Cameroun: Politique Crépusculaire and Illusion Rétrospective
Le “crépuscule” de la dictature trentenaire de Paul Biya recèle d’abord et surtout le risque – déjà visible dans les deux régions anglophones – d’une criminalisation exacerbée du débat politique, notamment à travers les différents canaux médiatiques à la solde du régime de Yaoundé – dont la chaîne de télévision des mille collines VISION 4 – où les appels explicites au “nettoyage” sont clairement lancés et la répression sauvage encouragée, au nom d’une lutte opportune contre le terrorisme devenue l’arme redoutable d’un pouvoir arrogant contre certains de ses opposants et les contestataires anglophones.
Ce qui est plus important ici, c’est cette propagande et cette illusion rétrospective d’un retour au jour où le Cameroun était un «paradis» sur terre. Le penseur camerounais Achille Mbembe, qualifie le régime Biya de «dictature à huis clos». Cela indique notamment qu’après le coup d’État manqué du 06 avril 1984 ce régime a mis fin à toute «réforme» qu’il entendait réaliser au moment de son avènement. Ses gardiens du temple Biyaïste sont progressivement parvenus à le transformer en ce que Achille Mbembe appelle un «régime à huis clos». En pratique cela signifie que tous les projets émancipateurs annoncés par le régime Biya ont été systématiquement mis de côté et celui-ci est passé à un «mode de survie» généralisée. Un mode de survie qui s’est concrétisé par le refus ou le renoncement à toute forme d’originalité, d’innovation politique, et d’authenticité au-delà des mécanismes sophistiqués mis en place pour assurer sa survie, dont la généralisation d’un système de corruption dans lequel la loyauté est achetée et la supposée déloyauté sévèrement punie, soit par la mort immédiate, soit par la condamnation à perpétuité, ce qui en réalité revient au même dans l’environnement totalitaire camerounais. À ce sujet le président du CL2P Joël Didier Engo assimile la vie dans les geôles du Cameroun de Paul Biya à des “Mouroirs concentrationnaires.”
Ainsi donc, après Ahmadou Ahidjo (premier Président du Cameroun) qui a cédé de façon éblouissante le pouvoir à Paul Biya le 06 novembre 1982, le constat général est qu’au Cameroun, plus les choses changent (ou donnent l’impression de changer), plus elles demeurent ou restent les mêmes. Cela explique pourquoi le régime de Paul Biya est totalement dépourvu de réalisations sociales concrètes. Car après le 6 avril 1984 et le putsch manqué, ce régime a simplement embrassé le côté obscur de la politique. Comme avec son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, toutes les formes d’opposition et de mouvements de droits civiques ont été considérés comme l’incarnation du mal. Cela explique aussi pourquoi le régime Biya n’a aucune capacité d’empathie envers les Camerounais ordinaires en dehors du cercle ou du sérail politique définit et toléré par lui-même. Son Paul Biya peut de la sorte se permettre de séjourner indéfiniment en Suisse pendant qu’une partie du pays est soit sous l’emprise des attaques terroristes de Boko Haram, soit sous la terreur meurtrière de son armée. Cela explique également la répression sévère des mouvements de désobéissance civile anglophones et l’emprisonnement à perpétuité réservés aux Camerounais considérés uniquement comme un grave danger pour la survie du régime.
Le CL2P ne croit ni au fatalisme ni au déterminisme politique, pas plus qu’il ne s’y résignera au Cameroun.
