Le silence est la pire des sentences pour un prisonnier d’opinion; parce qu’il participe à la banalisation du crime politique.
Le 33éme anniversaire de l’accession à la présidence de la république du Cameroun par Paul BIYA , 06 novembre 1982 – 06 novembre 2015- est aussi l’occasion de mettre des noms et des visages derrières une répression politique aveugle, menée aussi depuis le 04 décembre 2014 au nom de la lutte contre le terrorisme.
En effet la loi liberticide du 04 décembre 2014 a élargi la définition onusienne du terrorisme, à savoir: « toute action […] qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d’un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d’intimider une population, ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s’en abstenir ». Au Cameroun le législateur y a ajouté “l’intention de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations, de créer une insurrection générale dans le pays».
Messieurs Aboubakar SIDIKI et Abdoulaye HARISSOU, deux symboles d’une lutte contre
le terrorisme étendue aux restrictions des libertés
M. Aboubakar SIDIKI président du Mouvement patriotique du salut camerounais (un parti d’opposition), et Me Abdoulaye HARISSOU premier notaire à exercer à Maroua dans la région de l’Extrême-Nord depuis plus de 30 ans, sont officiellement accusés de “complicité d’assassinat, outrage au président, détention et port d’arme de guerre, hostilité contre la patrie et la révolution”. Ils sont séquestrés depuis plus d’un an à la prison principale de Yaoundé.
Pour y arriver, Me HARISSOU aura été suivi, mis sur écoute téléphonique, puis finalement arrêté à Maroua le 27 août 2014 et gardé au secret. À la suite d’un véritable traquenard policier, il aura été littéralement tiré du confort douillet de son cabinet vers les bureaux du gouverneur de l’Extrême-nord, mis en état d’arrestation et convoyé à Yaoundé où il sera jeté dans une cellule. Les cinq premiers jours, le notaire a eu du mal à s’adapter et refusait de se nourrir. Face à l’insistance de ses gardes qui lui disaient que faute de s’alimenter, il allait perdre la vie, il recommence à s’alimenter. Un mois plus tard il est conduit au Secrétariat d’État à la Défense (le SED de sinistre réputation), présenté au tribunal militaire et transféré, sans qu’il lui soit signifié les motifs de sa détention, à la prison principale de Yaoundé, en face de la prison centrale de Kondegui.
Comme lui, l’opposant SIDIKI Aboubakar va passer 5 jours à la Dgre menotté mains au dos, ballotté entre torture et aveux sous la contrainte. Il finira lui par cracher un morceau judiciairement indigeste qu’il ne reconnaît évidemment plus aujourd’hui, depuis que les circonstances et les conditions de détention à la prison principale de Yaoundé lui offre quelque répit.
Il aura d’abord fallu aux deux infortunés de sortir de l’enfer de la torture au quotidien. Les grotesques chefs d’accusation leur étant désormais signifiés, ils préparent leur défense dans la prorogation illimitée de leur détention provisoire de six mois (la dernière est intervenue en octobre 2015).
Le “renouveau autocratique” voudrait-il noyer le poison, qu’il ne s’y prendrait autrement.
Personne ne sait en effet si les chefs d’inculpation ont évolué et pour quels motifs y a t-il autant de prorogations? Combien de temps faudra-t-il au régime de Yaoundé pour sortir d’une impasse répressive dans laquelle il s’est fourvoyé tout seul?
Tout au plus devrait-on insister sur le fait que la grandeur d’un État, surtout quand qu’il aime à se présenter comme un “modèle démocratie en Afrique”, consiste précisément à ne pas s’enfermer dans un déni de Droit, pour couvrir une grossière « bavure » liberticide commise – sous le couvert de la légitime et indispensable lutte contre le terrorisme.
Nous en appelons à nouveau au Président Paul BIYA, afin qu’il mette un terme à la séquestration de Messieurs HARISSOU et SIDIKI.
Monsieur le Président, nous comptons sur votre “bon cœur”!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (CL2P)