pâture aux chiens en colère participe d’une allégeance servile au Nnôm Ngui. Nous sommes en effet dans une scène politique où des mendiants et affamés à la rancune tenace et lancinante assurent la pérennité de la dictature.
Ce d’autant plus avec son infrastructure médiatique qui, pendant la majeure partie des quatre dernières décennies, a positionné le Nnôm Ngui comme une figure de proue religieuse dans la lutte contre le mal surnaturel. Personne ne veut dès lors risquer de devenir un paria à la goulache des réseaux de télévision, des créateurs de contenus, des diffuseurs et des influenceurs numériques qui dominent d’immenses pans de la Biyacratie – et mènent toute opposition à une condamnation à mort politique.
À ce moment-là, le seul choix qui reste est de s’en tenir à vos armes ou d’être bannis à vie dans les cachots du régime, en faisant secrètement un pari sur la patience et la prophétie politique du sacrifice qui veut que l’arc de l’univers moral est certes long mais se penche inévitablement vers la justice.
Joël Didier Engo / Olivier Tchouaffe CL2P/ICL2P
L’Institut du Comité de Libération des Prisonniers Politiques – ICL2P / CL2P
English version
Where are the leaders of the historic opposition in Yaounde?
Chairman Ni John Fru Ndi has also left, as we are all called upon to do when our time has come.
He was certainly one of the main architects of the advent of multipartyism in Cameroon, which unfortunately turned into a shameless compromise with the dictatorship of Paul Biya.
So, what is he really bequeathing to posterity, at a time when his party, the Social Democratic Front (SDF) is no more than the shadow of a true progressive opposition party?
Only time will tell.
Rest in peace dear Chairman! As with the disappearance of the Chairman, the question remains why Cameroon has always lacked a historical leader of the opposition?
This has to do also with the Nnom Ngui’s innate ability to flatten any issue into a lopsided binary, Us versus Them, with himself as the fulcrum, knowing full well that his political center of gravity is enough to overwhelm the modest protestations of those who dare pretend their notion of democracy is markedly different from his own.
Here we know about the basic steps “opponents” to the regime of Yaoundé’s Bafia dance that ranks higher on the cringe scale:
– First you make a public denunciation that gives the impression of having some sort of principled, moral objection to the regime of Yaoundé.
– Then, when it becomes unavoidably clear that the regime is going nowhere, you quietly slink back into its temporary good grace by saying something like “well, the people have spoken,” or “I respect the will of the voters,” or “right now I’m focusing on our country’s real enemy: the real opposition branded as thieves.”
The total corruption of any « historic leader of the opposition » in Yaoundé would not be possible without the complete privatization of power by the regime and the immediate Pavlovian reflex of its zombified « creatures » where to drag the opposition in the mud and deliver them to pasture to angry and hungry dogs, a world where stabbing and tenacious rancor are the Names of the regime.
Even more so with its media infrastructure which for most of the last four decades has positioned the Nnom Ngui as a religious figurehead in the fight against supernatural evil. So, no one wants to risk becoming a pariah to the goulash of TV networks, content creators, broadcasters and digital influencers who dominate huge swathes of Biyacracy – and lead any opposition to a death sentence.
At that point the only choice is to stick to your guns and get banished to the dungeons of the regime or bet on patience and political prophecy and sacrifice that the arc of the moral universe is long but bends unwaveringly toward justice.
Joël Didier Engo / Olivier Tchouaffe CL2P/ICL2P
The Committee For The Release of Political Prisoners Institute – ICL2P / CL2P