J’ai rencontré Boris il y quelques années. Grand amateur de livres et d’idées, je m’étais rendu à la dédicace de l’ouvrage «Repenser le développement à partir de l’Afrique» à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). Il s’agit d’un ouvrage collectif associant plusieurs intellectuels et universitaires camerounais dont les renommées ont traversé plusieurs continents. Le Pr Jean Emmanuel Pondi en est le coordonnateur scientifique.
Ce jour-là, les co-auteurs se sont succédés pour parler de l’ouvrage et de la problématique du développement de l’Afrique. Dans ce parterre d’enseignants, de «grosses têtes» de notre intelligentsia, il y avait un jeune étudiant de master : Boris Bertolt. On lui aurait donné 25 ans et pourtant il était là. Boris Bertolt s’adressera à l’assistance avec un tel magistère qu’il reçut des acclamations au terme de son exposé sur sa vision du développement de l’Afrique. Une perspective fraîche, futuriste et cohérente qui révélait à quel point ce jeune homme pétille d’intelligence. Oui en effet, Boris est brillant. Ceux qui ont pris le temps de le voir formuler et défendre ses idées dans les journaux et à la télévision connaissent parfaitement le potentiel qu’il regorge. C’est donc sans surprise que Boris fut choisi pour obtenir une bourse de l’Union Européenne pour poursuivre ses études en Europe. Désormais titulaire d’un Master, Boris continue à gravir d’autres marches dans le milieu universitaire. Plein succès pour son PHD qu’il espère bientôt obtenir. Il faut espérer que nos enfants et petits-enfants bénéficieront de son savoir quand il aura choisi (espérons-le) de revenir enseigner au Cameroun ou quelque part dans le monde là ou les opportunités et le destin l’auront mené.
En attendant, Boris qui a exercé dans l’un des meilleurs quotidiens privés du Cameroun (Mutations), est resté très attache à son pays malgré la distance et l’éloignement. Grâce a un réseau d’informations riche et précieux ; Boris est devenu l’un journalistes les plus suivis dans les réseaux sociaux. Sa page facebook est devenue une source d’information pour de nombreux confrères qui sont alertes sur les faits d’actualité sur cette page. Il n’y a pas un seul fait politique majeur au Cameroun qui ait échappé à Boris. Un bon journaliste, c’est son carnet d’adresses, c’est la qualité de ses informations et c’est le talent qu’il a de relater les faits. Boris Bertolt en est un.
Mais Boris a aussi choisi de devenir ce qu’il est convenu d’appeler un lanceur d’alerte.
Un lanceur d’alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l’intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d’y mettre fin (Définition de Transparency International). Boris Bertolt, grâce à son influence grandissante sur les réseaux sociaux a choisi de porter à l’attention de l’opinion et des autorités, des faits graves. Récemment encore, Boris Bertolt a pesé de sa notoriété et de son influence sur les réseaux sociaux pour le cas Ibrahim Bello qu’il n’a pourtant jamais rencontré. Grâce à cette mobilisation, Ibrahim Bello a pu obtenir un fauteuil roulant, un bon suivi médical et les autorités ainsi que certaines organisations de la société civile ont enquêté.
Au moment où des rumeurs mal articulées et une campagne de sabotage se préparent contre lui, il est bon de rappeler que dans notre pays (le Cameroun) victime d’une mauvaise gouvernance qui se généralise et impacte la vie des millions des citoyens (grevés des enseignants, des médecins, soulèvement des Anglophones, pénuries d’eau, d’électricité, vie chère, mauvais état des routes, scandales de corruption, abus de toutes sortes) ; il est important que les lanceurs d’alerte soient de plus en plus nombreux pour réussir un changement notre société. Dans un pays comme le nôtre, s’il fallait choisir entre des lanceurs d’alerte et un gouvernement, tout patriote choisirait les lanceurs d’alerte. Vu l’état de notre pays, ils sont bien plus utiles. Oui en effet. Dans cette société camerounaise, ligotée par 30 ans d’une dictature sournoise sous les apparences démocratiques ; il est certain qu’être un lanceur d’alerte est une activité dangereuse. Nous sommes beaucoup trop habitués aux mensonges, aux petits arrangements, aux intérêts personnels. Nous avons fini par accepter notre triste condition.
A Boris, je ne peux que dire une chose : le salaire de l’engagement social ou politique peut parfois être paye en ingratitude, intimidations et représailles. Mais te connaissant, je sais que rien ne te fera reculer et, l’énergie qui bouillonne en toi te poussera toujours vers les causes que tu estimes justes. L’Histoire est le meilleur juge et son tribunal ne se trompe jamais. Au fond d’eux-mêmes, ceux qui s’attaqueront à toi savent que tu menés le bon combat et un jour, chacun devra assumer le rôle qu’il a choisi de jouer. Souviens-toi du triomphe populaire que les Camerounais avaient réservé à feu Charles Ateba Eyene. On n’avait jamais vu ça. On ne verra peut-être plus ça avant longtemps. Ce sont des faits qui parlent. Il n’y a aucun doute : les Camerounais savent ceux qui parlent leur langage.
Dans une société normale, les alertes comme celles que tu lances pousserait la justice et autres à se saisir de ces cas et à faire toute la lumière. La presse poursuivrait les enquêtes pour en savoir davantage. Comme avec le scandale du watergate, comme avec le scandale de la résidence de Jacob Zuma, comme avec les Panama Papers. S’ils ont choisi de s’attaquer à toi, c’est qu’ils ne contestent pas les faits que tu dénonces. Et donc, tu as bien fait ce qu’il fallait faire.
Tu as avec toi le petit peuple qui souffre de ces pillages, de cet égoïsme, de cette oppression. Certains refusent de comprendre. D’autres ont compris mais font semblant. D’autres ne comprendront que plus tard.
Bon vent l’ami!
Mohamadou Houmfa, journaliste à la Voix de l’Amérique (VOA)
LE COMITÉ DE LIBÉRATION DES PRISONNIERS POLITIQUES (CL2P) EXPRIME TOUTE SA GRATITUDE, RECONNAISSANCE, ET SOLIDARITÉ AU JOURNALISTE D’INVESTIGATION ET LANCEUR D’ALERTE BORIS BERTOLT.
NOUS SOMMES NATURELLEMENT À SES CÔTÉS.
JOËL DIDIER ENGO, PRÉSIDENT DU CL2P