Le ministre de la Justice avoue que le Cameroun adhère à des textes internationaux contraires à sa constitution
L’enrichissement illicite n’est toujours pas puni au Cameroun. Mention n’est même pas faite dans la loi portant nouveau Code pénal que le ministre de Justice a défendue devant le Parlement. Mais Laurent Esso explique qu’il ne s’agit guère d’un oubli. Le Garde des Sceaux avoue qu’il a fallu enlever la disposition prévue dans l’avant-projet de loi, car le Code pénal camerounais ne peut guère intégrer l’enrichissement illicite
Le ministre de la Justice informe alors que le Cameroun a ratifié des textes internationaux qui ne sont pas « conformes » à sa constitution et à son Code de procédure pénale. Il s’agit par exemple de la fameuse convention des Nations unies contre la corruption (la convention de Merida). Ce texte et les autres rendraient le Code pénal contraire au système juridique national dont l’un des principes fondamentaux est la présomption d’innocence. En effet, si l’enrichissement illicite était intégré dans le Code pénal camerounais, cela reviendrait à accuser des personnes et à leur demander d’apporter la preuve de leur innocence. « La présomption d’innocence est un principe intangible dans notre système de droit. On ne peut pas le remplacer par la présomption de culpabilité et l’introduire dans le Code pénal. Ce n’est pas possible », explique Laurent Esso.
Il poursuit : « La charge de la preuve appartient à celui qui accuse. On ne peut pas dire à la partie qui est poursuivie, accuse-toi toi-même. Renverser la charge de preuve c’est créer des conditions qui rendraient difficile la vie en société, parce que tout le monde deviendrait suspect de tout. »
Laurent Esso fait même la caricature d’un Cameroun où le citoyen sera interpellé dans la rue et devra présenter la facture des chaussures qu’il porte et la preuve que ses revenus lui permettent d’acheter ces chaussures. Pourtant, il est davantage question ici de justifier les villas cossues, les immeubles, les grosses cylindrées que plusieurs agents de l’Etat affichent ostentatoirement, sans qu’on ne sache où ils ont pris l’argent pour acquérir ces biens ou pour garnir leurs comptes en banque.
La déclaration des biens est prévue dans la constitution camerounaise en son article 66. Une loi d’application de cette disposition a même été votée en 2006, mais n’a jamais été promulguée par le président de la République. Pour Laurent Esso, même cette loi ne peut être intégrée dans le Code pénal, car elle a un caractère prescriptif. Finalement, le ministre de la Justice propose une solution pour lutter contre l’enrichissement illicite : produire une loi spéciale qui prend en charge le problème de manière spécifique.
© Source : Le Jour : Assongmo Necdem