Après plus de trois ans de détention, le notaire camerounais Abdoulaye Harissou voit le bout du tunnel. Alors qu’il était accusé « d’hostilité contre la patrie, d’assassinat et de détention et port illégal d’armes et de munitions de guerre », les faits ont été requalifiés le lundi 9 octobre en « non dénonciation » et ses avocats espèrent maintenant sa libération.
Le 27 août 2014, Abdoulaye Harissou, notaire originaire de l’Extrême-Nord, avait été arrêté par les hommes de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) à Maroua, puis transféré le jour même dans leurs locaux, à Yaoundé. Interrogé à de multiples reprises dans des conditions que ses avocats dénonceront, il avait été déféré le 6 octobre 2014 devant le tribunal militaire de Yaoundé.
Placé en détention à la prison centrale de la capitale, il était notamment accusé « d’outrages au président de la République, d’hostilité contre la patrie, de complicité d’assassinat et de détention et port illégal d’armes et de munitions de guerre ». Selon l’accusation, Me Harissou était coupable d’être le complice d’Aboubakar Sidiki, quant à lui accusé d’avoir fomenté un complot visant à renverser le régime de Paul Biya depuis la Centrafrique voisine.
« Me Harissou a toujours clamé son innocence »
La Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), sur laquelle s’appuyait l’accusation, expliquait notamment que Abdoulaye Harissou aurait fourni des aveux lors de ses premiers interrogatoires. Des déclarations « qui n’étaient pas des aveux et ont été obtenues sous la contrainte et sans accès à un avocat », s’indigne Me Saskia Ditisheim, avocate suisse de l’accusé pour Avocats sans frontières. « Me Harissou a toujours clamé son innocence ».
Après de multiples reports d’audience au tribunal militaire de Yaoundé, les éléments de la DGRE, notamment les enregistrements et des écoutes téléphoniques, avaient finalement été écartés de la procédure et, lundi 10 octobre, les faits reprochés à Me Harissou ont été requalifiés. Il est désormais accusé de « complicité de tentative d’outrage au chef de l’État », une infraction correctionnelle et non plus criminelle.
Proche de Marafa
Une nouvelle audience devrait décider de la suite à donner à l’affaire, le 18 octobre prochain. « On cherchait à détourner un événement qui n’est en réalité qu’une attaque de bandits venus de la Centrafrique et dans laquelle Me Harissou n’est concerné ni de près, ni de loin », affirme Me Saskia Ditisheim, qui salue la décision de requalifier les faits, « qui honore la justice camerounaise ».
« Il fait l’objet d’une détention arbitraire car il est le notaire de Marafa Hamidou Yaya, actuellement détenu au Secrétariat d’État à la Défense », ajoute-t-elle, dénonçant un dossier « monté de toutes pièces par la DGRE ». Toujours détenu, il risque désormais jusqu’à cinq ans de prison, mais espère sa libération alors qu’il était précédemment passible de la peine de mort.
Dans la même affaire, trois journalistes, Félix Cyriaque Ebolé Bola, Rodrigue Tonguè et Baba Wame, sont également accusés de complicité de tentative d’outrage au président de la République. Ils risquent, comme Me Harissou, jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, précise leur avocat camerounais, Me Claude Assira. Aboubakar Sidiki est quant-à lui toujours poursuivi pour les faits de bases, pour lesquels il risque, toujours, la peine de mort.