Cameroun: Qui Ruine La République?
Par Olivier Tchouaffe, PhD, contributeur au CL2P et Joël Didier Engo, président du CL2P
Après les événements récents dans les deux régions anglophones du Cameroun, le porte-parole du gouvernement et griot en chef du régime de Yaoundé, M. Issa Tchiroma Bakary, est venu réciter sa propagande habituelle en affirmant que «tout est prémédité à partir de l’étranger». Ainsi donc, pour la dictature de Paul Biya la moindre difficulté, revendication, manifestation, et contestation populaire est évidemment “préméditée de l’extérieur”, y compris quand des vieilles dames n’ayant aucun accès à internet et aux chancelleries étrangères se lèvent pour dire STOP à la marginalisation sociale, économique, administrative, linguistique, et culturelle de leurs régions anglophones.
Ce n’est pas nouveau, la dictature de Paul Biya a une incapacité atavique à assumer sa part de responsabilité dans les problèmes qu’il a pourtant contribué à créer: Ceci a toujours été le Modus Operandi de ce gouvernement:
1) L’Opposition vue uniquement comme une “nuisance”
Le CL2P a sans cesse rendu le gouvernement responsable de sa difficulté à intégrer la politique de l’opposition dans une logique de contribution au consensus national. En effet au Cameroun «opposant » est une catégorie biopolitique. Dans cette approche biopolitique, l’opposant se doit d’être le produit puis la représentation d’un système politique arrêté historiquement et pérennisé par des institutions étatiques qui accordent ou reconnaissent des prérogatives disproportionnées au Chef de l’État, dans un régime voulu «Présidentialiste à pouvoir renforcé», qui n’est autre qu’un pouvoir absolu confié à un seul homme.
Dans un tel contexte l’opposant politique devient presque naturellement la figure à torturer, à anéantir, et à transformer en une chose parmi tant d’autres choses au sein d’un régime où la pensée et le parti unique sont la norme. Le produit de cette discipline quasi corporelle a donné naissance à la figure de l’opposant considéré comme une personne incapable d’assurer sa propre sécurité (y compris domestique), et donc de transformer le monde dans lequel il vit et prétendrait éventuellement diriger. Dans cette perspective, l’opposant ne pourrait jamais être la figure d’une transformation possible, l’agent d’une alternance positive, mais un préjugé, un stéréotype, un cliché permanent à exploiter à des fins bassement politiciennes, afin de mettre en valeur un pouvoir en place essentiellement narcissique, libidinal et jouissif.
2) Blâmer les victimes
Il y a les victimes, les bourreaux des victimes, et le jeu sordide Victimes-Bourreaux. Au Cameroun, il devrait logiquement avoir – comme partout ailleurs – une définition et des contours clairs des victimes et des bourreaux. Mais très souvent des propagandistes comme Issa Tchiroma Bakary entretiennent délibérément la confusion et renvoient la faute sur les victimes, afin notamment de produire puis maintenir à dessein une véritable rhétorique culpabilisante, et aboutir ainsi à une inversion véritable des rôles dans laquelle toute la charge de la responsabilité retombe sur les victimes. Mais le principal problème apparaît quand la crise ou le drame perdure, et que l’auteur qui n’est autre que le gouvernement du Cameroun, refuse d’assumer toute la responsabilité découlant de ses propres actions.