Nous prenons pleinement en compte la réalité du changement social et politique voulu par l’existence de la contestation anglophone et la présence des prisonniers politiques (assimilés pour faire diversion à des prisonniers de droit commun) dans les geôles du régime. Ce régime incarne plus que jamais le passé; et peu importe finalement ce que peuvent dire ou raconter ses «créatures» à longueur d’antennes. Le fait même que la dictature de Paul Biya veuille persister dans le mensonge institutionnalisée ne tient pas compte des facteurs qui eux ont changé au Cameroun, notamment l’ouverture de la jeunesse à la mondialisation, l’émergence timide mais réelle de nouveaux acteurs politiques et sociaux indépendants, notamment au sein de la société civile. Les idiots utiles du régimes et les cyniques opportunistes qui croient que le Cameroun est une société statique et serait fondamentalement encore la même de ce qu’il était en 1960 ne comprennent pas le sens de l’Histoire. Le CL2P continuera à défendre sans relâche la démocratie et la réconciliation nationale au Cameroun. Car à l’instar et dans la lancée du révérend Martin Luther King, nous comprenons que l’arc de l’univers moral du monde est long mais il penche irréversiblement vers la justice.
Pour autant, il appartient et appartiendra aussi à la France de prendre ses responsabilités face aux exactions répétées sur les populations civiles anglophones par une dictature qu’elle a soutenue de manière indéfectible depuis 35 ans.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
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English Version
Cameroon: Crepuscular Politics and Retrospective Illusion
The “twilight” of the thirtieth dictatorship of Paul Biya conceals the risk – already visible in the two English-speaking regions – of an exacerbated criminalization of the political debate, particularly through the various media channels in the pay of this regime – television station of the thousand hills [Milles-Collines] such as VISION 4 – where explicit calls for “ethnic cleaning” are clearly propagandized and bloody repression encouraged, in the name of a timely fight against “terrorism”; a timely and formidable weapon of an arrogant power against some of its opponents and English-speaking protesters.
What’s more important here is this propaganda and retrospective illusion of going back to the day that Cameroon used to be a “paradise” on earth. Cameroonian foremost thinker, Achille Mbembe, calls the Biya’s regime, a regime at huis clos meaning that, after the failed coup of April 1984, the Biya’s regime shelved any “reform” it intended to perform. The guards at the gates of the Biya’s regime turned into what Achille Mbembe calls a “regime a huis clos.” In practice, any emancipatory projects the Biya’s regime ever had was shelved and the regime shifted into a “survival mode.” Being in a survival mode meant that the Biya’s regime could not develop any form of political originality and authenticity beyond developing survival mechanisms. Precisely, setting up a generalized corrupted system where loyalty was bought and perceived disloyalty was punished by either death or life in prison which is basically the same sentence as Joel Didier Engo defines Biya’s prison as “Mouroirs concentrationaires” which is prison death camp.
Thus, after Ahidjo who stunningly handed out power to Biya, the realization is that in Cameroon, the more things change the more they stay the same. That explains why the Biya’s regime is totally devoid of social accomplishments. After the 6th of April, the Biya’s regime simply embraced the dark side of politics. As with his predecessor, Ahmadou Ahidjo, all forms of opposition and civil rights movements where simply evil. That explains why the Biya’s regime does not have the ability to empathize with people unlike themselves and that explains the severe repression of the Anglophone’s civil right movements and the prison full of political prisoners who are in fact ordinary people the Cameroonian government considers to be a grave danger to its survival dictatorial strategy.
The CL2P, however, does not believe in fatalism or determinism.
The CL2P fully account for the actuality of social and political change through the Anglophone actors and the political prisoners in Biya’s prison. The Biya’s regime is the past no matter what he and his “creatures” say. The fact that the Biya’s dictatorship seems to persist doesn’t account for factors that have changed in Cameroon, particularly, the rise of independent political and social actors. The idiots and the cynics that believe that Cameroon is a static society, and fundamentally no different than it was in 1960, does not understand history. The CL2P will continue to advocate tirelessly for democracy and national reconciliation. The CL2P understands, as with the Reverend Dr. Martin Luther King, that the moral arc of the universe is long but it bent towards justice. In this respect, France must assume its responsibilities in the face of the repeated exactions on the civilian populations of a dictatorship which it has supported in an unshakable way for 35 years.
The Commitee For The Release of Political Prisoners (CR2P)