Depuis le déclenchement de la crise anglophone, les points de vue s’enchaînent sans jamais se ressembler chez les mêmes acteurs. Tout le monde veut avoir raison au point de perdre la mémoire, le fil logique des événements et les idées développées antérieurement, comme si se tromper ne méritait qu’une condamnation à mort ; comme si faire profil bas et reconnaître ses erreurs n’avaient plus de sens au pied de l’escalier des sanctuaires auxquels la plupart des acteurs se reconnaissent.
Notre Camerounotopie a appris désormais à cristalliser les points de vue autour des egos, niant de ce fait l’essence même des concepts fondateurs de l’agir public qui mettent la puissance idéelle au-dessus des postures égotistes, et la présence au-dessus de la prestance. La prise de parole et son pouvoir de pénétration au sein des couches qui en font la demande, sont dès lors assujettis à la capacité autorégulatrice de l’esprit des idées et des évènements qui y ont cours.
Dès que l’on passe outre ces principes, on ne peut travailler qu’à se satisfaire soi-même, le plus souvent malhonnêtement. On est donc perturbé par son homme de l’intérieur, malmené par sa conscience positive en lutte vive et visible contre le teigneux corps et ses bizarres et égotistes envies de satisfaire des désidératas que l’on sait le plus souvent perdues.
C’est dans cette course folle vers le seul bien-être individuel de quelques-uns (que veut garantir l’ordre dominant endogène aux acteurs publics), que naissent des cloisons : parler dans les médias; seulement parler, est devenu un métier à plein temps. Ainsi, la plupart des acteurs, même universitaires ne s’interdisent plus de céder ô combien moins cher, le sermon de dignité pour servir les intérêts des « ordres ». La fin biologique probable de régime aidant, l’idéologie, notamment ethnique ne peut que s’inviter au débat pour fidéliser les membres de chaque bloc.
La société se construit ainsi, voulant faire du tout, ce qu’elle est incapable de faire des parties ; sabordant un fédéralisme masqué sous le sceau de la honteuse unité qui se vente étonnamment du multicolorisme qui prépare sa guerre.
Malgré tout, un intellectuel n’est pas un prophète s’il sait prendre de la hauteur sans nier sa provenance. Un intellectuel n’est pas un prophète s’il a compris que son rôle, c’est de soutenir les plus faibles et de toujours garder sa Gauche ferme. Un intellectuel n’est pas un prophète si en servant une cause juste il se trompe de bonne foi. Dès cet instant, se tromper devient un “Droit de l’Homme” parce qu’il confère une excuse absolutoire à l’acteur qui a agi pour le bien de l’humanité.
La crise anglophone est de ce point de vue, révélatrice de la carapace prophétique qu’ont endossé bien d’acteurs qui ne savent plus s’amender, tellement les risques pris sont grands et les desseins conséquents. Aussi, longtemps, qu’on envisage l’espace public comme une arène gladiatorienne, on ne peut que construire des idéologies condamnées à s’affronter jusqu’à ce que mort s’en suive. Entre-temps, la crise anglophone continue de prendre du galon, sans que la force des lumières qui vient de la lutte des contraires sur le plan idéelle ne s’impose pour éclairer les décideurs.
Par Bangmo Narcis Ulrric
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Crise anglophone – Dieudonné Essomba (économiste) à Mathias Eric Owona Nguini (socio-politiste): «Avec votre prétendu patriotisme, vous jouez un très mauvais rôle !»
L’économiste Dieudonné Essomba s’en prend à l’autre intellectuel Mathias Eric Owona Nguini au sujet de la crise anglophone. Dans un post abondamment diffusé sur les réseaux me sociaux depuis le 23 septembre 2017, le spécialiste des questions monétaires défend le système fédéral que réclament les anglophones du Cameroun et auquel s’est toujours opposé le socio-politiste. « Je suis patriote ! Je suis patriote ! » Vous êtes patriote parce que vous défendez l’Etat unitaire ? Donc il y a une égalité entre le patriotisme et l’Etat unitaire ? Les Américains ne sont pas patriotes ? Les Allemands ne sont pas patriotes, les Suisses ne sont pas patriotes ? Certains s’imaginent faire preuve d’intelligence en venant radoter n’importe quoi ! On leur dit que ce système est intrinsèquement mauvais, qu’il faut le réformer, créer deux niveaux de décision dans l’Etat pour réduire les tensions du système, ils continuent à opposer des rêves idéologiques ! », proteste-t-il.
Il pense qu’à cause de la façon dont la crise dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest est gérée la situation s’aggrave. Et trouve que les activistes anglophones sont dans leur droit. « Avec quels moyens l’Etat du Cameroun, en la situation actuelle de ses finances publiques, peut contrer un séparatisme anglophone soutenu par toute sa population de 20%, sa puissante diaspora extrêmement pugnace, la communauté internationale ? Les Anglophones ne sont pas Boko Haram ! Ils ont une légitimité historique reconnue de manière universelle et d’ailleurs, leur représentant est actuellement à l’ONU à visage découvert, faisant son lobbying et sûr de son bons droit ! Ce n’est pas comme Boko Haram, détesté par tout le monde : par la population, par le monde entier et dont personne ne peut ouvertement se réclamer ! », assure-t-il.
Parlant directement à Mathias il déclare qu’il fait mauvaise route et l’accable : « Vous vous trompez de combat ! Dans cette histoire, le Gouvernement ne peut pas gagner. Il ne fera que s’affaiblir et sera un jour contraint de négocier, mais en position de faiblesse. Avec votre prétendu patriotisme, vous jouez un très mauvais rôle ! » Dieudonné Essomba propose à Owona Nguini comme solution pour sortir donc des difficultés de gestion de la diversité « un modèle fédéral ». Il reproche au pouvoir que le Professeur Owona Nguini soutient dans le cadre de la crise anglophone, d’avoir « transformé une communauté par essence fédéraliste en une société sécessionniste ! »
Pour lui, sans un dialogue sérieux le problème anglophone ne sera pas résolu. « Qui vous a menti que le problème anglophone peut finir et s’épuiser ? Qui vous a dit que vous pouviez réduire les Anglophones ? C’est une grossière erreur technique ! Un mouvement séparatiste ne finit jamais ! C’est un modèle de rébellion dont la haine se transmet de père en fils de manière multipliée ! Et si les pères ont échoué, les fils reviennent, plus décidés que jamais ! Vous êtes entrain de créer un ulcère incurable sur le corps du Cameroun ! »
Par Pierre Arnaud NTCHAPDA | Cameroon-Info.Net