1- L’indifférence de Monsieur Paul BIYA et l’aveu pitoyable de son régime
« L’audience » accordée, le 16 avril 2020, à Monsieur l’Ambassadeur de France au Cameroun par la Présidence de la République en fonction, était supposée marquer le retour de Monsieur Paul BIYA sur la scène publique. Cette audience est intervenue au lendemain du dépôt sur le Bureau de l’Assemblée Nationale de notre requête aux fins de déclenchement de la procédure conduisant à la constatation de la vacance de la Présidence de la République par le Conseil constitutionnel.
L’actualité nous a servi, ce 21 avril, un communiqué, signé du Ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la Présidence de la République, sur les massacres perpétrés à Ngarbuh, le 14 février 2020. A la suite de cet évènement tragique, faut-il le rappeler, le Président de fait n’avait pas cru devoir prendre la parole, alors que de nombreuses voix s’étaient élevées dans notre pays et à travers le monde pour exprimer leur profonde indignation.
Alors que la publication des résultats de l’enquête nationale, qu’il avait lui-même ordonnée, de toute évidence pour se soustraire aux pressions internationales lui donnait l’occasion de faire entendre sa voix sur ces horreurs, Monsieur Paul BIYA a préféré, du haut de sa suffisance et de son mépris habituel pour les Camerounais et leurs souffrances, se décharger sur son Secrétaire général pour se livrer à l’aveu pitoyable de la responsabilité du régime dans ces massacres. Le pouvoir l’admet donc enfin, toujours sous la pression extérieure : ce sont bien des éléments des forces de défense camerounaises qui ont massacré des populations camerounaises, en l’occurrence des civils inoffensifs, parmi lesquelles des bébés et des femmes enceintes. Toutes les sources de bonne foi avaient du reste déjà établi cette responsabilité.
2- Les questions essentielles qui subsistent après le communiqué du 21 avril 2020
En dépit de cet aveu forcé, ce communiqué contient de nombreuses zones d’ombre.
1- Combien de personnes au total ont-elles été massacrées le 14 février 2020 ?
2- Combien de maisons ont-elles été brulées ?
3- Qui sont ceux qui, dans l’armée, au sein des institutions de l’Etat, dans l’administration, au sein de la société civile, ont ordonné, supervisé, couvert et/ou tenté de manipuler l’opinion nationale et internationale ?
4- Que sont devenues toutes les personnes arrêtées arbitrairement et torturées par les services au motif fallacieux qu’elles auraient collaboré avec les Organisations de défense des droits de l’homme ayant dévoilé les crimes et l’implication de l’armée ? (A titre d’exemple la personne qui avait été arrêtée, torturée et accusée d’avoir envoyé les images des massacres à l’organisation Human Rights Watch)?
5- Qui finance et entretient les miliciens et supplétifs enrôlés par le Commando de Ngarbuh ?
6- Les massacres de Ngarbuh ont fait naître de graves tensions religieuses et tribales entre les populations Fulani et d’autres communautés de la zone. Qui a instrumentalisé la communauté Fulani et à quelles fins ? Qu’est-ce qui est mis en place pour la réconciliation des Fulani et des autres communautés concernées ?
3- Qu’en est-il des autres cas de tueries ou de massacres de civils dans les Régions anglophones ?
Au-delà de ces questions essentielles soigneusement évitées dans le communiqué du 21 avril, l’aveu arraché au régime sur la responsabilité de l’Armée et du régime dans les massacres de Ngarbuh ramène à la lumière d’autres cas de civils massacrés dans le conflit armé qui ravage les Régions anglophones de notre pays depuis bientôt quatre ans.
Parmi ces cas on peut citer ceux de :
1- Ofen- Tben ( Batibo) ;
2- Menka-Pnyin (Santa) ;
3- Bakweri Town ( Buea) ;
4- Buea Town, (Buea) ;
5- Martha ( Muyuka) ;
6- Ekona ;
7- Munyend ;
8- Kwa- Kwa ;
9- Sam Soya ( Bello) ;
10- Weh ;
11- Esu ;
12- Wum.
4- Le Communiqué du 21 avril 2020 : Une manœuvre pour dissimuler l’identité des vrais responsables militaires et politiques des massacres de Ngarbuh
Avec toutes les zones d’ombres qui persistent sur les massacres de Ngarbuh et compte tenu des nombreux efforts déployés par le régime pour dissimuler la vérité, y compris le recours à l’intimidation et à la terreur, il se dégage que les conclusions qui ont permis la rédaction du communiqué du 21 avril 2020 sont tronquées. Le régime, sans doute mal conseillé, a choisi de servir au monde une demi-vérité dans l’espoir de faire retomber la pression et de continuer sa sale guerre.
Dans ces conditions, le MRC réitère sa demande du 26 février 2020, à savoir l’ouverture d’une enquête internationale sur les massacres de Ngarbuh et tous les autres massacres de civils, aussi bien dans le conflit armé en cours dans les deux Régions anglophones que dans la Région de l’Extrême-Nord, où l’armée combat la secte extrémiste Boko Haram.
Yaoundé le 23, avril 2020.
Professeur Maurice KAMTO
Président Élu