Divergences entre les leaders anglophones/Mathias Owona Nguini: «Le marché politique se dessine»
Le politologue explique la fracture observée dans les rangs des contestataires anglophones, par le fait que certains acteurs ont développé un engagement résolument séparatiste et sécessionniste.
Approché par notre confrère Mutations, le politologue Mathias Eric Owona Nguini fait un décryptage des clivages et rapports de force au sein du leadership anglophone. On sait que depuis un temps, de plus en plus de dissensions s’observent entre les défenseurs de la cause anglophone. Le politologue pense qu’il s’agit d’une composante de la crise anglophone qui était latente et qui commence à devenir manifeste en montrant que le champ des acteurs se complexifie.
Il ajoute dans les colonnes du 1er novembre 2017 de notre confrère «Il y a effectivement des acteurs qui ont développé un engagement résolument séparatiste et sécessionniste qui vise à obtenir la construction d’une nouvelle entité souveraine, d’un nouvel Etat qu’ils appellent soit «Ambazonia», soit «Southern Cameroon». De l’autre côté il y a les unionistes fédéralistes qui considèrent qu’il n’est pas question de mettre en cause l’unité souveraine du Cameroun mais qu’il est simplement question d’en charger l’aménagement constitutionnel en forme de l’Etat, en remplaçant un Etat unitaire de type décentralisé par un Etat fédéral dont ils n’ont pas encore précisé l’orientation, mais dont on sait qu’il est fédéral».
Parlant par exemple du cas de Me Félix Nkongho leader du Consortium dissous de la société civile, Mathias Eric Owona Nguini déclare «on voit qu’il y a des différences d’orientations idéologique, politique et stratégique entre les deux groupes. Comme Me Agbor Balla a indiqué de façon claire son positionnement fédéraliste, il ne pouvait qu’en payer la colère de ceux qui ont une démarche sécessionniste puisque nul ne connait la pertinence de l’union camerounaise c’est-à-dire, l’entité du Cameroun en tant qu’Etat uni même s’ils contestent l’organisation actuellement décentralisée de l’Etat».
Répondant à la question de savoir pourquoi le fossé entre les leaders n’apparaît que maintenant, le politologue déclare «cette différenciation se dessinait déjà mais elle était masquée par les intérêts conjoncturellement convergents des acteurs parce que ce qui était important au départ, était de donner une visibilité au mouvement de l’anglophonie identitaire. Maintenant l’évolution de la situation fait que la perspective du dialogue qui a été soulevée de manière un peu incantatoire par différents acteurs ne peut se matérialiser que dans la mesure où on l’on saura qui est en faveur de l’option sécessionniste, qui est en faveur de l’option fédéraliste, qui est en faveur de l’activation effective de l’Etat unitaire décentralisé. Ce n’est qu’à ces conditions que ce dialogue-là peut se structurer. Pour finir il y a des éléments clairs de rivalité politique parce que ces différents acteurs ont entre autres comme idées en arrière-plan, de se poser en représentants attitrés ou en représentants dominants de la communauté anglophone. Donc c’est un marché politique qui se dessine».
Par Liliane J. NDANGUE | Cameroon-Info.Net