À un moment où nous réfléchissons sur la vie du Mpodol Ruben Um Nyobe, nous sommes également conscients que la politique et la sainteté ne font toujours pas bon ménage. Si le Mpodol avait vécu et réussi à vaincre le cancer de la Francafrique, rien ne garantit que le Mpodol aurait été un grand politicien. Il aurait pu finir comme un Kwame Nkrumah, Sékou Touré ou même Nelson Mandela, mais il est bien connu que ces héros africains ont aussi leurs limites et critiques.
À Myanmar en Birmanie, la lauréate du prix Nobel, Aung San Suu Kyi, se retrouve dans une dynamique de syndrome de Stockholm avec une junte militaire génocidaire. Ceci nous rappelle Les Mains Sales de Jean-Paul Sartre et sa célèbre citation: «La pureté est une idée de fakir et de moine».
Les Mains Sales est une réflexion importante sur la politique et les limites humaines. Nous sommes tous soumis à certaines formes de limites, qu’elles soient intellectuelles, religieuses, économiques, sociales, et morales, etc. C’est notamment important de l’appliquer à ceux qui sont au pouvoir et semblent ne pas être au courant de leurs propres limites. Être conscient de ses propres limites nous rend meilleur et humble, car nous excellons alors dans l’usage de nos forces.
Étrangement en Afrique centrale nous avons un groupe de responsables politiques pour lequel la notion de limite ne s’applique pas. Elle ne leur parle pas. Pris collectivement, ils accumulent au moins deux siècles de pouvoir sans réalisations concrètes, palpables, durables auxquelles nous pourrions objectivement et fièrement nous identifier. Ainsi, Paul Biya du Cameroun, à 84 ans dont 35 au pouvoir, se prépare à un autre couronnement électoral suprême. Les Camerounais ordinaires sont conscients que les chances que le pays de se transforme en Suisse, où le président aime tant prendre ses vacances pendant la plus grande partie de l’année, sont infimes pour ne pas dire plus proches de zéro.
Mais pourquoi ces présidents continuent de s’accrocher au pouvoir?
Il existe de nombreuses thèses académiques et de livres pour répondre aux raisons pour lesquelles ces chefs d’État s’accrochent obstinément au pouvoir, mais cela pourrait bien aussi se résumer à une idiotie collective pure et simple. La définition du manuel pratique de l’idiot réfère à une personne qui s’obstine à faire les mêmes choses, mais s’attend à des résultats différents. Par conséquent, ces présidents sont tous réélus avec des scores Soviétiques avec toujours l’idée de transformer notre zone politique en une ville scintillante sur la colline. Mais nous continuons irrémédiablement à reculer, alors même que nous sommes déjà la région politique la plus arriérée au monde, et qui sait peut-être bientôt d’Afrique.
Nous pourrions tous être idiots!
Maintenant, je dois reconnaître qu’il est hypocrite d’attaquer nos leaders sans admettre nos propres responsabilités dans cette triste situation. Alors qu’au Cameroun le président se prépare pour un énième couronnement électoral, après avoir pu, comme le maître chinois Sun Tzu, méthodiquement éjecter tous ses adversaires les plus crédibles et expérimentés du champ de bataille politique, il y a déjà une poignée de politiciens stupides et masochistes qui – contents de voir croupir ces adversaires rédoutés dans les mouroirs du tyran – qui se préparent à lui servir de marche -pied pour son couronnement suprême, sans même que celui-ci éprouve le besoin de livrer la moindre bataille électorale. Ces idiots utiles du prince qui n’ont évidemment aucune chance de gagner sont en train de servir de marionnettes et de légitimer un énième simulacre d’élection.
