Cameroun: Que Viva Ruben! Ruben UM NYOBÉ et l’Opposant comme syndrome du dérangement dans la Francafrique
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Au moment où nous célébrons le 60e anniversaire du meurtre du chef historique de l’opposition au Cameroun, le Mpodol Ruben Um Nyobe, assassiné par des escadrons de la mort de Francafrique, il devient de plus en plus évident que la Francafrique n’a jamais produit de chefs historiques comme Mahatma Gandhi, Kwame Nkrumah, Mwalimu Julius Nyerere, Madiba Nelson Mandela et même la version antérieure de Robert « Bob » Mugabe. Cela a trait aux différences cruciales entre la morphologie des institutions de l’État et la philosophie de la gouvernance entre des puissances coloniales importantes que furent la France et le Royaume-Uni.
En effet au Royaume-Uni qui est une monarchie constitutionnelle et un système parlementaire, le rôle de l’opposition est reconnu dans une logique de contribution au consensus national. Le chef du parti d’opposition est le chef du «shadow cabinet» et le «shadow cabinet» n’est pas simplement réduit au rôle de figuration. Le shadow cabinet est composé de députés aguerris et expérimentés qui se tiennent prêts à occuper des fonctions au gouvernement à tout moment, dès que les électeurs le décident. Ainsi dans le système britannique, les partis d’opposition sont une pièce importante des rouages du système de gouvernance, presque aussi important que le gouvernement lui-même, car elle est composée des membres éminents et compétents prêts à faire leur preuve à tout moment.
Dans la “Francafrique au contraire, la figure de l’opposant dans le système politique est une figure biopolitique, une nuisance que le president Macron vient de definir, avec toute sa truculence et son pouvoir sanctimonieux que lui donne la constitution de 1958, comme des “Fainéants, cyniques, extrêmes”, donc, une nuisance à éradiquer avant qu’elle ne cause trop de problèmes. Dans la Francafrique l’opposition est une catégorie biopolitique. Dans cette conception biopolitique, l’opposant a été ou devrait être un produit et une représentation du système politique. Il a ainsi historiquement été façonné par les institutions d’État et les prérogatives exorbitantes du Chef de l’État sous un régime décrit comme «présidentialiste à pouvoir renforcé», qui n’est autre qu’un pouvoir absolu.
Né à la fin des années 60, notre génération a grandi dans un contexte d’État d’urgence permament, présenté comme la conséquence politique de la douloureuse bataille des indépendances qui a ravagé le pays au début des années 60.
La figure emblématique de l’opposant véhiculé par le pouvoir colonial et néo-colonial n’était autre que celle du « maquisard ». qui est en fait la figure du “field Nigger” le nègre comme bête de somme contrairement au nègre de la maison, pacifique et docile. En effet, le maquisard était décrit comme un sauvage et un psychopathe sanguinaire qui règle ses problèmes politiques dans des bains de sang. L’idée du maquisard était une construction néfaste produite par les sorciers de la Françafrique naissante du Général De Gaulle et ses sbires comme Jacques Foccart, dans le but de pathologiser le débat politique au Cameroun et mettre en place une politique de la terre brûlée au napalm, permettant selon eux de “discipliner et de contrôler le corps des Camerounais”. C’est un processus que des intellectuels Camerounais comme Achille Mbembe ont appelé «niggerization» ou «tonton macoutization» des corps et de l’espace publique. Donc avoir le pouvoir ou être placé à la tête de celui-ci (comme l’ont été Ahmadou Ahidjo puis Paul Biya) c’est ne pas etre un “négre” de service, comme l’est devenu paradoxalement Paul Biya qui ressemble de plus en plus après 35 ans de pouvoir au Vieux nègre Meka du “Vieux Nègre et la Médaille” de feu Ferdinand Leopold Oyono.
L’opposant dans ce contexte totalitaire est devenu la figure à embastiller, torturer, annihiler, transformer en chose parmi d’autres choses, dans un régime où la pensée et le parti unique sont considérés comme la norme. Le produit de cette discipline corporelle a accouché la figure de l’opposant comme une personne incapable d’assurer sa propre sécurité et incapable de transformer le monde dans lequel il vit. Dans cette optique, l’opposant n’est plus la figure d’une possible transformation, l’agent d’une alternance positive, mais un préjugé, un stéréotype, un cliché à exploiter à des basses fins politiciennes, promu par une conception narcissique, libidinale et jouissive d’un pouvoir voulu éternel.
Contrairement à Hannah Arendt qui lie l’histoire des droits humains à la natalité et à l’idée que nous sommes tous libres parce que la liberté naît avec le commencement qui est notre naissance. Ce qui commence est précisément libre parce que non pollué par l’histoire et les constructions humaines, c’est-à-dire une approche Rousseauiste de la dignité humaine. Au Cameroun par contre, l’affiliation politique a toujours été un marqueur de citoyenneté et une prérogative institutionnelle du prince. Tout Camerounais peut donc être déchu de sa nationalité par le fait du prince, dont il a lui même reconnu dans une de ses rares interviews accordés à l’ancien présentateur du journal télévisé à la CRTV, Eric Chinje en 1984.
Cette déchéance de nationalité suit l’opposant jusque dans la mort.