Et comme avec M. Tchiroma, c’est alors tout un gouvernement qui s’empresse – comme par instinct de survie – de faire semblant de ne pas réellement mesurer et comprendre l’ampleur de ses responsabilités. Mais la vérité c’est qu’il n’y a pas de victimes sans bourreaux. Les Anglophones ne sont pas la cause du problème mais ses victimes au Cameroun, comme le CL2P l’a répété à maintes reprises, puis l’affirmera encore et encore
3) Démagogie et tribalisation des problèmes légitimes des Camerounais
Et maintenant que le processus de putridité et de décomposition avancée du régime Biya semble hors de contrôle, et surtout que son incapacité à résoudre les multiples crises auxquelles est confronté le Cameroun se précise, il en est réduit à s’appuyer sur un idéologue comme Mathias Eric Owona Nguini pour notamment agiter le spectre d’une violence normalisée et institutionnalisée sur les populations civiles. Mais dans la pratique il ne s’agit ni plus ni moins que du terrorisme domestique parrainé par l’État, sur la base d’une opposition imaginaire, faussement divisée sur un problème comme celui-ci, dont la segmentation n’a comme but ici que d’éloigner encore une fois les Camerounais des questions légitimes en les mettant comme d’habitude sous le tapis. Cette dépendance chronique à la violence est aussi la démonstration que l’autrefois rationnelle et compétente bureaucratie n’est plus ce modèle d’entité démocratique, et conforte la nécessité de l’émergence d’une nouvelle catégorie d’acteurs sociaux et de citoyens engagés au Cameroun.
Toutes ces tactiques sont aujourd’hui clairement très improductives et sonnent aux oreilles des Camerounais comme des disques rayés. Le temps est clairement venu d’assumer enfin vos responsabilités et d’arrêter de faire porter le chapeau aux autres!
Olivier Tchouaffe, PhD, contributeur au CL2P et Joël Didier Engo, président du CL2P
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English version
Who is ruining the Republic?
By Olivier Tchouaffe, PhD contributor to the CL2P and Joel Didier Engo, President of the CL2P
After the recent events in the Anglophone region of Cameroon, the government’s spokesperson and known griot of the Biya’s regime, Mr Issa Tchiroma Bakary, came out to recite his habitual propaganda blaming the events in Cameroon to outside forces.
The regime of Cameroon has an atavistic incapacity to take its share of responsibilities in problems it helps create. This is the Government’s well know modus operandi:
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Opposition as a “Nuisance”
The CL2P has relentlessly hold the government into account for his failure to consider oppositional politics in Cameroon in a logic of contribution. In Cameroon, “opponent” is a biopolitical category. In this biopolitical practice, the opponent is produced and represented in this political system and historically been determined by the institutions of the State and the disproportionate prerogatives of the Head of State in a regime described as “Présidentialiste à pouvoir renforcé” which basically means absolute power. The opponent in this context has become the figure to be tortured, annihilated, and transformed into something among other things in a regime where thought and single party have become the norm. The product of this body discipline has given birth to the figure of the opponent as a person incapable of ensuring his own safety and incapable of transforming the world in which he lives. In this perspective, the opponent is no longer the figure of a possible transformation, the agent of a positive alternation but a prejudice, a stereotype, a cliché to exploit at low politician ends, promoted by a narcissistic, libidinal and enjoying power.
There are victims, victimizers, and the Victim-Victimizer game. In Cameroon, there should be clear definitions and boundaries concerning victims and victimizers, but too often, propagandists, such as Tchiroma, confuse this distinction on purpose and misdirects responsibilities on the victims to maintain a cycle of unproductive blame, confusion, and role reversal. The problem comes when the victimizer which is the Cameroonian government refuses to take full responsibility for its actions. As with Tchiroma, it is a government which is quick to assign blames as a form of survival mechanism to the extent that it failed to understand its own responsibilities. The thing is there is no victims without a victimizer. The Anglophones do not make the problems and suffering up as the CL2P has noted many times over and over again.
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Demagogue and tribalize legitimate problems
One more, as with the putridity and the slow decomposition of the Biya’s regime, which is clearly out of imagination to solve Cameroonian multiple crisis. The regime now relies on his ideologue, such as Mathias Owona Nguini, to agitate the specter of normalized and unproductive violence, in practice state-sponsored domestic terrorism, based on divisive and false opposition to sweep ordinary Cameroonians’ legitimate issues under the carpet as usual. This reliance on violence is a demonstration that the notion of a rational and competent bureaucracy is no longer a democratic model and the necessity of the emergence of a new category of social actors and citizenship in Cameroon.
All these tactics are now very unproductive and sound to the ears of Cameroonians as broken records. Take responsibility and quit the blame game!
Olivier Tchouaffe, PhD contributor to the CL2P and Joel Didier Engo, President of the CL2P