Aucune suite n’a été donnée dans l’affaire qui oppose Maurice Kamto, ses alliés politiques et des militants de son parti, à l’État du Cameroun. Près d’un mois après la dernière comparution du leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) devant le tribunal militaire de Yaoundé, l’information judiciaire ouverte auprès de cette juridiction marque le pas. L’une des raisons : Maurice Kamto et ses avocats ont notamment récusé la compétence du tribunal militaire, étant des civils.
Le juge d’instruction du tribunal militaire a pourtant maintenu que sa juridiction était bel et bien apte à les juger. Mais Maurice Kamto, ses coaccusés et ses avocats exigent que celui-ci statue de sa compétence par écrit, faute de quoi ils n’accepteront pas d’y être jugés. « Si le tribunal militaire se déclare compétent, qu’il le fasse par écrit. S’il le fait, nous utiliserons ce document pour engager des procédures sur le plan international ; car il faut le rappeler, le Cameroun a ratifié des lois sur le plan international qui interdisent qu’un tribunal militaire juge des civils », explique à Jeune Afrique l’un des avocats de la défense.
Le 5 mars dernier, ledit juge a été remplacé par un décret du président de la République. Plus d’une semaine après sa nomination, Misse Njone Baudouin, le juge entrant, affirmait n’avoir toujours pas pris connaissance du dossier des militants du MRC.
Une rencontre avec Biya ?
Un statu quo notoire, qui a amené Maurice Kamto à s’engager dans une conciliation politique. Par l’entremise de l’un de ses avocats, Me Éric Dupont-Moretti, le second à la dernière présidentielle camerounaise – qu’il qualifie de « hold-up électoral » – a demandé à rencontrer le président Paul Biya pour un « échange en face-à-face », soulignait Dupont-Moretti en reprenant des propos du leader du MRC. « Selon Maurice Kamto, celui qui revendique la victoire d’une élection doit être capable de rencontrer celui qui la conteste (…). Ce qui est clair, c’est qu’il y a une situation dans laquelle il a été jeté en prison sans raison, de manière arbitraire et que l’une des étapes du dégel de cette situation est qu’ils puissent se parler », a commenté l’avocat français Me Antoine Vey, joint par Jeune Afrique.
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« Nous sommes dans une affaire politique. Nous avons suffisamment démontré aux juges que les règles les plus basiques du droit ne permettaient plus à nos clients de rester en prison, mais ils n’ont pas été libérés », ajoute Me Emmanuel Simh, l’un des avocats camerounais de la défense. Il révèle aussi que des recours devraient être engagés auprès de la Commission des droits de l’homme à Genève et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à Addis-Abeba.
Des insinuations politiques qui ont visiblement irrité le gouvernement camerounais, qui a tenu à réagir par la voix de son porte-parole. « Nous demandons à M. Moretti, qui n’est pas venu au Cameroun comme médiateur, de s’en tenir strictement à la mission qui est la sienne, c’est-à-dire défendre son client (…). Le président Biya n’est pas à mettre sur le même pied d’égalité que monsieur Kamto, qui est un citoyen comme tout le monde », a rétorqué le ministre de la Communication René Emmanuel Sadi dans une interview accordée le 19 mars à RFI, excluant l’éventualité d’une rencontre avec Maurice Kamto.
« Il n’a jamais été question pour nous d’avoir un rôle de médiateur dans cette affaire », rétorque Antoine Vey, l’associé de Me Dupont-Moretti. « Il s’agissait plutôt de laisser la possibilité d’avoir recours à un peu de sagesse dans une situation plutôt ubuesque. Et si on estime qu’on n’a pas ce droit, alors on va tout simplement redevenir avocat », conclue-t-il.
Après 52 jours de détention, l’avenir du leader et des militants du MRC reste incertain. Alors que de nouvelles élections législatives, municipales et régionales se peaufinent à l’horizon, l’opposition demeure parcellée et l’espace politique, lui, de plus en plus tendu.