La figure de l’opposant a atteint un degré tel que même dans sa mort il n’a pas le droit à une sépulture digne de ce nom. Le Cameroun est ainsi un pays qui n’enterre pas ses soi-disant opposants. Ils sont tous dans des tombes anonymes à l’étranger, dans les forêts ou dans des fosses anonymes. Ironie de l’ironie, même Ahmadou Ahidjo le prédécesseur de M. Biya est jeté dans une fosse quelque part à Dakar au Sénégal. À ce sujet il faut signaler que ce qui fait de nous des humains, c’est parce que nous enterrons nos morts. La caractéristique de l’humain c’est celui qui enterre ses morts. Que dire d’un régime qui n’a jamais enterré ses morts parce que «opposants»?
Cela explique pourquoi la Francafrique n’a jamais produit des leaders de la trempe de Mahatma Gandhi, Kwame Nkrumah, Mwalimu Julius Nyerere, Madiba Nelson Mandela et même la version antérieure de Robert « Bob » Mugabe. Nul doute que comme le Mpodol Ruben Um Nyobe, ils auraient purement et simplement été assassinés par les escadrons de la mort de la Francafrique. Ceci explique également pourquoi la Francafrique est la zone politique la plus arriérée du monde!
La question que nous devons en permanence nous poser est celle-ci: Sont-ils morts pour rien?
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
English version
Cameroon: Que Viva Ruben! Ruben UM NYOBE and the Opponent’s derangement Syndrome in the Francafrique
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
As we celebrate the 60th anniversary of the murder of the Cameroonian’s historical leader, The Mpodol Ruben Um Nyobe, at the hand of the Francafrique’s murder squads, it becomes more and more evident that the Francafrique has never produced historical leaders like the Mahatma Gandhi, Kwame Nkrumah, the Mwalimu Julius Nyerere, Madiba Nelson Mandela and even the earlier version of Robert “Bob” Mugabe. This has to do with crucial differences between the morphology of state institutions and the philosophy of governance between prominent colonial power such as France and the United Kingdom.
In the United Kingdom which is a constitutional monarchy and a parliamentary system, the role of the opposition is recognized within a logic of contribution. The Head of the opposition party is the head of the shadow cabinet and the shadow cabinet is not simply reduced to the role of the opposition. The shadow cabinet is made up of prominent members of parliament who are expected to hold government position at any time if the voters chose so. In the British system, therefore, the opposition parties are important piece in the system of governance, almost as important as the government itself because it has prominent members ready to rule.
In the Francafrique system, the opposition is an unwelcome nuisance that needs to be eradicated before it starts causing too much problems. As the president Macron expressed recently, in all its truculence and sanctimonious power, qualifying his opponents as bunch of “cynics” and “ne’er do wells”. In the Francafrique, opponent is a biopolitical category. In this biopolitical practice, the opponent is produced and represented in this political system and historically been determined by the institutions of the State and the disproportionate prerogatives of the Head of State in a regime described as « Presidentialiste à pouvoir renforcé” which basically means absolute power.
Born in the late 1960s, our generation grew up in a state of emergency as a political consequence of the painful battle for independence that ravaged the country in the early 1960s.
The emblematic figure of the opponent was manufactured by the power as the « maquisard ». The Maquisard was described as a savage and a bloodthirsty psychopath who settled his political problems in bloodshed. The idea of the Maquisard was a harmful construction produced by the sorcerers of the nascent Françafrique of General De Gaulle and his henchmen like Jacques Foccart in order to pathologize the political debate in Cameroon and to put in place a policy of scorched earth with napalm in the goal of disciplining and controlling the body of Cameroonians. It is a process that Cameroonian intellectuals like Achille Mbembe have called « niggerization » or « tonton macoutization » of bodies and public space. In practice, having power means not being a “Nigger.”
The opponent in this context has become the figure to be tortured, annihilated, and transformed into something among other things in a regime where thought and single party have become the norm. The product of this body discipline has given birth to the figure of the opponent as a person incapable of ensuring his own safety and incapable of transforming the world in which he lives. In this perspective, the opponent is no longer the figure of a possible transformation, the agent of a positive alternation but a prejudice, a stereotype, a cliché to exploit at low politician ends, promoted by a narcissistic, libidinal and enjoying a power.
Unlike Hannah Arendt who links the history of human rights to her concept of “natality” and the idea that we have inalienable rights just for being born which she called “The right to have rights.” We are born free as Jean-Jacques Rousseau wrote but society corrupts us. In Cameroon, consequently, political affiliation has always been a marker of citizenship and an institutional prerogative of the prince. Any Cameroonian can therefore be deprived of his nationality by the fact of the prince, which he himself recognized in one of his rare interviews granted to the former presenter of the newscast to the CRTV, Eric Chinje in 1984.
This deprivation of nationality follows the opponent even to death.
The figure of the opponent has reached such a degree that even in his death he has no right to a burial worthy of the name. Cameroon is a country that does not bury its so-called opponents. They are all in anonymous tombs abroad, in forests or in anonymous pits. Ironically, even Mr. Biya’s predecessor is thrown into a pit somewhere in Senegal. On this subject it must be pointed out that what makes us human is because we bury our dead. The characteristic of the human is that which buries his dead. What about a regime that has never buried its dead so-called « opponents? »
This explains why the Francafrique has never produced leaders such as Mahatma Gandhi, Kwame Nkrumah, Mwalimu Julius Nyerere, Madiba Nelson Mandela and even the earlier version of Robert “Bob” Mugabe. As with the Mpodol, they would have been murdered by the Francafrique death squads. The question we must ask ourselves is this: did they die for nothing?
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P