Ce sont des images insoutenables sur lesquelles, pourtant, on peut tomber presque par hasard sur les réseaux sociaux au Cameroun. Cela fait deux jours qu’elles circulent. On y voit des hommes en uniforme entraînant en brousse des femmes et des enfants et les exécutants froidement.
La vidéo dure près de trois minutes. On y voit deux femmes, l’une tenant un enfant par la main, l’autre portant un bébé sur le dos et juste derrière elles, les forçant à avancer, deux hommes en uniforme de l’armée, kalachnikov en bandoulière.
A plusieurs reprises, l’un de ces hommes gifle la première femme en lui disant « lève la calebasse qu’on te voit bien, toi, BH, tu vas mourir ». L’appellation BH au Cameroun désigne le groupe islamiste Boko Haram.
Ces images qui semblent tournées avec un téléphone portable sont commentées en direct par un homme. Il présente les protagonistes qu’il filme : des éléments Boko Haram récupérés après un assaut, dit-il. Il donne aussi des noms : notamment le caporal-chef Tsho-tsho et le 2e classe Cobra.
Les deux hommes en tenue militaire font avancer les deux femmes et leurs enfants sur une piste, les poussent vers une petite colline, bandent leurs yeux, font s’agenouiller la première femme tout comme la petite fille à qui ils mettent un t-shirt sur la tête. Puis la deuxième avec le bébé sur le dos s’agenouille, les quatre sont fusillées dans le dos. Une vingtaine de coups sont tirés, puis gros plan sur les quatre cadavres, dont le petit bébé.
Des images insoutenables et qui suscitent une très forte indignation au Cameroun. Car tant la tenue militaire que le français des protagonistes pointent vers l’armée camerounaise. Le paysage aussi ressemble à celui de l’Extrême-Nord du pays où l’armée justement se bat contre le groupe terroriste Boko Haram.
Un pas a été franchi
Pour le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), pas de doute, ce sont des éléments des forces de sécurité du Cameroun qui sont responsables de ces exécutions. Ils disent avoir authentifié la vidéo et recoupé les informations.
La militante Maximilienne Ngo Mbe en appelle à la justice camerounaise. « C’est inacceptable dans un État de droit, s’indigne-t-elle sur RFI. Des enfants de 2 ans et 5 ans environ qui subissent au grand jour des actes de tortures, des femmes qui subissent des actes de tortures et qui sont après assassinées par 17 balles dans le crâne. Même si on est en guerre contre la secte Boko Haram – une guerre qui est légitime, le terrorisme ne doit pas venir imposer sa loi au Cameroun – mais ça ne peut pas donner à ce que les forces de sécurité deviennent des bourreaux. Là, je pense que c’est un pas qui a été franchi depuis qu’on est dans cette guerre-là et il est urgent que les autorités du Cameroun prennent des mesures adéquates. Que ces éléments soient arrêtés sans conditions et dans l’immédiat et qu’ils payent conformément à la loi, qu’on ouvre des enquêtes pour mettre la main sur ces éléments de forces de défense et qu’ils soient punis. »
Une enquête a été ouverte, assurent les autorités
Du côté des autorités, on se dit choqué par cette vidéo. Une enquête a été ouverte pour authentifier la vidéo, comme l’explique le porte-parole du gouvernement Issa Tchiroma Bakary :
« Des enquêtes sont ouvertes dès lors qu’on attribue à l’armée camerounaise, aux forces de défense de sécurité du Cameroun pour avoir perpétré ces crimes odieux. Nous n’avons pas encore authentifié, mais j’attire votre attention sur ce qu’on appelle les fake news. Ne soyez pas péremptoire dans l’attribution de ce forfait à l’armée camerounaise. Parce que l’ennemi est toujours capable de se glisser dans la tenue de nos forces de défense et de sécurité pour nous attribuer la paternité de choses odieuses. Permettez simplement qu’une enquête soit menée, d’abord que nous puissions établir l’authenticité de cette vidéo. »