Les Camerounais ordinaires doivent également prendre leur part de responsabilité dans cette supercherie. Que vous participiez ou non à ce cirque, nous sommes tous complices de ce spectacle macabre. Mettre tout le pouvoir dans les mains d’une seule personne après 35 ans d’échec et s’attendre à ce que quelque chose de nouveau apparaisse en dit beaucoup sur notre intelligence collective, notre capacité à penser rationnellement et à apprendre de manière articulée de la politique. Au cœur de ces insuffisances criardes et bien-sûr non assumées se trouvent en bonne place notre inculture civique et notre culte de l’intérêt personnel, de notre ego. Pourtant sans eux (la culture civique et le sens de l’intérêt général) la démocratie elle-même ne peut pas être possible, y compris lorsque les gens sont parfaitement conscients que les politiques de Paul Biya et particulièrement son incurie chronique les affectent directement et aggravent dangereusement la situation générale du pays, ils ne s’en soucient pas en réalité car caressant sans le dire le rêve d’une réussite personnelle dans son système (pour faire éventuellement du Biya sans Biya).
Voilà pourquoi toutes ces manœuvres bassement politiciennes et les schémas de pensées qu’elles véhiculent dans le but notamment de rationaliser les échecs du régime au sein l’opinion publique sont effectivement le premier danger auquel est confronté le Cameroun.
Oui, nous pourrions tous être idiots.
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Contributeur au CL2P
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English version
Cameroon: Are we a Bunch of Idiots?
At a time when we are reflecting on the life of the Mpodol Ruben Um Nyobe, we are also aware that politics and sainthood do not make an easy package. Had he lived and succeeded to outwit the malign cancer of the Francafrique, there is no guarantee that the Mpodol would have been a great politician. He could have ended like a Kwame Nkrumah, Sekou Toure or even a Nelson Mandela but it is well-known that these African heroes have their critics.
As we experience in Myanmar where Nobel peace laureate Aung San Suu Kyi find herself in cahoots with a genocidal military junta, we are reminded of Jean-Paul Sartre’s Dirty Hands and the famous quote that “Purity is an idea for a yogi or a monk.”
Dirty Hands is an important reflection on politics and human limitations.
How we all have subject to some forms of limitations be it intellectual, religious, economic, social, and moral and so on. This is important to reflect on those in power who seem not to be aware of their own limitations. Being aware of one own limitations makes us better human beings because we become better in using our strengths and our limitation.
In Central Africa, however, we have a group of head of a states for which the concept of limitation does not apply. Among themselves, they accumulate, at least, two centuries in power without any long lasting accomplishments. As Paul Biya of Cameroon is getting ready for another sublime coronation after 35 years in power, ordinary Cameroonians are aware that the chances of the country turning into Switzerland, where the president enjoys vacationing for most of the year, are very slim to none.
Then, why these presidents keeps clinging to power?
There are many academic careers and books been written on why these heads of state cling to power but it might well come down to idiocy pure and simple. The textbook definition of the idiot is a person who keeps doing the same things but expect different results. Hence, these presidents keep getting re-elected with the idea of turning our political zone into a shining city upon the hill, however, we keep going backward as we are the most political backward political region in the world.
We might all well be idiots
Now, I must recognize that it is hypocritical to just lash out our leaders without recognizing our own responsibilities in this sad situation. While the president is getting ready for his electoral coronation, after having, as the Chinese master Sun Tzu, methodically ejected from the political battlefield any credible opponents, there are already a handful of stupid and masochistic politicians lining up to serve as walking foot for the president’s coronation without a credible electoral battle. These idiots who have no chance of winning are just acting as stooges to legitimate a simulacra of election.
Ordinary Cameroonians must also shoulder some blame for this situation. Whether or not you participate in this circus, the thing we are all accomplice in this macabre show. Putting all the power in one person’s hand after 35 years of failure and expecting something new reflect worse on our intelligence, capacity for rational thinking and sophisticated knowledge about politics. At the core, problems about our civic literacy and enlightened self-interest. Without which democracy itself cannot be possible, particularly, even when folks are aware that Biya’s policies or lack of will hurt them and make matters worse for them, they do not care. The kind of thought processes that rationalize these forms of failures are indeed deranged.
Yes, we might all well be idiots…
By Olivier Tchouaffe, PhD, Contributor to the CL2P