Cameroun : une élection qui réveille les conflits ethniques
La tension entourant le processus électoral a donné lieu à des allusions liées aux identités. Une question devenue épineuse dans ce pays multiethnique. Or pendant longtemps, le Cameroun a été perçu comme un modèle.
André Julien Mbem : “Cette élection présidentielle est symptomatique du délitement du contrat social au Cameroun”
Avec ses 250 ethnies qui cohabitent au sein d’une population de 20 millions d’habitants, le Cameroun est un grand melting-pot. Mais la période semble désormais révolue où les différences ethniques pouvaient s’exprimer sans tabou, voire dans des blagues. Aujourd’hui, la question est prise très au sérieux.
Tous les secteurs touchés
Même dans le milieu des intellectuels, il y a des regroupements par affinités ethniques au sein d’une même corporation. C’est ainsi qu’il existe, parmi les avocats, des clubs de ressortissants du Littoral, de l’Ouest, du Centre ou du Sud. La même chose se passe au sommet du pays.
Le sociologue camerounais Martial Ze Belinga dit avoir observé “autour de la décision politique, la décision publique, des cadres qui viennent d’une région qui est proche de celle du président ou de la même région que le président ou le Premier ministre, etc.” Il dénonce ce qu’il appelle “un clientélisme ethno-centré”.
La présidentielle a lâché les vieux démons
Les conséquences du clientélisme dont parle le sociologue Ze Belinga ont été exacerbées par certaines prises de position sur les réseaux sociaux à l’occasion de l’élection présidentielle.
André Julien Mbem, romancier et chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales de Paris s’en plaint. “C’est extrêmement inquiétant !” pense-t-il.
Selon Monsieur Mbem, “si on n’était pas dans un univers virtuel (sur les réseaux sociaux ndlr), le Cameroun serait aujourd’hui à feu et à sang ! On a vu des intellectuels supposés être des références pour la société camerounaise se livrer à des attaques tribales abjectes contre telle ou telle communauté ! Cette élection présidentielle, elle est symptomatique d’une part de l’effondrement des valeurs dans la société camerounaise et surtout du délitement du contrat social au Cameroun aujourd’hui.”
André Julien Mbem et Martial Ze Belinga décrivent une situation rendue encore plus complexe avec la crise anglophone de ces deux dernières années. Malgré la présence de ressortissants anglophones dans l’appareil d’Etat, des groupes sécessionnistes anglophones se plaignent d’une insuffisance de représentativité dans les plus prestigieuses fonctions du pays.
Source : www.dw.com